Avec un total de 909 milliards de dolla, les pays émergents représentent, en 2008, 43 % du marché M&A. Une croissance de plus de 20 % par rapport à l’année dernière. Néanmoi, la crise semble renveer la donne. Au premier trimestre 2009, cette part était redescendue sous les 40 %. Pour autant, ces pays n’ont pas dit leur dernier mot et repartent à l’attaquent. Les BRIC en tête.

Avec un total de 909 milliards de dollars, les pays émergents représentent, en 2008, 43 % du marché M&A. Une croissance de plus de 20 % par rapport à l’année dernière. Néanmoins, la crise semble renverser la donne. Au premier trimestre 2009, cette part était redescendue sous les 40 %. Pour autant, ces pays n’ont pas dit leur dernier mot et repartent à l’attaquent. Les BRIC en tête.

Favorisées par une croissance largement supérieure à celles enregistrées aux Etats-Unis ou en Europe, les puissances émergentes entendent profiter de la crise économique pour renforcer leur présence.
En 2008, les BRIC représentaient 13,8 % du PIB mondial et affichaient des taux de croissances supérieurs à 5 %. Aujourd’hui, malgré la crise, ils continuent d’attirer les investisseurs privés grâce à leurs perspectives de croissance à long terme.

Dans le même temps, les multinationales issues des pays développés marquent le pas et redoublent de prudence. Les anticipations rationnelles en période de récession et l’absence de financement y sont pour beaucoup.
Conséquence, les champions chinois, indiens ou russes se lancent aujourd’hui à l’assaut de firmes occidentales.

Une diversification des opérations M&A.

Les pays émergents sont le théâtre d’une nouvelle vague de fusions et acquisitions qui prend de l’ampleur depuis 2005. Au premier trimestre 2008, les opérations réalisées par les pays émergents ont atteint un montant de 84,2 milliards de dollars pour 1 259 deals, soit une augmentation de 43 % par rapport au premier trimestre 2007. Entre 2005 et 2007, ce montant a plus que doublé.

Néanmoins, les résultats du premier trimestre 2009 marquent le pas. Pour certains, cette baisse sonne le glas de la percée des pays émergents. Pour d’autres, elle est plutôt le signe de l’intégration de ces États au sein du marché global.


En effet, malgré des spécificités persistantes, le marché M&A des BRIC s’aligne de plus en plus sur celui des marchés occidentaux. Leur motivation n’est plus seulement dominée par des stratégies de conquête de marché ou d’économies d’échelle, mais également par une quête accrue de rentabilité.

Parmi les BRIC, la Chine figure, en 2008, au premier rang des fusions et acquisitions avec un montant de 160 milliards de dollars, suivie de la Russie, 122,4. Ces deux pays se distinguent toutefois par le contexte et l’objectif des deals en fonction de leurs avantages comparatifs respectifs, leurs débouchés et leur organisation politique.
En Russie, les sociétés étrangères investissaient surtout dans une optique de conquête des marchés industriel et financier, à l’instar de Renault qui en 2007 acheta 25 % du capital d’AvtoVaz et de l’achat de Rosbank par la Société générale pour 2,9 milliards de dollars en mars 2008.

De nouvelles opportunités.

Selon Mergermarket, la répartition des opérations en fonction des secteurs évolue en 2008. Si l’énergie et le secteur minier restent en tête des transactions (24 % en volume et 42 % en valeur), les biens de consommation, les services financiers et les télécoms font une nette percée. Cette tendance traduit l’évolution industrielle de ces pays.

Désormais, les deals domestiques sont des opportunités pour les investisseurs étrangers, à l’image de la privatisation de l’Unified Energy System of Russia (RAO) qui a été le support le plus important pour les deals M&A, et la concentration transversale entre énergie et secteur financier avec le rachat de 82,3 % de TGK-8 par Lukoil.

Le boom des opérations inbound dans les services financiers couplé à la contraction de celles dans le secteur de l’énergie annonce une nouvelle tendance pour l’avenir. À la frontière, la Chine affiche une activité radicalement différente. Fait le plus marquant sur 2007/2008, les IPO chinoises sont devenues les plus importantes au monde, devant les Etats-Unis, avec une croissance de plus de 200 % sur l’année 2007.

Cependant, les montants d'acquisition sont beaucoup moins importants avec un maximum, en 2008, de 1,6 milliard de dollars concernant le rachat d’une entreprise métallurgique chinoise par Evraz, un grand groupe russe.
Les firmes étrangères n’entrent globalement que dans trois secteurs : la communication, avec une activité marquée de Publicis en 2007, la banque et la finance (rachat de JuTian Fund Management Co par Morgan Stanley) et la distribution. Pour ce qui est des acquéreurs chinois, c’est dans l’assurance, la banque et la finance qu’a lieu le gros de la concentration, la plus grosse opération étant le rachat de Shenzen Financial par China Development Bank.

De proies à prédateurs.

