Contre toute attente, la presse papier résiste à l'assaut des médias numériques. La fin annoncée du print n'est peut-être plus d'actualité.

Chaque jour, près de 33 millions de personnes lisent encore au moins un titre de presse en France. Rassurant ? Pas tout à fait car, derrière ce chiffre, l’hémorragie se compte en centaines de milliers de lecteurs évaporés. Entre 2000 et 2014, les tirages journaliers de la presse quotidienne nationale et régionale ont diminué de plus de deux millions d’exemplaires, chutant de 30 %. Et en seulement quatre ans, entre 2008 et 2012, c’est l’ensemble de la diffusion de la presse écrite (vente au numéro, abonnements et gratuits) qui baisse de 31 %.

 

Frémissements

Alors, se dirige-t-on tout droit vers les prévisions du journaliste américain Philip Meyer qui, dans The Vanishing Newspaper : Saving Journalism in the Information Age publié en 2004, estimait qu'au premier trimestre de l'année 2043 se vendrait le tout dernier numéro d'un quotidien ? Pas si sûr. L’étude ONE publiée fin septembre par AudiPresse montre que le print enregistre un recul de 1 % seulement sur la période 2014-2015. Les quotidiens connaissent même une hausse de leur audience de 0,6 %, et avec 8,1 millions de lecteurs en moyenne chaque jour, ils bénéficient d’une progression de 2,7 % sur la période. Avec sa nouvelle formule, L’Équipe a connu un démarrage sur les chapeaux de roue : en août, sa diffusion avait augmenté de près de 6 % par rapport à la même période un an plus tôt. Les Échos, le seul titre qui progresse entre 2011 et 2014 (+ 4,68 %) selon l’Office de justification de la diffusion (OJD), ont même lancé début octobre leur magazine du week-end au format papier. Reworld Media, qui a acquis des titres comme Marie France en 2013 ou Be et Auto Moto en 2014, précise de son côté que « les marques acquises en 2013 étaient bénéficiaires sur l’exercice 2014 et les marques acquises auprès de Lagardère Active (…) sont bénéficiaires dès le 1er semestre 2015 ». Résultat, le groupe affiche un résultat net de 0,82 million d’euros au 30 juin 2015 contre une perte nette de 0,76 million d’euros au premier semestre 2014. À l’international, les vieux médias sont également vivaces : le Wall Street Journal a notamment décidé d’investir sur ses éditions papier européenne et asiatique.

 

Omnicanal

La consolidation en cours dans ce secteur en France - orchestrée notamment par la holding Altice de Patrick Drahi, l’entreprenant trio Bergé/Niel/Pigasse derrière Le Monde, ou encore le nouveau fonds de Pigasse/Niel/Capton -, laisse entrevoir un avenir moins sombre que prévu pour les « canards ». Même si c’est bien le digital qui a le vent en poupe : Le Figaro ne s’est pas offert CCM Benchmark pour un prix compris entre 110 et 130 millions d’euros sans raison. Et la Matinale du Monde a par exemple été téléchargée plus de 265 000 fois depuis son lancement en mai. Son prolongement le week-end est ainsi dans les tuyaux. Comme le note l’OJD, la presse quotidienne nationale (PQN) a fait un véritable bond en avant du côté de sa diffusion numérique?: en moyenne, elle progresse de 42 %. Sur le Web, L’Équipe explose (+ 151 %), et Le Figaro (+ 71 %), Les Échos ( + 46 %), Le Monde ( + 37 %), La Croix ( + 21 %) ou Aujourd'hui en France ( + 16 %) ne sont pas en reste. L’unique évolution négative est à mettre au compte de Libération (-12 %).

À l’image du e-commerce, le futur de la presse ne se situe donc pas dans le « tout numérique » ou le « tout papier », mais bien dans un savant mélange. Alors que la presse fut saisie de stupeur face au raz-de-marée des news sur Internet depuis la fin des années 1990, les médias du print ont finalement pris le train en marche, contraints, c’est peu de le dire. Ils en payent maintenant les pots cassés avec des titres bradés et des politiques sociales menées rudement sous un angle financier. Une purge nécessaire pour se retrouver sur le bon rail ?

 

Q.L. (avec S.S.S)

 

La diffusion payante de la PQN : les chiffres 2014 de l’OJD

Les Échos : + 1,24 %

Le Monde : - 0,80 %

Le Figaro : - 0,97 %

La Croix : - 1,61 %

Libération : - 7,71 %

Aujourd’hui en France : - 7,89 %

L’Équipe : - 9,70 %

 

2011-2014 : le recul des ventes des quotidiens nationaux atteint 9,65 %.

Les Échos : + 4,68 %

La Croix : - 0,47 %

Le Figaro : -2, 17 %

Le Monde : - 6,71 %

Aujourd’hui en France : - 12,81 %

Libération - 21,33 %

L’Équipe : - 22,93 %

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