Florent Letourneur (Happy to meet you) "La quête de sens est une tendance qui ne fait que monter"
DÉCIDEURS. Quels sont les défis en matière de recrutement que doivent relever les entreprises ?
Florent Letourneur. Avant de recruter, il faut déjà penser à fidéliser les collaborateurs. Ce sont des éléments fondamentaux aujourd’hui. Ensuite pour engager un salarié, l’entreprise doit prendre en compte, encore plus qu’avant, l’équilibre vie professionnelle - vie privée. La quête de sens des collaborateurs ne fait que monter. On le voit avec le phénomène de la Grande démission aux États-Unis qui, même s’il est moins présent à date en France et en Europe, commence à arriver. La crise sanitaire est un accélérateur de ce nécessaire équilibre privé/professionnel. Et le télétravail en fait pleinement partie.
Le second élément que l’entreprise doit garder en tête est celui de l’évolution des salaires. L’inflation se trouvant aux alentours de 3 %, le marché de l’emploi se tendant, les recruteurs doivent avoir conscience d’une évolution rapide des grilles salariales. Cette donnée est indispensable pour attirer les talents et garder les collaborateurs. L’évolution du salaire va au-delà du salaire fixe et doit prendre en compte les avantages annexes : tickets restaurants, plans d’épargne entreprise (PEE), actions, bons de souscription de parts créateur d’entreprise (BSPCE), etc. La grande nouveauté est que commence à poindre la question du temps de travail, et notamment celle de la semaine des 35 heures mais sur quatre jours.
"La marque employeur doit porter les valeurs de l’entreprise de façon concrète"
Quelle est l’importance de la marque employeur dans le cadre d’un recrutement ?
La marque employeur doit être sincère, vraie, coconstruite avec les collaborateurs et portée avec et par eux. Elle doit porter les valeurs de l’entreprise de façon concrète et être prouvée par des actions engageantes, sinon elle ne fonctionnera pas.
Chez Happy to meet you, pour construire une marque employeur, il nous faut comprendre l’entreprise. Nous allons donc lui demander quels sont ses concurrents en matière de recrutement, et ensuite nous mettre d’abord à la place d’un candidat, puis à celle d’un salarié. C’est la meilleure façon de comprendre l’écosystème de l’entreprise. Le plus souvent l’entreprise cliente qui souhaite travailler sur sa marque met à notre disposition des collaborateurs représentatifs pour approfondir avec eux les inputs de la société. Les éléments collectés remontent à la DRH et au comité de direction puis servent de base aux points à travailler pour nourrir la marque employeur. Ensuite, nous construisons ensemble l’employee value proposition sur la base d’éléments factuels observés et observables.
Quelles sont les compétences prises en compte lors d’un recrutement ?
Le recrutement sur l’histoire du candidat n’est plus vraiment le sujet. Recruteurs et entreprises sont plutôt intéressés par le potentiel et la personnalité du postulant. Nous accompagnons de nombreuses entreprises pour les aider à sourcer et à évaluer mais, de plus en plus, des entreprises qui ont réalisé leur propre sourcing, interne ou externe, nous contactent pour évaluer les profils sélectionnés. Les sociétés doivent faire face à de nombreux changements et il est important que le futur manager puisse s’acculturer à son nouvel environnement et aux défis attendus. C’est cette capacité qui est intéressante.
À terme, une digitalisation du recrutement serait-elle envisageable ?
Oui, et chez Happy to meet you nous y croyons fortement. D’ailleurs, notre directeur parisien Thimotée Ferras a coécrit un livre portant sur l’intelligence artificielle et les RH. Le constat est le suivant : entreprises et candidats n’attendent pas d’avoir des robots qui décident à leur place mais de posséder les outils pour la vie du candidat et celle du recruteur. La véritable valeur ajoutée de l’intelligence artificielle dans ce domaine est de permettre aux sourceurs et recruteurs de concentrer le temps sur les échanges avec les candidats et d’automatiser ce qui a une faible valeur ajoutée.