Arnaud Dupui-Castérès est fondateur du cabinet de conseil Vae Solis Communications. Pragmatique, le livre dont il nous recommande la lecture cet été est ancré dans l’actualité : La Guerre de l’Information de David Colon.
Arnaud Dupui-Castérès (Vae Solis) : "L’essai de David Colon est une lecture nécessaire pour comprendre l’ampleur des attaques dont les démocraties sont la cible"
Décideurs. Quel livre nous conseilleriez-vous cet été ?
Arnaud Dupui-Castérès. La Guerre de l’Information, un formidable livre de décryptage et d’histoire de la guerre que se livre les États sur le terrain de l’information, écrit par David colon, professeur à Sciences Po Paris, grand spécialiste en histoire de la propagande et des techniques de communication persuasive. Il propose une analyse des stratégies de manipulation étatique des opinions publiques, notamment à travers les réseaux sociaux. Il apporte son expertise sur la complexité du traitement de l'information dans les démocraties contemporaines, enrichie par sa recherche approfondie au centre d'histoire de Sciences Po (CHSP) et sa connaissance des enjeux de communication dans l’histoire. C’est un sujet clé de compréhension du monde qui s’inscrit au cœur de mon métier. Les " Spin Doctors ", ces conseillers en communication et marketing politique façonneurs d’image, font leur apparition aux États-Unis en 1917 pour convaincre l’opinion publique américaine de la légitimité de l’entrée en guerre de leur pays dans le conflit européen. Depuis lors, les techniques n’ont jamais cessé de se diffuser à d’autres secteurs, par exemple dans les entreprises, apparaissant de plus en plus sophistiquées et diversifiées, notamment avec le Web et les réseaux sociaux.
Pourquoi choisir d’emporter ce livre plutôt qu’un autre ?
Il offre un décryptage documenté et étayé des transformations du monde qui se jouent sous nos yeux. Il est donc essentiel pour mieux comprendre l’environnement dans lequel nous évoluons. On ne peut pas comprendre les évolutions des opinions publiques, si on ne connaît pas cela. C’est une lecture nécessaire pour comprendre l’ampleur des attaques dont les démocraties sont la cible. Ce livre apporte un éclairage fascinant sur les enjeux géopolitiques, la manipulation des masses, y compris des votes électoraux. Naïfs s’abstenir.
Et s’il reste de la place dans la valise ?
Deux livres très différents, d’abord Raymond Aron, un moraliste au temps des idéologies par Nicolas Baverez, pour se dire que l’intelligence et la rationalité ne sont pas si loin de nous et se redonner un peu d’espoir en tablant sur un sursaut, un jour prochain. Et Laisse le flingue, prends les cannolis de Mark Seal, sur la genèse fascinante du film Le Parrain, dans les arcanes de la conception et de la réalisation de cette trilogie d’anthologie, y compris les relations entretenues avec les vrais parrains de la mafia new yorkaise.
"Il n’y a plus guère de place dans nos quotidiens pour ces moments de rupture, d’isolement, de silence pour se plonger, ne serait-ce que quelques heures dans la lecture"
Quel est votre auteur fétiche ?
Là encore, j’en choisis deux. Le premier peut sembler classique et suranné, mais cela reste Stefan Zweig avec ses textes si beaux, si vrais et les somptueuses traductions d’Alzir Hella dans les années trente, jamais égalées. Se replonger dans son œuvre est un bonheur garanti. Le second est Paul Auster, qui vient malheureusement de nous quitter. Un géant de la littérature.
Quelle place prend la lecture dans votre vie ?
La lecture occupe une place très importante dans ma vie, mais trop peu dans celle de beaucoup d’entre nous aujourd’hui. Il n’y a plus guère de place dans nos quotidiens pour ces moments de rupture, d’isolement, de silence pour se plonger, ne serait-ce que quelques heures dans la lecture. J’essaie de m’y astreindre quotidiennement, mais parfois sans grand succès. Et si la fractionner peut être bon pour le cœur, cela reste nuisible pour le genre romanesque.