DRH d'expérience, Benoît Roger-Vasselin veut réconcilier les Français avec l’entreprise.
Benoît Roger-Vasselin contraste dans le monde de la publicité. Discret, il ne tutoie aucun de ses collaborateurs et fait sienne cette devise : « La vie est une école d’humilité, on ne peut rien sans les autres ». Il n'en reste pas moins le DRH de Publicis depuis bientôt vingt ans, suivant la voie de la démocratie sociale.


Décideurs. Vous avez été au cœur d’importantes négociations ces dernières années (notamment la rupture conventionnelle en 2008) en tant que président de la commission relations du travail, emploi et formation du Medef, nommé DRH d’influence en 2013, employeur le plus attractif en 2014… Quel est votre secret ?

Benoît Roger-Vasselin.
Il n’y a aucun secret, j’ai simplement eu de la chance, celle de faire deux rencontres professionnelles marquantes : Maurice Lévy, puis plus tard Laurence Parisot. L’un et l’autre m’ont accordé leur confiance, cela a été déterminant. Par effet d’enchaînement, j’ai occupé différentes fonctions. Ma reconnaissance va également à mes collaborateurs, grâce à qui j’ai pu mener de front plusieurs activités. Quant à Publicis, c’est une réussite exceptionnelle et il est d’autant plus gratifiant pour moi d’y travailler, depuis bientôt dix-neuf ans. Dans ce groupe où j’ai la responsabilité des RH, j’ai pu mesurer combien ce rôle prend une dimension stratégique lorsqu’on bénéficie de la confiance de son président. De surcroît, dans le secteur des services, les hommes et les femmes constituent la richesse et la valeur ajoutée... tout comme le premier poste de dépenses d’ailleurs ! Au Medef, de la même manière, il eût été impossible de conduire les négociations collectives sans la confiance de la présidente et un travail d’équipe. 

Décideurs. Quels sont les apports majeurs de l’accord sur la LSE ? 

B. R.-V.
Cet accord constitue une véritable avancée. Mais faire évoluer les mentalités est un travail de longue haleine, surtout en France, et ce en raison de notre culture sociale héritée de l’histoire. L’un des objectifs majeurs est de réconcilier les Français avec l’entreprise. Et l’accord sur la sécurisation de l’emploi n’est que l’une des premières marches d’un grand escalier ! Certes, il a renforcé les garanties collectives et individuelles – un pas important – mais il reste malgré tout en deçà de ce qu’il faudrait faire. 

Décideurs. Quelles sont, selon vous, les grandes avancées du secteur des ressources humaines ces dernières années ? 

B. R.-V.
La fonction, au-delà de sa position stratégique, est portée par plusieurs prises de conscience qui augurent de véritables avancées. J’en relèverai trois : la redéfinition de la valeur travail, l’équilibre vie privée-vie professionnelle et l’égalité hommes-femmes. D’autre part, je crois beaucoup en la jeunesse. Je suis parfois choqué de la façon dont certains de mes collègues DRH traitent les jeunes, qui sont l’avenir et méritent toute notre attention. Au sein de mon équipe, j’ai mis en place il y a déjà plus de dix ans un système qui fonctionne plutôt bien : lorsqu’un poste junior se libère, il est proposé à un jeune qui n’a jamais travaillé et à qui l’on offre ainsi sa première expérience professionnelle. Ce sera à lui, plus tard, de transmettre à son tour son savoir-faire à un plus jeune que lui. Ainsi s’établit une chaîne de transmission et de solidarité entre collègues : l’une des valeurs principales RH selon moi est l’exemplarité. 

Décideurs. Un regret ? 

B. R.-V.
Si j’en ai un, je ne m’en souviens pas car je vis tourné vers l’avenir. Pour la société toutefois, je regrette une occasion manquée au moment des discussions autour des 35 heures : s’être engagé dans une démarche innovante pour l’aménagement du temps de travail était une idée qui aurait pu être féconde. Encore eût-il fallu se montrer plus créatif et surtout sortir d’une logique d’uniformité. Nous vivons dans une époque où il est demandé aux hommes et aux femmes de tout réussir entre 25 et 55 ans (études, famille, carrière…). On est censé concentrer sur trente ans l’essentiel de ce que l’on peut faire dans une vie (alors même que l’on nous annonce que nous serons de plus en plus nombreux à vivre centenaires…). Il y avait là une réelle opportunité de réfléchir ensemble pour rééquilibrer tout cela. Par exemple : travailler moins chaque semaine, mais plus longtemps tout au long de sa vie, aurait sans doute permis de traiter la problématique de la réduction du temps de travail, en même temps que de poser calmement celle des retraites – nous étions en 1998 –, et de faciliter dans le même temps l’équilibre vie privée-vie professionnelle. Il est dommage que les pouvoirs publics en aient fait un enjeu de clivage politique et aient laissé échapper, à un moment où nous avions la croissance tant en France qu’en Europe, une occasion de penser collectivement l’évolution de la relation de travail. 

Propos recueillis par Julie Atlan

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