C&S interroge la DRH SBM OFFSHORE sur le leadership framework
C&S. En décembre dernier, le comité de direction de SBM s’est réuni virtuellement pour lancer le nouveau "Leadership Framework" de SBM. Pouvez-vous nous en dire plus sur la genèse et l’ambition de ce programme ?
Anne Guérin-Moens. Ce framework est une étape logique dans notre approche du leadership. Nous avons d’abord tra-vaillé sur les valeurs du groupe SBM et quand elles ont bien été inscrites dans notre ADN, nous avons élaboré une déclinaison des compétences du leadership au sens large.Nous avons mis en place des groupes de travail en interne pour valider nos hypothèses, ce qui nous a permis de diffuser progressivement le modèle et de l’ajuster à nos ambitions et à notre contexte. Maintenant, avec le lancement global auprès de 800 managers, nous déroulons la partie la plus ambitieuse car elle va progressivement toucher tous les employés au travers des couches managériales.C’est important pour nous que tous les employés, quels qu’ils soient, puissent se reconnaître dans certaines de ces compétences de leadership.
C&S. Marcel Lieberman, avec votre expérience, pouvez-vous nous en dire plus sur l’utilisation de modèles de leadership sur la perfor-mance des équipes ?
Marcel Lieberman. En premier lieu, il est important pour les équipes de direction de comprendre que la force collective va venir de la diversité des profils, et qu’un modèle de leadership ne constitue pas un "dictat" où l’enjeu serait que tout le monde possède les mêmes compétences. En revanche, connaître nos forces, ce que sont nos "zones de fragilité", comprendre que tout s’acquiert avec une dose d’effort est important. Dans un second temps, il s’agit de déployer un référenciel de leadership qui constitue aussi un moment privilégié pour parler de "team effectiveness", revoir la maturité de l’équipe sur les sujets, adapter au besoin les routines et les moyens d’apprentissage, faire de nouveaux arbitrages sur ce qui est acceptable et sur ce qui ne l’est pas. Chez C&S Partners, nous avons développé une approche puissante sur le team effectiveness que nous utilisons avec plusieurs clients.
"Un mode de communication plus authentique et direct"
C&S. Anne Guérin-Moens, lorsque Marcel Lieberman parle de "connaissance de soi" comme compétence fondamentale de leadership, comment SBM procède-t-il pour offrir concrètement de l’aide à ses leaders ? Faites-vous des assessment centers par exemple ?
A. G.-M. Chez SBM nous parlons de "centres de développement", qui montrent une meilleure représentation de ce qui se passe dans ces moments privilégiés pour nos leaders. Il s’agit d’une zone protégée qui leur permet de se découvrir et de choisir en toute connaissance de cause les éléments sur lesquels ils vont travailler : un, deux, voire peut-être trois éléments. En tout cas, il s’agit d’une combinaison de compétences techniques et comportementales. Avoir effectué cela auprès des membres du comité de direction nous a permis d’avoir un mode de communication authentique et direct. Nos conversations sont plus constructives, nous n’hésitons pas à transmettre le feedback, élément le plus précieux pour progresser en équipe. Nous sommes plus explicites et donc plus ouverts à la diversité des profils car moins compliqués à décrypter pour des nouveaux entrants.
Je retire deux éléments forts de cette expérience :
- un modèle de leadership, aussi efficace qu’il soit, n’est vraiment utile que quand ceux qui l’utilisent se le sont approprié et ont verbalisé, avec leurs mots, les compétences qu’ils veulent renforcer ou acquérir ; c’est en créant soi-même ces conditions d’apprentissage et en y mettant sa propre énergie que l’on progresse. Personne d’autre n’a la même combinai-son de forces et de besoins de développement, personne ne connaît mieux que soi-même ses motivations et l’énergie dont il dispose : je mets mon programme de développement en route et je cherche de l’aide pour avancer. Il me semble que ce sont là les bonnes conditions pour deve-nir une "entreprise apprenante" et pour développer une mentalité tournée vers la croissance (growth mindset) ;;
- rien ne vient gratuitement. Pour apprendre, il faut sortir de sa zone de confort, essayer, échouer, recommencer, surtout sur les compétences de leadership, de communication, de rapport aux autres... et savoir chercher de l’aide.
"Un moment privilégié pour parler de "team effectiveness"
A. G.-M. Laurence Gramont, dans votre expérience, quels sont les moments critiques pour une entreprise dans le déroulé de son modèle de leadership ?
L. G. Vous venez de mentionner l’un des moments les plus critiques : faire en sorte que les employés de cette organisation transforment ce référentiel en quelques questions/réponses qui font sens pour eux, avec des verbes d’action. C’est à ce moment-là que leur plan de développement prend tout son sens, par petites touches, sur la bonne durée, et sur une ou deux compétences, parce que dans la vraie vie, il faut aussi développer ses compétences métiers et/ou de manager, et cela prend aussi beaucoup de temps. L’une de mes approches favorites est de permettre aux gens de prendre conscience de leurs forces et de les optimiser, tout en connaissant leurs limites. Il est également important de travailler sur ses points de faiblesse car l’intelligence collective est surtout une somme de forces, et l’attention aux "limites" de ses forces. Quand vous prenez conscience que vous savez très bien faire, vous pouvez partager, et donc demander de l’aide.Un autre moment critique est le changement d’échelle : passer du comité de direction/dirigeants à un maximum de personnes, sachant que les outils et les investissements sont limités. Mes collègues chez C&S Partners et moi-même avons tous vécu des expériences dans ce domaine, avec des approches, soit par fonction, soit par géographie, soit par niveau. Je pense qu’il est fondamental de s’appuyer sur ceux qui guident les autres, soit les personnes qui encadrent des équipes, soit des leaders "experts" qui influencent de nombreuses personnes. Il s’agit d’équiper ces personnes clés avec les bons outils pour qu’ils puissent diffuser les éléments de leadership. Pour ce faire, ils doivent par exemple se connaître eux-mêmes, savoir écouter, savoir donner du feedback. C’est une base extrêmement solide pour acquérir des compétences ensuite plus ciblées "leadership". Enfin, je pense qu’il est important pour les équipes dirigeantes de garder, dans la me-sure du possible, une attitude "lisible" et congruente : le "walk the talk" ! Beaucoup d’efforts peuvent être ruinés rapidement si l’on observe des comportements orthogonaux à ceux du modèle de leadership. Pour exemple, si l’on souhaite promouvoir l’innovation et la créativité mais qu’en même temps on "punit" ou "démotive" une équipe qui essaye et qui se trompe, cela ne fonctionne pas. De même, il est important de garder assez longtemps le même modèle de leadership, même si les équipes dirigeantes changent.
C&S. Anne Guérin-Moens, pouvez-vous nous dire en quoi ce nouveau modèle de leadership impacte vos équipes RH ? Avez-vous des attentes spécifiques ?
A. G.-M. Oui, bien sûr. Nous sommes d’abord des personnes travaillant pour SBM, avant d’être des RH. De ce fait, tout ce que nous avons dit s’applique aussi à nous, mais en plus nous avons la chance de soutenir les autres, de les aider à mettre en place des plans de développement pertinents. Nous avons aussi la chance de travailler avec C&S Partners et de pouvoir bénéficier à travers vous d’une expérience démultipliée, de rencontrer vos autres clients et de progresser grâce à cette intelligence collective. C’est pour ça aussi que notre partenariat est important. Mes équipes ont avec vous un espace privilégié pour tester et apprendre.
Entretien avec A. Guérin-Moens (SBM OFFSHORE), L. Gramont et M. Lieberman (C&S Partners)