Dominique Laurent (Schneider Electric France) : “En réinjectant des liquidités par l’augmentation des salaires, on encourage l’inflation”
Dominique Laurent. Pendant quinze ans l’inflation a été basse et la hausse récente nous oblige à être pédagogue. Il existe un amalgame entre l’inflation sur laquelle les médias communiquent et celle qui est réelle. Nous avons dû réexpliquer à nos organisations syndicales les différentes mesures de l’inflation afin de ne pas polluer nos NAO. Ce phénomène économique présente une temporalité particulière qui peut être courte, et il était important de prendre le temps d’éclaircir tout cela. Nous avons vécu une période similaire il y a trente-cinq ans. Les salaires ont systématiquement suivi l’inflation, le coût du travail a augmenté et l’industrie française a eu du mal à s’en remettre... Il faut arbitrer entre pouvoir d’achat et emploi industriel. En réinjectant de la masse monétaire par l’augmentation des salaires, on encourage l’inflation. Être pédagogue avec les partenaires so-ciaux est donc essentiel afin que tout le monde ait le même niveau d’information et comprenne nos décisions.
Nous avons lancé mi-octobre un plan sobriété en interne appelé “Be wiser”
Quelles actions menez-vous au sein de Schneider Electric pour réduire votre consommation d’énergie ?
Nous sommes le leader mondial de la gestion de l’énergie, nous mesurons les consommations et proposons à nos clients de rendre l’énergie plus efficace dans le but de réduire les consommations. L’engagement demandé par l’État, de diminuer de 10 % est compliqué à tenir car nous avons déjà optimisé nos consommations. L’un de nos sites à Grenoble consomme 37 Kwh par mètre carré par an, il n’y a pas un bâtiment qui fasse mieux dans le monde aujourd’hui. Par ailleurs, nous avons lancé mi-octobre un plan sobriété en interne appelé “Be wiser”, un ensemble de mesures graduelles de sobriété énergétique, parmi lesquelles, une sorte de banque d’idées qui permette aux collaborateurs de nous soumettre des projets. Le positionnement citoyen fait qu’en matière d’écogeste, nos salariés ont un rôle à jouer. Wiser est un produit Schneider Electric qui contrôle la consommation d’énergie dans les foyers et peut la réduire de 30 %.
Comment soutenez-vous le pouvoir d’achat de vos collaborateurs ?
Nous avons procédé à une négociation des salaires, comme chaque année, qui a abouti à un plan salarial composé de 3,1 % d’augmentation de budget salaire et une mesure bas salaire mondiale proposant la redistribution de 0,1 % de la masse salariale pour les bas salaires. En septembre, nous nous sommes remis autour de la table avec une négociation courte dite “ pouvoir d'achat”, qui constitue un accord à part de la NAO. Dans ce cadre, nous avons négocié 2 % d’augmentation générale pour tous, même les cadres supérieurs. Pour les plus bas salaires, nous avons également prévu le versement d’une prime de partage de la valeur de 600 euros. Il existe une probabilité pour que la partie de l’inflation liée à l’énergie retombe. En augmentant les salaires de 8 % avec l’idée de créer un différentiel positif de 1,5 point versus l’inflation, nous nous exposons au risque de pénaliser durablement le coût du travail alors que rien n’exclut que nous retombions à des niveaux d’inflation nulle, voire négatifsdans les prochaines années. L’avantage offert par la prime de partage de la valeur (PPV) est qu’elle provoque une stimulation de pouvoir d’achat sans nécessairement impacter durablement le coût du travail. Elle est, de ce point de vue, une bonne réponse à un événement ponctuel. Nous avons eu suffisamment de signataires pour mettre en place ces mesures. Nos partenaires sociaux comparent ce que font les autres entreprises. Beaucoup ont décidé d’anticiper les NAO 2023. Cela n’a pas été notre cas. Nous avons préféré mettre en place ces mesures qui ont pris effet rétroactivement le 1er septembre 2022.
L’avantage offert par la PPV est qu’il provoque une stimulation de pouvoir d’achat sans nécessairement impacter durablement le coût du travail
Que pensez-vous du dividende salarié obligatoire promis par Emmanuel Macron ?
Je crois qu’il ne faut pas complexifier davantage les nombreux dispositifs déjà en place. Nous disposons de bons mécanismes si l’on souhaite verser des rétributions complémentaires aux collaborateurs. Et surtout, j’aimerais souligner ce que l’on oublie trop souvent. S’agissant des sociétés cotées, les salariés sont, dans leur très large majorité, actionnaires de leur société. Ils en sont même parfois le premier ou second actionnaire, y compris dans certains groupes du CAC 40. Dès lors, quand des dividendes, voire des dividendes complémentaires, sont versés, ils sont les premiers à en bénéficier.
Propos recueillis par Roxane Croisier