"The Big Quit" ou "The Great Resignation" font trembler les États-Unis depuis la crise sanitaire. Le slogan "I Quit" et le hashtag #QuitMyJob sont devenus si populaires que même la star de la pop Beyoncé en a fait un tube : "You won’t break my soul...". Toutefois, les études tendent à montrer que le phénomène se tarit, certains évoquent même la tendance du "Great Regret".

Aux États-Unis, 47 millions d’actifs ont quitté leur emploi en 2021. Selon la Dares, 470 000 démissions de CDI ont été enregistrées par trimestre entre fin 2021 et début 2022 en France. Toutefois, les premiers repentis de cette vague de démissions témoignent. Le "Big Quit " toucherait-il à sa fin ?

Le temps des regrets

Selon "Great Resignation Regrets", étude menée par Joblist, un travailleur américain sur quatre qui a récemment démissionné regrette aujourd’hui sa décision. Kathryn Minshew, PDG de la plateforme de développement de carrière The Muse, témoignait quant à elle récemment sur Fox Business : "Les salariés rejoignent une nouvelle entreprise pensant qu’il s’agit du job idéal, puis vient le choc de la réalité. C’est un phénomène très dommageable lorsque des personnes tout juste recrutées s’aperçoivent que le poste en question ne ressemble pas du tout à ce qu’elles espéraient." Le vieux dicton rappelant que "l’herbe n’est pas plus verte ailleurs" est de circonstance. Si toutes les entreprises ont revu leur marque employeur au diapason des critères RSE et QVCT, cela ne suffit pas toujours à satisfaire les différentes attentes des candidats qui aspirent à plus de mobilité, de flexibilité, d’avantages sociaux et d’épanouissement. Selon l’étude, 42 % des sondés estiment que leur nouveau poste ne répond pas à leurs attentes et 60 % des demandeurs d’emploi se sentent plus pressés de trouver un emploi, avant que les conditions du marché ne changent.

En France, 63 % des salariés ayant décidé de quitter leur travail regrettent leur décision

Travailler mieux

"Le taux d’emploi n’a jamais été aussi haut et les salariés ne démissionnent pas pour ne plus travailler mais pour obtenir de meilleures conditions de travail, dont le télétravail fait partie, explique l’économiste Cyprien Batut, chercheur affilié à la chaire Travail de PSE-École d’économie de Paris. Nous ne devrions donc pas parler de grande démission mais de Grande Réallocation entre les emplois." Si un salarié français sur six envisage de changer d’employeur cette année, selon une étude internationale du cabinet de conseil PwC datée de juin 2022, ce n’est pas pour ne plus être salarié mais plutôt en vue d’accéder à de nouvelles conditions, davantage rémunératrices ou plus confortables. Le rapport au travail est bel et bien en crise, mais ne semble pas se confondre avec un rejet de la valeur travail. En France, une étude relayée par le HuffPost en avril 2022 constate que 63 % des salariés ayant décidé de quitter leur travail regrettent leur décision, bien plus que dans les autres pays européens. Autre particularité révélée par l’étude : les Français ont davantage délaissé leur superviseur que leur travail, les frustrations causées par le management arrivant en tête de liste des raisons des départs. Au niveau mondial, la hausse de salaire reste la première motivation pour changer d’emploi. L’étude Global Workforce Hopes & Fear publiée par le cabinet PwC en juillet 2022 montre que 71 % des salariés changent d’emploi pour une meilleure rémunération et 69 % pour une recherche de travail plus épanouissant.

L’inflation change la donne

L’inflation représente un nouveau facteur décisif pour les salariés. Le confort et la sécurité semblent à certains plus satisfaisants que la poursuite d’une vocation et d’anciens salariés ayant changé de vie durant la pandémie reconnaissent à présent leur besoin d’une situation salariale stable. Un avenir incertain et la flambée des coûts de la vie retiennent davantage les actifs à leur poste. Par ailleurs, selon le dernier baromètre des entreprises du mois de juillet du Lloyds Banking Group, le nombre d’entreprises britanniques qui comptent recruter dans les prochains mois tombe au niveau le plus bas enregistré en 2021. La presse anglaise parle de  "grand débauchage" qui viendrait supplanter "la grande démission" et la récente étude de la Dares "La France vit-elle une grande démission ?" du 18 août le confirme : "Dans le cas des États-Unis et du Royaume-Uni, le nombre important de démissions serait plutôt le symptôme des tensions de recrutement que leur cause : il refléterait des comportements de débauchage de la main-d’œuvre entre entreprises, dans un contexte de forte demande de travail et d’offre limitée." 

La grande démission revêt des contours complexes. Toujours présente, elle se tarit face à l’inquiétude d’une éventuelle récession. Dans l’Hexagone, l’organisation du travail est mal perçue par les collaborateurs. Les entreprises qui s’ouvrent à d’autres formes de management auront certainement une carte à jouer dans l’avenir du marché du travail.

Elsa Guérin

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