Suite à l’ordonnance du 2 avril 2015 sur le portage salarial, Patrick Levy-Waitz salue une avancée déterminante et nous explique les contours de ce nouveau texte.

Décideurs. En tant que vice-président du syndicat patronal des professionnels de l’emploi en portage salarial (Peps), vous avez participé aux négociations qui ont abouti à l’ordonnance du 2 avril 2015. Quels objectifs poursuiviez-vous ? 

 

Patrick Levy Waitz. Le Peps recherche des solutions équilibrées et pragmatiques pour promouvoir le portage salarial comme une nouvelle forme d’emploi à part entière. Depuis sa création, issue de la fusion des anciens syndicats (le Sneps et la Fneps), le Peps a été le seul interlocuteur des pouvoirs publics, reconnu comme organe représentatif de la profession. Il y a quelques années, se posait la question de savoir s’il fallait encadrer notre métier. Le Peps a toujours milité pour cet encadrement qui permettait la reconnaissance du métier pour éviter sa disparition alors que certains ont voulu faire croire qu’il existait une alternative, que le portage salarial pouvait complètement ignorer le droit social français. Au Peps, nous avons préféré négocier en partenaires sociaux responsables pour aboutir à un texte dans l’intérêt de notre profession ainsi que dans l’intérêt de ceux qui choisissent le portage.

 

Décideurs. Quelles sont les grandes avancées de l’ordonnance ?

 

P. L. W. C’est une étape majeure pour le portage salarial qui se voit désormais pleinement sécurisé juridiquement et elle va permettre à de nombreuses entreprises d’y avoir recours. Premièrement, l’ordonnance élargit le champ du portage salarial en diminuant le salaire minimum du salarié porté qui passe de 2 900 euros précédemment (soit 100 % du plafond de la Sécurité sociale en 2010) à 2 377 euros brut (soit 75 % du plafond en 2015). D’autre part, ce nouveau texte sécurise aussi le dispositif en imposant une déclaration préalable à toute société de portage et fixe une caution de garantie des salaires. Enfin, l’ordonnance entérine le fait que le portage salarial soit une activité exclusive et qu’à ce titre, elle ne peut être exercée que par des entreprises n’ayant pour seule occupation le portage salarial. Cette activité, reconnue d’utilité sociale, est maintenant définie et réglementée dans le détail par cette ordonnance.

 

Décideurs. En quoi conforte-t-elle la position du portage salarial comme une « troisième voie » ?

 

P. L. W. L’ordonnance installe le portage salarial comme une forme d’emploi à mi-chemin entre le travail salarié et le travail indépendant, et permet à des professionnels de créer ou d'exercer une activité de manière autonome et de bénéficier du statut de salarié de la société de portage.

 

L’entreprise de portage établit un contrat de prestation de service pour la mission apportée par le salarié porté et facture les honoraires pour lui. Elle le salarie et lui verse un salaire chaque mois travaillé. Elle règle pour lui toutes les cotisations afférentes à son statut de salarié. La personne qui a recours au portage est un entrepreneur-salarié.

 

Décideurs. Le portage salarial s’adresse-t-il une population de salariés spécifique ?

 

P. L. W. Oui, mais cette population s’est élargie. Le portage salarial concerne désormais un type de travailleur défini par l’ordonnance : toute personne qui exerce de façon autonome dans le domaine des prestations intellectuelles. Le gouvernement a choisi de permettre à une population qualifiée de bénéficier d’un cadre sécurisant. La distinction assez artificielle cadre/non-cadre qui prévalait pour avoir recours au portage salarial s’efface peu à peu. Cela ne veut pas dire que tout salarié peut avoir recours au portage : cette formule doit  permettre à des personnes qui le souhaitent de pouvoir travailler de façon autonome et de bénéficier d’un filet de sécurité.

À l’origine, le portage concernait prioritairement des seniors en reconversion souhaitant effectuer des missions de conseil tout en conservant un statut de salarié. Avec la persistance du chômage, la formule s’adresse aujourd’hui à toute personne ayant décidé de ne pas rester inactif pendant sa recherche d’emploi, à tous les porteurs de projets qui n’osent pas passer le cap de la création d’entreprise et plus généralement à toutes les personnes qui souhaitent travailler différemment (meilleur organisation de temps, choix de ses clients, meilleur équilibre vie professionnelle et vie personnelle).

Le portage salarial, initialement réservé à des cadres en fin de carrière, s’ouvre désormais de plus en plus à de jeunes diplômés ou de personnes issues du secteur digital.

Les entreprises l’ont compris et recourent désormais à des prestataires en portage salarial pour bénéficier d’un haut niveau d’expertise pour une mission de conseil, d’audit ou encore de formation.

 

Décideurs. La fondation ITG valorise les nouvelles formes d’emploi. Selon vous, les formes d’emploi actuelles sont-elles dépassées ? Qu’est-ce qui a changé concrètement ? Le besoin des salariés, des entreprises… ?

 

P. L. W. Notre système social a été pensé à l’époque du CDI systématique, avec à la clé quarante ans de carrière dans une même société. Il ne correspond plus à l’économie du XXIe siècle faite de cycles courts et d’adaptation constante quand 83 % des embauches se font sous une forme d’emploi dite  atypique et quand les nouveaux CDI signés aujourd’hui durent en moyenne deux ans.

Concrètement, ce qui a changé, c’est que les entreprises sont soumises à une volatilité plus importante et ne peuvent plus assurer la même continuité professionnelle aux salariés. De leur côté, les individus ont un besoin croissant de liberté comme en témoigne l’explosion du travail indépendant partout en Europe ainsi qu’aux États-Unis.

Il nous faut réinventer notre logiciel social pour que le travail soit mieux adapté aux besoins des travailleurs à l’intérieur d’une entreprise ou à l’extérieur, en indépendant. Réinventer le travail c’est inventer de nouvelles protections sociales et des droits sociaux portables pour chaque individu quelle que soit sa situation d’emploi.

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