« Les RH ne sont pas des process mais des hommes »
Décideurs. La fonction RH est un business partner en ce qu’elle est intégrée au processus d’avant-vente, qu’est- ce que cela implique ?
Sébastien Guiragossian. Au-delà d’être un « business partner » comme le veut l’expression consacrée, la DRH a pour vocation d’être, « business inside » tant le facteur humain est important. Environ 50 % des coûts d’exploitation sont générés par les frais de personnel. À ce titre, le département intervient lors de l’élaboration de solutions pour nos clients désireux d’externaliser la logistique. Dès l’avant-vente, il est systématiquement question de gestion des ressources humaines qu’il s’agisse de reprise de personnel, de recrutement dans des zones géographiques sensibles ou pénuriques ou encore en cas de nécessité de transformation des organisations. Certains appels d’offres ont été remportés grâce à l’implication de la fonction RH.
Décideurs. Quel est le principal défi dans la gestion des RH pour une entreprise confrontée à l’hyper croissance ?
S. G. Notre métier est récent et ne concerne que 40 000 personnes en France dans le périmètre conventionnel. C’est une niche, porteuse, mais qui peine à attirer. L’un des enjeux principaux consiste à identifier et produire les talents de demain en construisant notamment des parcours de formation avec des écoles en alternance. C’est pour faire grandir les collaborateurs que nous avons initié en 2011 le projet « Talents 2020 » qui repose sur la mise en œuvre d’un référentiel métier, l’évaluation des compétences du management et l’optimisation des actions de formation grâce aux e-learning et blended learning. Ce projet co construit avec la direction des opérations a permis d’adapter les talents à la transformation constante. Cette politique fut une réussite puisqu’environ 50 % de nos managers identifiés comme « talents » ont été promus dans les dix-huit mois suivant leur intégration dans le programme de développement.
Décideurs. Quels sont les enjeux de la digitalisation chez ID Logistics ?
S. G. L’objectif est de construire des outils digitaux permettant à certains collaborateurs, aujourd’hui occupés à temps plein par des tâches exclusivement administratives et rébarbatives, de devenir de réels contrôleurs de gestion. En automatisant la saisie de la paie, en dématérialisant, la digitalisation accompagnera leur montée en compétences.
« Notre croissance est notre chance pour être crédible auprès des syndicats »
Décideurs. La négociation collective est au cœur de votre politique RH, comment dépassez-vous la logique d’affrontement ?
S. G. Les relations avec les partenaires sociaux fonctionnent à deux vitesses. Le dialogue avec les élus centraux est plus simple car ils ont une vision globale qui se veut au service de la stratégie du groupe. Localement, les relations sont plus tendues et complexes. Notre croissance est notre chance pour être crédible auprès des syndicats. Avec un développement de l’activité compris entre 20 % et 30 %, nous pouvons construire de beaux parcours pour nos collaborateurs. Toutes les entreprises du secteur industriel n’ont pas ces atouts à faire valoir dans les négociations.
Décideurs. Vous souhaitez mettre en place un dispositif d’échanges de bonnes pratiques RH dans les quatorze pays, sous quelle forme ?
S. G. Nous allons organiser des points de rencontre entre les DRH de filiales et mettre en place des outils d’échanges. La mutualisation des idées par pays est porteur de nombreuses best practices. Au Brésil, la communication interne est construite autour des personnes. Un mariage, une naissance, tous les moments de la vie sont célébrés dans l’entreprise. Dans d’autres pays, les partenaires sociaux sont les accompagnateurs de la performance. Sur tous ces aspects, le partage nous fera grandir.
Décideurs. Vous n’abordez jamais le marketing RH ou le bien-être au travail… ?
S. G. Les relations sociales, c’est comme un couple, on se fâche et on se réconcilie. Les collaborateurs comme les partenaires sociaux ont besoin d’un discours RH vrai, simple et honnête. Le bien-être c’est avant tout d’assurer le respect dans les équipes, faire en sorte que les collaborateurs gagnent leur vie et travaillent en toute sécurité. Je reçois de très nombreuses propositions relatives au bien-être au travail qui réinventent des process à l’infini. Les RH ne sont pas des process mais des hommes.
Décideurs. Vous ne croyez pas à la cogestion ?
S. G. Certainement pas. Les syndicats sont là pour délimiter le champ des possibles, l’entrepreneur pour guider l’entreprise. Chaque acteur a sa place dans l’organisation.
Propos recueillis par Alexandra Cauchard