Le directeur du Tour de France nous dévoile la recette du succès, populaire et financier, de la Grande boucle.
Décideurs. Une chaîne payante comme Be In sports, qui a déjà bouleversé le paysage audiovisuel français, peut-elle un jour rafler les droits de diffusion du Tour de France ?
Christian Prudhomme.
La diffusion exclusive des images du Tour de France sur une chaîne payante n’est pas à l’ordre du jour. Et ce, pour la simple et bonne raison qu’un décret de 2004 fixe une liste d'épreuves sportives majeures devant être diffusées gratuitement. Or, chacune des vingt ou vingt-une étapes de la Grande Boucle en font partie et resteront donc accessibles à tous. Et je dois dire que nous en sommes très heureux. Amaury Sport Organisation (ASO), l’organisateur de la compétition, a d’ailleurs renouvelé jusqu’en 2020 le contrat qui le lie à France Télévisions.

Décideurs. La crise économique a-t-elle eu un impact sur le développement économique du Tour ?
C. P.
L’organisation financière du Tour de France n’a pas été directement affectée par le contexte économique difficile que nous traversons. Cette compétition, de par son aura et son histoire, fait cependant office d’exception. Les autres courses par étapes dont nous avons la charge ont rencontré davantage de difficultés, les financements nécessaires à l’organisation des compétitions se faisant un peu plus rares. Ce contexte est d’autant plus inquiétant que les collectivités publiques qui organisent ces épreuves doivent également faire face aux incertitudes liées à la récente réforme des collectivités territoriales.

Décideurs. Certaines études d’impacts, comme celle réalisée par la ville de Metz en 2012, montrent que pour un euro dépensé, il y a deux euros de retombées économiques. Ces chiffres valident-ils le modèle économique créé autour de la Grande Boucle ?
C. P.
Certaines études sont même encore plus favorables ! Prenons l’exemple de la commune de Saint-Amand-Montrond qui a accueilli l’arrivé de la treizième étape du Tour de France 2013. Pour un euros dépensé, la ville a évalué à près de six euros les retombées économiques. Par cela, il faut notamment entendre les dépenses d’hôtellerie, de restauration ou le surcroît d’activité rencontré par les différents commerces à cette occasion. Sur le plan national, une enquête publiée par la TNS Sofres a souligné que le Tour 2013 avait généré près de 152 millions d’euros de revenus ! Le succès est tel que nous recevons chaque année près de 250 dossiers de candidature de villes souhaitant accueillir une étape, quand bien même nous ne pouvons satisfaire qu’une trentaine de demandes. Je tiens, à ce titre, à préciser que le Tour de France n’est pas uniquement l’apanage des villes au rayonnement important comme Paris ou Lyon. Les communes de tailles plus modestes peuvent également, avec l’appui des communautés de communes, des départements ou encore des régions, accueillir une étape. C’est cet ensemble hétéroclite qui constitue le ciment du Tour.

Décideurs. Certains critiquent vivement le trop grand nombre de départs ayant lieu à l’étranger (Le Leeds 2014, Utrecht 2015…). Que leur répondez-vous ?
C. P.
Si les exploits de grands champions, comme Bradley Wiggins au Royaume-Uni ou Cadel Evans en Australie, constituent l’un des principaux vecteurs de communication de la marque Tour de France, la popularité de la course trouve également sa source dans ces départs de l’étranger. Nous y avons rencontré un enthousiasme et une passion parfois indescriptible. La traversée du Yorkshire cette année en est d’ailleurs la plus parfaite illustration. Cet intérêt des pays étrangers pour le Tour est aussi une excellente chose pour notre pays. Le Tour de France est aussi et avant tout le tour de la France. Les images de la course diffusées dans près de 190 pays valorisent notre patrimoine et contribuent au succès touristique de la France. Les départs hors de nos frontières, ne sont d’ailleurs pas une nouveauté, le premier ayant eu lieu à Amsterdam en 1954.

Décideurs. Recherche de sponsors, gestion des relations avec les collectivités et les médias, développement économique, innovation… Le Tour n’est-il pas devenu l’entreprise la plus populaire de France ?
C. P.
Le Tour tisse sa toile depuis plusieurs années. La reconnaissance du Tour dépasse largement le cadre de nos frontières. ASO, en charge de l’organisation de la Grande Boucle, est d’ailleurs régulièrement contacté par des organisateurs de courses étrangères pour transmettre son savoir-faire et associer le nom du Tour de France à leur épreuve. Cette marche en avant est d’ailleurs loin d’être terminée. Nous avons plein de rêves inassouvis. J’ai en tête la phrase « c’est impossible ? donc j’y crois ». Il y a tant de nouvelles choses à découvrir.

Propos recueillis par Aurélien Florin

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