Supprimé en 2013, le secrétariat d’État à la Formation professionnelle et à l’Apprentissage a retrouvé sa place dans l’organisation ministérielle. Sa place mais aussi sa voix. Clotilde Valter est l’heureuse élue. Jusqu’alors responsable de la réforme de l’État et de la Simplification, l’ancienne conseillère de Lionel Jospin devra concrétiser les engagements du gouvernement. Compte personnel d’activité, relance de l’apprentissage, plan 500 000 formations supplémentaires pour les personnes en recherche d’emploi… Les chantiers ne manquent pas.

Décideurs. Votre mission publique est passée de la réforme de l'État à celle de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Êtes-vous satisfaite ?

Clotilde Valter. La responsabilité qui m’avait été confiée était très intéressante : réforme de l’État, transformation numérique, simplification pour construire le service public du XXIe siècle. Ces objectifs dressaient la perspective d’un chantier de longue haleine magnifique et enthousiasmant. Ma nouvelle mission sur la formation professionnelle est d’une autre nature. Il s’agit d’une priorité du gouvernement. C’est un engagement majeur pour la gauche, un champ sur lequel une réflexion politique de fond est nourrie depuis les années 2000. Qu’il s’agisse de permettre à nos concitoyens de se former tout au long de la vie, de faire en sorte que la formation ne soit plus imposée aux salariés, que chacun puisse être acteur de son parcours professionnel… Les évolutions déjà acquises sont indéniables. La nouvelle étape ouverte par le projet de loi Travail est celle du compte personnel d’activité (CPA) pour en faire le nouveau cadre de la formation tout au long de la vie.

 

« Le compte personnel de formation donne la priorité aux publics en difficulté »

 

Décideurs. Qu’apporte le Compte Personnel d’Activité (CPA) aux salariés et aux entreprises ?

C. V. Jusqu’en 2014, les plans de formation des entreprises étaient liés à la stratégie économique qu’elles engageaient. Il s’agissait pour les salariés de s’adapter aux évolutions et aux besoins de leur employeur. Les souhaits des salariés étaient insuffisamment pris en compte. De plus, les actions de formation ne bénéficiaient pas à ceux qui en avaient le plus besoin. Elles bénéficiaient à ceux qui étaient déjà les mieux formés. Les moins qualifiés, les moins formés n’avaient, le plus souvent, pas accès aux formations. La loi a fait bouger les choses. D’abord en 2014 avec le Conseil en Évolution Professionnelle (CEP) et le Compte Personnel de Formation (CPF) avec une inversion de la logique puisque le salarié devient l’acteur de sa formation, il définit son parcours de formation et bénéficie de conseils à cette fin. Avec la loi Travail, une nouvelle étape est franchie. Le CPA est un droit universel qui s’applique à tous, un compte qui vous suit tout au long de la vie que vous soyez fonctionnaire, salarié ou indépendant. Il intègre le compte personnel de formation, le compte personnel de prévention de la pénibilité et le compte d’engagement citoyen. Il permet à tous d’acquérir des droits à la formation pour accompagner les transitions voulues ou subies de la vie professionnelle. Et pour aider tout particulièrement les salariés les moins formés, le plafond des heures cumulables sera porté pour eux à 400 heures, car ils sont les plus fragiles dans ces périodes de changement. Grâce au CPA, que la rupture soit voulue ou subie, le salarié pourra rebondir pour choisir un autre métier, se reconvertir et dans certains cas réaliser ses rêves.

 

« Les actions de formation étaient l’apanage des privilégiés » 

 

Décideurs. Mais aujourd’hui le démarrage du CPF reste laborieux, lui redonner du souffle fait aussi partie de votre feuille de route ? 

C. V. Le CPF est entré en vigueur en 2015. Il n’est donc pas complètement déployé. Le bilan porte aujourd’hui sur un seul exercice, celui de 2015, au cours duquel 322 000 dossiers ont été validés dont 252 000 au service des demandeurs d’emploi. La mobilisation de cet outil doit être poursuivie afin de rendre ces droits effectifs et accessibles. La mise en œuvre opérationnelle prend toujours du temps. Notre volonté est évidemment de permettre à tous de s’en saisir. Avec le CPF, les entreprises ne réalisent plus de commandes de masse mais doivent traiter des demandes individuelles, qui correspondent aux souhaits des salariés et sont aussi en lien avec leur stratégie de développement. Il faut simplement que les acteurs du marché s’approprient cette nouvelle logique. Mais sur le principe, qu’il s’agisse des organismes de formation ou des entreprises, il existe un véritable consensus autour de l’avancée que représente le CPF en ce qu’il permet à chacun d’être acteur de son parcours professionnel et donc de sa propre formation.

