Un président qui dispose d’un socle solide, une gauche moribonde et divisée, une droite qui ne parle plus qu’aux personnes âgées, un RN en perte de vitesse mais qui se maintient. Et Éric Zemmour qui fait office d’objet politique non identifié. Retrouvez les rapports de force à moins d’un an du premier tour.

Même si la campagne n’a pas encore véritablement démarré et que les candidats en lice ne sont pas tous connus, les sondages peuvent apporter des éclairages intéressants pour les électeurs et les états-majors des partis. La quatrième vague du baromètre de l’élection présidentielle 2022 de l’Ifop constitue une véritable mine d’or qui prend en compte de nombreuses variables telles que l’âge, la catégorie sociale ou le lieu de résidence. Pour la première fois, l’hypothèse Éric Zemmour est testée. Voici les principales informations à retenir.

Jeunes

Oui, la gauche surperforme dans la jeunesse. Chez les moins de 35 ans, Jean-Luc Mélenchon récolterait 15% des suffrages, soit plus du double de son score national. La tendance est la même chez Yannick Jadot qui séduirait 13% de cette tranche d’âge, soit 5 points de plus que son estimation totale. Malgré tout, Insoumis et Verts ne sont pas les meilleurs chez les jeunes Français. Dans cette génération, deux candidats sont au coude à coude : Marine Le Pen (22%) et Emmanuel Macron (21%).

Les sondages se suivent et restent les mêmes pour LR. Le parti héritier du gaullisme est devenu totalement marginal chez les moins de 35 ans puisque Xavier Bertrand n’est crédité que de 5%. Notons également que les électeurs les moins âgés restent plutôt hermétiques au "phénomène Zemmour" puisque la candidature du polémiste ne séduirait que 7% des jeunes (contre 12% au global).

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Seniors

"LR est un parti de vieux" persiflent certaines mauvaises langues. Le sondage réalisé par l’Ifop leur donne raison. Chez les plus de 65 ans, Xavier Bertrand obtiendrait 27% des voix (contre 15% dans l’ensemble de la population). Pourtant, la droite ne domine pas cette "rente" puisqu’Emmanuel Macron devance LR d’un point…

Le RN confirme sa faiblesse structurelle dans cet électorat stratégique car nombreux et peu abstentionniste. Marine Le Pen est à 7%, soit trois fois moins que son score au niveau national. Elle pâtit également de la concurrence d’Éric Zemmour (15%). Notons que c’est chez les 50-64 ans que la candidature de l’ancien chroniqueur séduit le plus (17%). La gauche, pour sa part, est très largement distancée. Le "meilleur candidat" est Yannick Jadot avec 6%. Il devance Anne Hidalgo et Arnaud Montebourg tous les deux à 5%. Jean-Luc Mélenchon est à 2%.

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Catégories populaires

La gauche a perdu les classes populaires depuis longtemps. Le sondage réalisé par l’Ifop en apporte, pour ceux qui en doutent encore, la cruelle confirmation. Les Insoumis se vantent de parler au nom des plus modestes ? Ces derniers ne l’entendent pas de cette oreille et créditent Jean-Luc Mélenchon de 8%, soit le même score que Yannick Jadot. Pour le PS, les choses sont pires encore puisqu’Anne Hidalgo est à 6%. Et ce ne sont pas les tracts en écriture inclusive, les questions sociétales devenues plus importantes que le social (l’interdiction de l’élevage industriel érigé au rang de priorité est un bon exemple) qui changeront les choses.

En somme, les errements de la gauche laissent un boulevard à Marine Le Pen devenue de facto "candidate du peuple" avec 32% des suffrages. Chez les ouvriers, elle monte même à 38% ! Avec 7% pour Xavier Bertrand, la droite est décrochée dans l’électorat populaire où Éric Zemmour obtiendrait 8%. Le président de la République, pour sa part, conserve un ancrage solide dans les catégories populaires où il est estimé à 19%. Pratiquement trois fois plus que Jean-Luc Mélenchon…

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CSP+

Si Marine Le Pen cartonne dans les catégories populaires, Emmanuel Macron mène la danse chez ceux que l’Ifop nomme les catégories supérieures. Avec 31% des intentions de vote, il devance de très loin le second qui est Xavier Bertrand (15%). Chez les cadres et professions intellectuelles supérieures, il monte même à 36% ! Il s’agit d’un séisme pour la droite habituée à des scores bien plus élevés dans ce segment du corps électoral.

Si le PS est en dessous de sa moyenne dans les classes populaires, il réalise sa meilleure performance chez les CSP+ où Anne Hidalgo atteint les 9% (5,5% chez l’ensemble des Français). Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon obtiendraient respectivement 8% et 6%.

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Salariés de la fonction publique

Cette catégorie est très variée. Elle comporte des fonctionnaires ou des contractuels de catégorie C à faible niveau de revenu mais aussi des cadres supérieurs du secteur public. En outre, elle comprend des professions qui penchent très à droite (police, armée) ou réputées plus à gauche (fonctionnaires de l’Éducation nationale).

