Pegasus, au cœur du scandale
Des consortiums de journalistes d’investigation émergent régulièrement des informations retentissantes. Après les scandales fiscaux des Panama Papers ou les Football Leaks qui ont mis à mal le milieu du ballon rond, voici un nouveau sujet qui va faire couler de l’encre : Pegasus. Les révélations autour du logiciel espion distribué par la société israélienne NSO Group rappellent combien les tentatives de surveillance de vies publiques et privées sont un risque, souvent avéré.
50 000 numéros de téléphone
L’enquête publiée dimanche 18 juillet par dix-sept médias internationaux, dont Le Monde et le Washington Post, se fonde sur une liste obtenue par les organisations Forbidden Stories et Amnesty International. Cette liste comprend 50 000 numéros de téléphone que des clients de NSO auraient sélectionnés en vue d’une surveillance, et ce, depuis 2016. Une fois introduit dans un smartphone, ce logiciel peut en récupérer les contacts, les photos, les conversations et même écouter les échanges téléphoniques.
En France, l’éditorialiste Éric Zemmour ou encore le fondateur de Mediapart, Edwy Plenel, en seraient victimes.
Les tentatives d’infiltration concerneraient des chefs d’États, des militants et des opposants politiques mais pas seulement. Des avocats, des médecins ou encore des journalistes seraient également concernés. En France, l’éditorialiste Éric Zemmour ou encore le fondateur de Mediapart, Edwy Plenel, en seraient victimes. Côté international, figurerait le journaliste mexicain Cecilio Pineda Birto, assassiné quelques semaines après son apparition sur cette liste. Deux téléphones appartiennent à des femmes proches de Jamal Khashoggi, journaliste saoudien tué en 2018 dans son consulat à Istanbul. D’autres noms devraient être divulgués dans les jours à venir, selon les médias qui précisent s’appuyer sur des analyses techniques extrêmement poussées pour asseoir leurs propos.
NSO nie en bloc
NSO compte parmi ses clients des dictatures mais aussi des démocraties. De nombreux numéros ont été localisés en Inde, au Maroc, en Hongrie, au Mexique ou encore en Arabie saoudite. De quoi remettre en question les promesses du groupe né en 2010 et basé à Herzliya en Israël qui affirme vendre un logiciel censé lutter contre la criminalité organisée et le terrorisme. Le groupe nie "fermement les fausses accusations portées" dans l’enquête. Elle "est bourrée de suppositions erronées et de théories non corroborées, les sources ont fourni des informations qui n’ont aucune base factuelle", explique-t-il sur son site. À noter, ces logiciels sont acquis par les gouvernements étrangers avec l’aval du ministère israélien de la Défense.
En tout, NSO compterait une quarantaine d’États clients. Il n’en fallait pas plus pour raviver le débat autour de l’encadrement de ces "biens à double usage", ainsi que sont désignés ces logiciels régulièrement utilisés contre des civils. Le coup de pied dans la fourmilière du consortium suffira-t-il pour obtenir davantage de fermeté ou de transparence envers les usages déviants de ces dispositifs en matière de surveillance numérique ?
Olivia Vignaud