Il serait faux de penser que les BRIC, et plus généralement les pays émergents, ne font que subir ce mouvement de M&A. Ils comptent bien profiter de l’ouverture des marchés financiers. D’après une étude menée par KPMG, le nombre d'acquisitions menées par des groupes issus des pays émergents vers les pays développés était quatre fois moins important que celui des M&A des pays développés vers les pays émergents en 2003, 3 fois moins en 2006 et à quasi-égalité fin 2007. L’étau se resserre pour les firmes occidentales.

Ces opérations sud-nord ont fait beaucoup de bruit dès 2006 à l’occasion de l’affaire Mittal-Arcelor ou du rachat du canadien Inco par son concurrent brésilien Vale dans le secteur minier pour 18,7 milliards de dollars. La Chine se place au devant de la scène pour ce type d’opérations. Avec l’ambition affichée par certains géants locaux de devenir des leaders mondiaux dans leur secteur, les opérations outbound de la Chine dépassent pour la première fois les transactions sino-chinoises avec un volume de 52 milliards de dollars. On a pu ainsi voir Sinochem conclure deux des plus gros deals du secteur chimie en 2007.

C’est dans le secteur Banque, Finance et Assurance qu’ont lieu le plus d’opérations avec des firmes très actives comme Ping An Insurance Group Co qui rachète le belge Fortis Investissement en mars 2008 pour 3,36 milliards de dollars après une prise de participation de 2,7 milliards en novembre 2007.
L’approvisionnement sans risque et à bas coût étant une condition sine qua none de sa croissance économique, le secteur énergie et pétrole devient la cible la plus précieuse pour la Chine. Le plus gros deal de 2008 a permis à Shining Prospect d’acquérir 14,3 milliards de dollars d’actions chez Rio Tinto, alors qu’au premier semestre 2009, Sinopec Intl a annoncé son intention d’acquérir 100 % du suisse Addax Petroleum Corp pour 8,9 milliards de dollars.


Les pays émergents : un terrain de bataille pour les banques d’affaires.

Grâce aux opérations inbound et outbound, les pays émergents sont devenus très attractifs pour les pôles M&A des banques d’affaires, qui se livrent une bataille sans merci pour être le conseiller financier dominant. Ayant envahi les classements des leaders en conseil financier jusqu’en 2007, les structures américaines et européennes se heurtent désormais à une concurrence naissante mais prometteuse : les banques régionales. Les pays émergents comptent bien tirer leur épingle du jeu en conseil financier, plaidants  une meilleure connaissance des opportunités et contraintes domestiques.

Un concurrent de plus : les banques occidentales spécialisées dès leur création dans les marchés des pays émergents, à l’instar de Standard Chartered PLC en Inde.
Ainsi, le classement des meilleures conseils en M&A en Inde au premier semestre 2009 inclut sept banques 100 % indiennes sur 21 au total, dont  BMR Advisors et Kotak Mahindra Bank Ltd.  En Chine, le China International Capital Co se place en 4e position pour des opérations s’élevant à 6 milliards de dollars au total, derrière le credit suisse (9,5 Md$), RBC Capital Markets (8,9 Md$) et Morgan Stanley (7,3 Md$).

Cette banque a été créée en 1995 comme une joint-venture entre six sociétés, dont Morgan Stanley International Incorporated et The Government of Singapore Investment Corporation. Sa montée en puissance a certainement à voir avec des relations privilégiées avec le gouvernement chinois dans un environnement où les banques étrangères rencontrent parfois des barrières politiques à leur expansion.  Même constat en Amérique latine où Itau Unibanco, né de la fusion en novembre 2008 des deux banques brésiliennes, est devenue la première banque de la région. Se plaçant au 16e rang au premier semestre 2008, elle gagne la tête du classement au premier semestre 2009 pour des opérations s’élevant à 25,9 milliards de dollars.



L’Etat au service des grands groupes.

Mais le M&A ne forme que la partie visible de la stratégie de développement des BRIC. Ces pays se sont en réalité lancés dans une course à l’approvisionnement et à la technologie. L’hyperactivité de la Chine en Afrique dans les pays possédant des ressources minières et pétrolières et les rachats massifs de plusieurs entreprises minières au Canada ou en Australie en sont révélatrices.

Et dans cette course effrénée aux acquisitions, l’Etat joue un rôle important dans ces pays. Il intervient en particulier sur les secteurs industriels stratégiques tels que l’énergie ou les matières premières. C’est par exemple le cas de la Russie qui garde sous contrôle le secteur de l’énergie. Les affaires concluent par E.ON AG ou Fortum faisant exception.


Mais les Etats ne s’arrêtent pas là. De plus en plus, ils jouent le rôle de moteur financier pour le développement des grands groupes nationaux. Grâce à ce soutien, les entreprises des BRIC ne sont pas autant affectées et ont donc la voie libre pour gagner des parts de marché, rattraper leur retard technologique et gagner en rentabilité.

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