Tribune. L’écriture inclusive est tout sauf un progrès social
Source : SOS Education
Le 5 mai dernier, Jean-Michel Blanquer publiait enfin une circulaire qui proscrit l’écriture inclusive à l'école. Il aura fallu attendre la pétition lancée par SOS Éducation qui a rassemblé plus de 53 000 signataires et plusieurs articles dénonçant sa profusion sur les bancs de l’université et sa diffusion dès les classes de primaire, pour qu’un texte à portée législative la sanctionne. Rappelons l’invitation en 2017 du Premier ministre Édouard Philippe à ne pas l’utiliser dans les services publics. Première incise il est vrai, mais la situation d'aujourd'hui montre qu’elle ne fut rien de plus qu’un coup d’épée dans l’eau. C’est donc bien la circulaire du ministre de l’Éducation nationale qui permettra d’agir!
Sans surprise toutefois, dès l’annonce du résident de l’avenue de Grenelle, des syndicats appelaient leurs adhérents-enseignants à la résistance et les enjoignaient à poursuivre malgré tout leur croisade dévastatrice de diffusion de l’écriture inclusive dans l’école de la République... Les méfaits sont pourtant parfaitement avérés sur les apprentissages ! Pas grave. La fin justifie les moyens. Les étendards sont levés, car c’est pour les bonnes causes : égalité femme-homme et liberté d’enseignement : même combat.
Vu du camp du bien, sacrifier l’instruction des enfants ne pose aucun problème. Mais ce n’est pas tout. Force est de constater que les formes graphiques et morphosyntaxiques fluctuantes de l’écriture inclusive s'immiscent aussi dans de plus en plus de publications officielles, se normalisent dans certaines collectivités, se diffusent dans les médias… Pourtant il est indéniable qu'elle pervertit la fonction de la langue, outil par excellence à la disposition de tous. L’écriture inclusive crée des formes inédites d’inégalités et d’exclusion. En réalité, elle discrimine les personnes les plus fragiles d’entre nous. Pour toutes les personnes ayant des difficultés d’accès à la langue écrite ou qui n’ont pas une bonne maîtrise du français, elle est au choix : une langue d’exclusion ou une exclusion par la langue.
Comment avons-nous pu laisser notre langue devenir à ce point matière à nous diviser sous l'influence d'une nouvelle technocratie universitaire ?
Par quel laxisme et quel niveau d’inconscience avons-nous pu laisser s’installer une idéologie qui fait obstacle à l’acte de lire, menace notre langue et bafoue les principes les plus élémentaires de l’inclusion sociale ? Comment avons-nous pu laisser notre langue devenir à ce point matière à nous diviser sous l'influence d’une nouvelle technocratie militante universitaire ? Quelles louanges nous ont été contées pour qu’on se fasse duper par la promesse que l’égalité des genres pouvait se conquérir en déformant la langue française ? En réalité, un tel déferlement n’a pas été anticipé… Qui pouvait imaginer qu'on oserait déboulonner la langue de Victor Hugo, de Baudelaire, de George Sand ou de Colette ?
À pas de souris, ce sophisme, sans lien avec les enjeux d’égalité entre les femmes et les hommes qu’il prétend pourtant servir, s’est installé doucement mais sûrement dans l’imaginaire collectif. Pourtant, les raisons concrètes, pragmatiques et non idéologiques pour ne pas utiliser l’écriture inclusive se comptent par dizaines ! Non-sens linguistique, sans norme et fluctuante, conduit à faire des fautes, demande sociale non partagée, sans effet sur la condition des femmes, langue d’exclusion ou exclusion par la langue, discriminatoire et inégalitaire, langue de technocrates, danger pour les apprentissages, régression de l'acte de lire, restriction lexicale, ordre moral qui fait barrage à la liberté d'expression, obstacle à l’universalisme de la langue, en scission avec notre patrimoine culturel, recul de la francophonie… La liste est longue.
Ce non-sens linguistique correspond à une demande sociale non partagée
SOS Éducation publie sur son site internet 50 arguments objectifs contre l’écriture inclusive. Trop souvent caricaturée par la féminisation des noms de métiers (dont le statut social est déjà acquis) et par le point médian, l’écriture dite inclusive est bien plus dangereuse qu’elle ne le laisse paraître. Derrière de belles paroles, elle est caduque d’un point de vue linguistique, s’avère être un leurre, puisque l’histoire montre qu’il n’y a pas de lien entre la condition des femmes et la féminisation de la langue. En plus de représenter un danger pour les apprentissages, l’écriture inclusive bafoue les principes les plus élémentaires d’une société qui se veut inclusive. Sa finalité est en réalité de déconstruire la langue française et, à travers elle, le creuset d’une culture commune partagée par 300 millions de francophones dans le monde. Il faut en préserver les enfants, dans et hors de l’école. Une première étape a été franchie avec la circulaire du ministre de l'Éducation nationale qui proscrit l'écriture inclusive à l’école. Mais ce n’est pas suffisant. Syndicats et enseignants affichant publiquement leur résistance et leur détermination à en poursuivre la diffusion dans les classes. Seuls des lois et un infatigable travail de pédagogie peuvent protéger de la vacuité de ces idéologies. Qui concourent toutes, et inexorablement, à l’exclusion de nos concitoyens les plus fragiles, à la désinstruction nationale, à l’effondrement du niveau de culture générale et d’éducation dans notre pays.
Sophie Audugé. Déléguée générale de SOS Education
Pour en savoir plus : 50 arguments contre l'écriture inclusive