 

Décideurs. Les formations transversales et courtes ne sont plus éligibles alors qu’elles sont souvent un excellent moyen de se former au quotidien, n’est-ce pas contradictoire ?

C. V. Le dispositif donne la priorité aux publics en difficulté, en situation de demande d’emploi ou de reconversion, l’enjeu étant de renforcer les sécurités dans un monde en mutation. Il reste encore un gros travail à faire sur la définition des parcours et sur l’accompagnement des personnes. Je rappelle que ce sont les partenaires sociaux qui définissent les formations éligibles au titre du CPF, selon un processus en cours d’évolution. Je rappelle aussi que le CPF n’est pas le seul outil en matière de formation professionnelle. Au management des entreprises de se saisir de ces outils pour inscrire l’accompagnement des salariés dans leur stratégie globale. Quand Carlos Tavares a présenté son plan stratégique après le changement de gouvernance de PSA pour redresser ce groupe en difficulté, il est clair que le management et la formation ont joué un rôle important. L’entreprise a un rôle crucial à jouer dans la formation des salariés aux nouveaux métiers de demain, dans le cadre de son plan stratégique dont la formation est une composante.

 

Décideurs. Le plan de formation des chômeurs, a vu son objectif passer de 500 000 demandeurs d'emploi formés à 500 000 formations. Pourquoi ?

C. V. Le gouvernement a toujours annoncé 500 000 formations supplémentaires en 2016, qui s’ajoutent aux 500 000 déjà dispensées en 2015. Ce Plan s’inscrit dans la continuité des plans 30 000 et 100 000 formations supplémentaires lancés par Michel Sapin qui avaient été réellement efficaces.

 

« Un important travail reste à faire sur la définition des parcours »

 

Décideurs. Comment ce plan va-t-il être déployé et sous quel délai ?

C.V. Le Plan 500 000 formations supplémentaires a été déposé dans le cadre fixé par la loi du 5 mars 2014, c’est-à-dire dans celui du quadripartisme (État, Régions, partenaires sociaux). C’est dans ce cadre qu’il sera suivi et évalué. La mobilisation de tous les acteurs permettra d’adapter l’offre de formation aux besoins des entreprises. L’État dégage un budget exceptionnel d’un milliard d’euros pour les formations dispensées dans les Régions. Chaque Conseil régional qui le souhaite peut s’engager aux côtés de l’État dans la mise en œuvre du Plan. Une convention quadripartite entre l’État, le Conseil régional et le Coparef (c’est à dire les partenaires sociaux) fixe alors des objectifs adaptés aux besoins du territoire. À ce jour, douze conventions sont d’ores et déjà signées et d’autres le seront dans les prochains jours.

 

Décideurs. Quel sera le champ de cette commande ?

C. V. La commande nationale répond à la nécessité, pour notre pays, de relever les défis auxquels il est confronté et d’anticiper, à cet effet, les besoins en formation dans les secteurs d’avenir, notamment la transformation numérique et la transition énergétique. Il est clair que s’agissant de se projeter dans l’avenir, la somme des besoins des régions ne saurait  correspondre aux besoins du pays.

 

Décideurs. L’apprentissage est l'autre chantier de votre mandat. Quels sont vos engagements ?

C. V. L’enjeu est de convaincre la jeunesse, de convaincre les parents que la voie professionnelle offre des perspectives de réussite. Un vrai travail de pédagogie doit être mené à la fois pour donner aux jeunes et à leurs parents une image de l’industrie et de ses métiers ou à la réalité d’aujourd’hui, ce qui est trop rarement le cas. Le numérique, la robotique, les nouvelles technologies ont profondément modifié les conditions de travail et les métiers. Il faut qu’ils soient mieux connus, que les perspectives d’avenir soient mieux identifiées par les jeunes et leurs familles. Il y a avec l’apprentissage une belle voie d’avenir, de superbes parcours et de belles histoires individuelles grâce aux maîtres d’apprentissage et aux employeurs qui s’engagent en ce sens. L’Éducation nationale a déjà fait des progrès considérables dans ce domaine. Un saut quantitatif a été réalisé. En 2015, 250 000 contrats d’apprentissage privés et publics ont été signés, soit 4,2% de plus qu’en 2014, dont 111 000 contrats publics. D’ici à 2017, l’État s’est engagé à recruter 10 000 apprentis. C’est un engagement fort. Il est déjà partiellement atteint puisque sur l’objectif de 4 000 contrats à la rentrée 2015, 4 500 ont été signés. 

 

 

Propos recueillis par Alexandra Cauchard 

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