Certes, la droite républicaine n’a jamais été dominante chez les jeunes générations. Mais depuis une dizaine d’années, elle devient peu à peu anecdotique. Au point de mettre en péril son avenir.

Le saviez-vous ? Le jeune électeur de la droite "classique" a un point commun avec le rhinocéros de Java, le panda roux ou l’orang-outang. Jadis répandu, il est désormais menacé d’extinction. Ce printemps, l’Ifop a mené une grande enquête sur les intentions de vote au premier tour de la présidentielle. Au menu, une multitude de chiffres dont l’un devrait retenir l’attention de Christian Jacob et de son état-major.

Xavier Bertrand, Monsieur 4%

Avec 16% au premier tour de la présidentielle de 2022, Xavier Bertrand est le mieux placé dans son camp, même si une qualification au second reste difficilement atteignable. Plus frappant encore, le champion de la droite ne récolterait que 4% des suffrages chez les moins de 35 ans. Le président de la région Hauts-de-France est loin derrière Marine Le Pen (29%), Emmanuel Macron (23%) ou encore Jean-Luc Mélenchon (18%).

La droite n’a jamais été championne de la jeunesse, c’est un fait. Mais, contrairement à certaines idées reçues, elle ne s’est souvent pas si mal débrouillée, notamment sous Nicolas Sarkozy qui avait séduit 22% des moins de 35 ans en 2012 (contre 29% pour Marine Le Pen, 28% pour François Hollande et 13% pour le candidat Insoumis). Si l'on prend en compte uniquement les 18-30 ans, les choses sont encore pire. LR est à 2%. Du jamais vu !

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Le décrochage semble avoir commencé sous François Fillon qui a terminé sa campagne avec seulement 9,7% des voix dans cette catégorie de la population. Mais, à 4%, la situation est calamiteuse puisque, comme le note Paul Cébille, en charge des études politiques à l’Ifop, "un parti qui ne parle pas à la jeunesse peut très difficilement incarner l’avenir". Comment LR en est-il arrivé à un tel point ?

Mariage pour tous : le péché originel

Soyons clair, le jeune de droite existe mais il a changé de crèmerie. Les héritiers du gaullisme sont pris en tenaille entre l’extrême droite et les Marcheurs. C’est particulièrement le cas chez les jeunes. "Quel que soit leur bord politique, ils sont très ouverts sur certaines questions sociétales comme le mariage pour tous. En se positionnant contre, LR a commis une grave erreur", estime le sondeur qui remarque un décrochage à partir de ce moment. En somme, une large partie de la jeunesse ouverte sur le monde, urbaine, diplômée et libérale ne s’est plus reconnue dans le parti. Et ce ne sont pas les affaires Fillon, la ligne Wauquiez ou la campagne européenne menée par François-Xavier Bellamy, ancien de Sens commun, qui ont fait rentrer cet électorat au bercail. Celui-ci a désormais un champion : Emmanuel Macron.

"L’effet Marine"

Plus à droite, Marine Le Pen a eu le flair politique de ne pas s’opposer à la loi Taubira, ce qui lui a permis de paraître plus "moderne" que la droite classique. Désormais, elle fait main basse sur un nouveau gisement de votants qui perçoivent le mariage entre personnes de même sexe comme une non-question, mais qui restent révoltés par certains changements sociaux. "Les jeunes sont de plus en plus progressistes dans le sens américain du terme. Ils sont sensibles aux théories de déconstruction, vantent le métissage, le relativisme des valeurs, versent dans le politiquement correct", estime Jonas Haddad, ancien dirigeant des Jeunes de l’UMP désormais avocat. "Mais il existe un socle de 30-35% qui rejette cette vision du monde, parfois avec virulence. Ils recherchent la radicalité, la protestation, ce qui les pousse à voter Trump ou, chez nous, Marine Le Pen", observe-t-il. Un avis confirmé par les chiffres de Paul Cébille qui constate que, "dans toutes les tranches d’âge, les perdants de la mondialisation et les nostalgiques d’un passé mythifié tombent dans les bras de la droite populiste". Attaqué sur sa gauche et sa droite, LR se recroqueville sur son noyau dur : les retraités, les catholiques pratiquants et la bourgeoisie. Mais, même dans ses catégories, Emmanuel Macron est passé devant.

Les derniers des mohicans

Au-delà des idées, le rôle du chef reste primordial pour séduire. Un François Fillon vieille France ou un Xavier Bertrand peu charismatique peuvent difficilement se fondre dans le rôle et exalter vingtenaires et trentenaires. "Nicolas Sarkozy avait cette capacité de séduire les plus jeunes en incarnant le renouveau, la refonte des codes. Il défendait des concepts simples qui parlaient à tout le monde. C’était le cas du slogan travailler plus pour gagner plus par exemple", explique Jonas Haddad qui se souvient avec nostalgie que les meetings du chantre de la "rupture" et la branche jeunesse du parti drainaient des milliers des personnes venues de tous les milieux sociaux et de toutes les zones géographiques.

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"En 2007, Nicolas Sarkozy avait cette capacité à casser les codes et à incarner le renouveau", estime Jonas Haddad.

Rien de commun avec les jeunes LR de 2021 qui, pour beaucoup, sont issus de la bourgeoisie classique et des manifestations anti-mariage pour tous. Soit une sociologie beaucoup plus à droite et bourgeoise que leurs aînés. Il est probable que ces "derniers des Mohicans" prennent des responsabilités dans les années à venir. De quoi "corneriser" davantage le parti. Malgré leur conservatisme, ils devraient s’inspirer du titre de l’ouvrage de Lénine : Que faire ?

Opération reconstruction (et incarnation)

La première solution, déjà mise en œuvre par le parti, consiste à faire de la place aux jeunes élus. Une mission réussie. Dans l’actuelle législature, le nombre de députés LR entrés au Palais-Bourbon à moins de trente ans (ou légèrement plus) est loin d’être négligeable. Citons notamment Aurélien Pradié, désormais vice-président du parti et tête de liste aux régionales en Occitanie, ou Marine Brenier, Raphaël Schellenberger, Robin Reda, Pierre-Henri Dumont ou Maxime Minot. Pour Paul Cébille, cela reste insuffisant. "Leurs idées ne sont pas toujours en phase avec leur génération." Surtout, les autres partis ont également subi une cure de jouvence. Jonas Haddad estime, pour sa part, qu’il faut préempter des thèmes rassembleurs : "Si le parti devient celui de la création d’entreprise et de l’ascension sociale, il élargira son socle, notamment dans les milieux populaires", conseille "l’ancien combattant" qui recommande de rester ferme sur les questions de sécurité ou de libéralisme tout en parlant à l’ensemble de la jeunesse au lieu de raisonner en termes de "micro-tribu, comme le font beaucoup de politiques". Autre clé, se rassembler derrière un leader qui "transcende, incite à l’aventure et à la mobilisation". En somme, il faut trouver un chef. Et, pour le moment, il n’y en a aucun en rayon. Encore un chantier pour la droite qui, plus que jamais, semble avoir besoin d’une reconstruction totale.

Lucas Jakubowicz

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