Emmanuel Macron arrive en tête avec 24% suivi de Marine Le Pen (18%). À gauche, Yannick Jadot est le meilleur avec 15%. C’est d’ailleurs chez les salariés de la fonction publique qu’il réalise son meilleur score. Il possède une longueur d’avance sur ses autres challengers de gauche Anne Hidalgo (8%) et Jean-Luc Mélenchon (7%).

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Verdict

Emmanuel Macron ratisse large

Le président de la République peut se vanter de disposer d’un socle solide dans toutes les catégories de la population. Ainsi, dans les classes moyennes, il est premier chez les professions intermédiaires (22%) et est crédité de 25% chez les employés où il talonne Marine Le Pen… Chez les Français les moins aisés, il est certes distancé par la candidate du RN mais dispose d’une assise d’environ 20% en moyenne. Dans tous les cas, il devance les candidats de gauche et de droite. Soulignons qu’il obtient ses meilleurs scores chez les cadres et professions intellectuelles supérieures (36%) ainsi que chez les diplômés du supérieur (34%). Soit des électeurs peu touchés par l’abstention. Sur le papier, il paraît difficile de le voir absent du second tour.

Marine Le Pen championne des catégories populaires

Marine Le Pen écrase la concurrence avec des scores de 38% chez les ouvriers ou de 29% chez les non-diplômés, les titulaires d’un BEPC ou d’un CAP.  En revanche, sa candidature est clivante et possède des "trous dans la raquette" : 7% chez les plus de 65 ans ou chez les cadres et professions intellectuelles supérieures et même 3% chez les diplômés du supérieur. L’électorat conservateur, âgé, riche et diplômé était déjà sous-représenté au RN, mais il semble séduit par le CV d’Éric Zemmour.

Dans les catégories populaires, Emmanuel Macron obtient un score trois fois plus élevé que Jean-Luc Mélenchon

Éric Zemmour, l’objet politique non identifié 

Nul ne sait s’il y aura un bulletin du  "Z" à glisser dans l’urne lors de la prochaine présidentielle. Mais pour la première fois, la candidature de l’auteur de best-sellers est testée par le baromètre Ifop. Résultat ? Son électorat est difficilement identifiable. Le profil type semble un homme plutôt âgé, urbain et diplômé. Soit le portrait-robot de l’électeur de droite classique. En revanche, c’est dans la "chasse gardée" de Marine Le Pen qu’il semble le plus à la peine pour le moment : 7% chez les moins de 35 ans, chez les non-diplômés ou dans les communes rurales, 6% chez les chômeurs.

Dans pratiquement toutes les catégories prises en compte par l'Ifop, Yannick Jadot devance Anne Hidalgo

Yannick Jadot n’est pas un bobo de centre-ville !

Pour ses détracteurs, EELV est un parti de jeunes bobos des métropoles. Qu’en est-il vraiment ? En termes d’âge, les Verts ont un électorat plutôt juvénile (13% chez les moins de 35 ans contre 6% chez les retraités). Malgré cette variable, Yannick Jadot peut se vanter de séduire un électorat représentatif de la population française : 13% dans les professions intermédiaires (soit trois points de plus que chez les cadres), 10% chez les employés, 9% dans les communes rurales… C’est chez les salariés du secteur public qu’il est le meilleur : 15%

Jean-Luc Mélenchon, des excès qui déplaisent

Avec 7% des voix, Jean-Luc Mélenchon est en perte de vitesse. La faute à une personnalité clivante ? À une stratégie communautariste-woke à laquelle son électorat de 2017 n’adhère pas ? À une concurrence accentuée à gauche ? Impossible de le savoir. Le sondage Ifop montre que, malgré tout, le patron des Insoumis possède des zones de forces : chez les moins de 35 ans, il est à 15% (derrière Le Pen et Macron), 16% dans les professions intermédiaires et 14% chez les chômeurs. En revanche, sa candidature est rejetée par les retraités (2%), les 50-64 ans (4%), les cadres et professions intellectuelles supérieures (5%). Attention toutefois, le leader Insoumis est un orateur hors pair et une bête politique habituée à déjouer les pronostics.

Anne Hidalgo, une candidate prise en tenaille

La maire de Paris est coincée entre Emmanuel Macron, Yannick Jadot et une possible candidature d’Arnaud Montebourg qui ne laisse que des miettes au PS placé derrière EELV et des Insoumis moribonds. Le sondage doit donner des sueurs froides à l’état-major socialiste. Dans pratiquement toutes les catégories prises en compte par l’Ifop, Yannick Jadot est devant. Citons notamment les jeunes (7% contre 13%), les employés (5% contre 10%), les salariés du secteur public (8% contre 15%) ou encore les communes rurales (5% contre 9%).

Lucas Jakubowicz

 

Méthodologie

L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 1 351 personnes inscrites sur les listes électorales, extrait d’un échantillon de 1 510 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée) après stratification par région et catégorie d'agglomération. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 29 septembre au 1er octobre 2021

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