Derrière l’émotion suscitée par ce drame humain se profile un combat entre assureurs qui ne fait que commencer. 
Dès le lendemain du drame qui a coûté la vie à dix personnes au cours de l’émission Dropped, les avocats d’ADL, la maison de production, et de TF1, son diffuseur, étaient sur place pour superviser l’enquête. L'objectif ? Déterminer qui est responsable de cet accident. « Cela devrait durer des années », prévient l’un d’eux.

Un dossier compliqué

Ce dossier est d’autant plus complexe que deux pays sont impliqués et qu’il faut prendre en compte les aspects techniques liés à l’accident d’hélicoptères. Outre l'enquête pénale ouverte en Argentine, le parquet de Paris a lancé une enquête préliminaire et a confié le dossier aux gendarmes spécialisés en catastrophe aérienne du groupement des transports aériens (GTA). L’enjeu est de taille : qui est responsable et qui paiera les dédommagements ? Surenchère risquée de la production, problème technique, erreur humaine ou mauvaises conditions météorologique… Nos sociétés cherchent systématiquement des coupables, les assureurs les trouveront.

Les sociétés de production audiovisuelle contractent, comme tout acteur économique, des assurances pour se couvrir contre le risque. « Ce type d’assurance fait partie des garanties liées aux risques spéciaux considérés comme des risques atypiques et dont les spécificités nécessitent une forte expertise. Mais il est vrai que le marché reste marginal pour les assureurs. Dans ce domaine, ils se comptent sur les doigts de la main », explique Jean-Claude Beineix de Continental Media Assurances, qui couvre notamment Rendez-vous en terre inconnue et Hollywood Girl. L’ensemble du secteur est estimé à seulement trois milliards d’euros. Après une étude minutieuse du scénario, l’assureur calcule une prime qui varie entre 1,2 % et 2 % du budget total.

Un tel accident pourrait-il avoir un impact sur le montant des primes demandées ? « Je ne pense pas. En revanche, il est fort possible que les assureurs renforcent leurs grilles de contrôle pour ce type de programme », prévient Jean-Claude Beineix. « Dans ce genre d’émission, les candidats ne sont pas uniquement protégés par un contrat de travail, ils disposent généralement d’un contrat individuel accidents en cas de décès associé à une garantie d’assistance rapatriement en raison des risques liés à l’éloignement et la nature des activités », poursuit-il.

Dix millions d’euros minimum

En attendant le verdict final, l’assureur de la société de production va payer les indemnités de la responsabilité civile et rembourser les frais engagés par ADL et TF1. Des assurances auront à verser des indemnités type assurance-vie. Ce n’est qu’une fois le verdict rendu que commencera une autre bataille judiciaire : celle des assurances. Elles vont exercer des recours contre celui ou ceux qui seront désignés responsables. Selon une source proche du dossier, cela devrait toutefois se régler à l’amiable pour éviter les procès à répétition.

Mais de quel montant parle-t-on ? Personne ne veut avancer de chiffres précis. « Cela sera supérieur à dix millions d’euros », lâche seulement une source proche du dossier. Une comparaison avec le précédent Koh-Lanta permet néanmoins de cerner l’ampleur des enjeux financiers. En 2013, après la mort d’un candidat, l’interruption de l'émission, également produite par ALP, avait coûté une dizaine de millions d’euros aux assurances. Les conséquences financières pour la société de production avaient été également catastrophiques : l’incident lui avait fait perdre près de 40 % de son chiffre d'affaires. De trente-six millions d'euros en 2012, il était passé à vingt-deux millions un an plus tard.

Malgré des pertes humaines plus importantes, le coût financier devrait être identique à celui de Koh-Lanta. Une raison à cela : Dropped n’ayant pas eu le temps de faire ces preuves en termes de recettes publicitaire, les sommes remboursées par les assurances à la maison de production et au diffuseur seront moindres. Au contraire de Koh-Lanta qui, à chaque diffusion, rapportait à TF1 1,4 million d’euros. La chaîne achetait l’épisode environ 800 000 euros à ALP et récolte 2,2 millions d’euros en recettes publicitaires.

Un retour dans deux ans ?

Deux périmètres font que Dropped coûte néanmoins plus cher à produire. Le premier est que le cadre est plus difficilement sécurisable : une île où le terrain est bordé contre une liberté totale en pleine nature. Le deuxième est que les cachets des participants sont plus élevés. Pour ces sportifs reconnus, le montant minimum était de 100 000 euros.

Si ce projet veut revoir le jour, les contraintes de sécurité et les primes d’assurance seront revues à la hausse, ce qui contribuera à augmenter le coût de production. Mais au vu des audiences réalisées en Suède, seul pays qui diffuse actuellement l’émission, le jeu pourrait très bien faire son retour sur les antennes de TF1. Avec 30 % de part de marché, le Dropped suédois fait aussi bien que Koh-Lanta en France. D’ici deux ans, TF1 sera peut-être prêt à rogner sur ses marges pour voir le programme refaire surface. En 2014, première édition après l’interruption du programme, Koh-Lanta avait battu des records d’audience.

V.P.

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