Défense : que proposent les candidats à la présidentielle ?
Du jamais vu sous la Ve République. Le 19 juillet 2017, Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées, démissionne après avoir été interpellé publiquement par Emmanuel Macron fraîchement élu. Là-encore, du jamais vu puisqu’un président de la République ne s’en était jamais pris, devant toute la France, au plus haut gradé de l’Hexagone. En somme, les choses avaient mal commencé. Mais tout semble rentrer dans l’ordre. Il faut dire qu’Emmanuel Macron a fait ce que les militaires préfèrent : augmenter les budgets.
Macron, fana mili ?
L’effort financier amorcé dans la seconde moitié du quinquennat de François Hollande est monté en puissance sous la supervision de la ministre des Armées Florence Parly. Entre 2017 et 2022, le budget de la défense est passé de 32,7 à 41 milliards d’euros, soit une augmentation de 22%. La loi de programmation militaire sur la période 2019-2025 prévoit d’intensifier l’effort. Symboliquement, Emmanuel Macron s’est montré, au côté des troupes, laissant poindre une certaine fascination pour une institution qu’il connaît finalement peu, lui qui est le premier président à ne pas avoir fait son service militaire. Si son attitude, notamment ses déguisements d’aviateur ou de sous-marinier en début de mandat, peuvent faire sourire, le budget annoncé est au rendez-vous. Mais pour ses adversaires à la présidentielle, ce n’est pas assez.
Durant le quinquennat, le budget de la défense a augmenté de 22%
La main au portefeuille
Le monde devenant de plus en plus dangereux, aucun prétendant à l’Élysée ne souhaite priver les militaires de moyens. Les plus "petits bras" souhaitent poursuivre ce qui est mis en place. C’est le cas de Yannick Jadot dont le programme promet de "maintenir la trajectoire budgétaire prévue par la loi de programmation militaire en vigueur". Le volet défense d’Anne Hidalgo tient en 12 lignes seulement et ne présente aucune mesure chiffrée mais ses équipes laissent entendre qu’elles maintiendront la politique engagée.
Aucun candidat ne souhaite réduire le budget
Du côté de la droite, c’est à qui promettra le plus gros chèque. Valérie Pécresse propose "un effort financier immédiat pour reconstituer les stocks de munitions nécessaires à la projection opérationnelle et à l’entraînement, remédier en urgence au manque de petits équipements vitaux pour la sécurité, l’efficacité, le confort et le moral du combattant". À terme, la candidate LR vise un budget de 65 milliards d’euros d’ici 2030. Marine Le Pen, de son côté, se prononce pour un budget de 55 milliards d’euros de 2023 à 2027, hors Opex et pensions.
Le plus ambitieux est sans doute Éric Zemmour qui fait monter les enchères en défendant un budget de 70 milliards à l’horizon 2030. Au menu, "300 avions de chasse d’ici 2040, posséder à terme deux porte-avions, vingt frégates, huit sous-marins nucléaires d’attaque et une force opérationnelle à 100 000 hommes". De quoi mettre fin à une armée "lacunaire et taillée comme un corps expéditionnaire". Seul hic, et de taille, le financement est flou puisqu’il s’effectuera "soit par des économies sur d’autres secteurs, soit par des choix que nous ferons".
L’ovni Mélenchon
Jean-Luc Mélenchon se distingue de ses concurrents puisque son projet, le plus complet et détaillé de tous, omet de mentionner le budget de la défense. Le lecteur apprendra seulement que "la loi de programmation militaire (LPM) dont l’adoption aurait lieu à l’automne 2023 ne serait pas déterminée a priori par un simple objectif financier (2% du PIB). Elle sera fondée sur une analyse fine des besoins et un projet clairement articulé".
Jean-Luc Mélenchon propose une "conscription citoyenne obligatoire"
Notons également que le candidat Insoumis est le seul à proposer une "conscription citoyenne obligatoire" qui fleure bon le service militaire. Cela prendrait la forme d’un service militaire qui ne dit pas son nom, "d’une durée de neuf mois, mixte, rémunérée au Smic et à effectuer entre 18 et 25 ans".
Défense européenne
Si pratiquement tous les candidats prônent une hausse du budget militaire, ils restent divisés sur la question d’une défense communautaire érigée au rang de priorité par Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz. À gauche, Yannick Jadot est le plus "européiste" puisque son programme défend "la constitution d’une force européenne commune de déploiement de 5 000 hommes" ainsi qu’une "harmonisation accrue des équipements" et un "soutien au fonds européen de défense". Des idées qui font bondir Jean-Luc Mélenchon, chantre d’une autonomie nationale. Selon lui, les projets militaires communs, notamment l’avion de chasse ou le char franco-allemand doivent être stoppés au plus vite : "Les grands programmes industriels menés en coopération le sont au détriment de la France et ne sont pas menés entre égaux (…). Les savoir-faire français sont mis en partage à des conditions qui ne sont pas satisfaisantes (…) c’est une aubaine pour l’industrie métallurgique allemande", explique le programme de l’Avenir en commun. Sur ce point, Marine Le Pen et Éric Zemmour sont sur la même longueur d’onde, l’ancien journaliste qualifie même la défense européenne "d’utopie".
Otan en emporte le vent
L’Otan est aussi un sujet de discorde entre les candidats. Trois lignes existent : celle qui souhaite le statu quo ; c’est le cas d’Emmanuel Macron, de Valérie Pécresse, d’Anne Hidalgo ou de Yannick Jadot. Une seconde école prône la sortie du commandement intégré, tout en restant dans l’organisation. C’est le cas des deux candidats d’extrême droite. Lors de son discours de Reims le 5 février, Marine Le Pen avait laissé planer le doute. Dimanche 13 février, sur BFMTV elle a précisé son projet : "Nous sortirons du commandement intégré, mais je ne veux pas sortir de l’alliance transatlantique", qui, selon elle, devrait changer de mission pour devenir "une force de lutte contre le fondamentalisme islamique". Éric Zemmour, de son côté, multiplie les attaques contre l’alliance décrite comme une "machine à asservir". Toutefois, si son programme soutient la sortie du commandement intégré de l’Otan, il ne dit rien de plus. Arrive enfin la ligne dure, celle de Jean-Luc Mélenchon, partisan du "retrait immédiat du commandement intégré, puis, par étapes, de l’organisation elle-même".
Lucas Jakubowicz