Un an après sa création, Symphony a déjà levé 166 millions de dollars et lancé une plate-forme de communication considérée comme l’une des plus innovantes du secteur. Même Google est entré au capital. Le fondateur de cette start-up qui murmure à l’oreille de Wall Street, le Français David Gurlé, revient pour Décideurs sur ses ambitions.

Décideurs. Depuis l’arrivée d’un consortium de banques à vos côtés fin 2014, votre année a été bien remplie. Quel bilan en tirez-vous ?

 

David Gurlé. L’année 2015 a été extraordinaire.  Elle s’est déroulée à vitesse grand V. Sortir notre plate-forme au troisième trimestre était un objectif très ambitieux avec de nombreux défis à relever. Nous l'avons tenu contre toute attente et c’est une des choses les plus difficiles que j’ai eu à faire dans ma vie. En plus de ce lancement, nous avons eu à gérer la levée de fonds. Ce fut un énorme succès, une belle manière de clore le premier chapitre de Symphony.

 

Décideurs. Qu’aviez-vous en tête en créant Perzo, devenu Symphony en 2014 ?

 

D. G. Mon objectif était de simplifier les interactions. J’ai alors pensé à réunir au même endroit tous les canaux de communication que nous utilisons : téléphone, vidéo, mail, chat, SMS, réseaux sociaux… Aujourd’hui, nombre de ces canaux sont d’ores et déjà disponibles et nous travaillons à ajouter les autres. Sur cette base, nous avons ensuite construit un environnement sécurisé.

 

Décideurs. Quels sont aujourd’hui les principaux atouts de votre plate-forme par rapport à d’autres acteurs des communications comme Slack, Mattermost ou Skype où vous avez d’ailleurs travaillé ?

 

D. G. Nous cumulons trois forces que nos concurrents n’ont pas. La première est la déontologie, c’est-à-dire l’alliance de la sécurité et de la conformité. La seconde est la combinaison d’un grand nombre de canaux de communication. Enfin, nos outils servent non seulement les communications internes aux entreprises mais également celles adressées à des partenaires, des clients ou des communautés.

 

Décideurs. Vous tissez des partenariats avec de nombreuses sociétés comme Dow Jones et McGraw Hill, quel est l’objectif ?

 

D. G. Les utilisateurs partagent avant tout de la donnée, c’est pourquoi ces partenariats avec des contents providers sont plus que stratégiques pour nous. Nous en avons plus de soixante-dix en préparation. Nous leur offrons un environnement d’interaction flexible et sécurisée. Ces collaboration vont également dépasser le domaine des données et des contenus. Avec Google, nous prévoyons en effet d’insérer sur la plate-forme des applicatifs comme Hangout ou Google Drive et sa suite bureautique. Ce seront les mêmes outils, la protection en plus.

 

Décideurs. Vous avez fait de la sécurité votre principale force. Comment la conciliez-vous avec la conformité ?

 

D. G. Notre système a été conçu dès le départ pour respecter les impératifs réglementaires. Une contrainte qu’il est beaucoup plus difficile d’intégrer ultérieurement. Concrètement, notre cryptage s’effectue à l’émission d’un message et la clé de déchiffrement n’est partagée qu’au destinataire. En ce qui concerne la conservation des informations, elle reste sous le contrôle des utilisateurs, ce qu’imposent les autorités de régulation.

 

Symphony en chiffres

- Créé en 2014
- Financements : 166 millions de dollars en deux tours auprès de Bank of America, Blackrock, BNY Mellon, Citadel, Citibank, Citigroup, Credit Suisse, Deutsche Bank, Goldman Sachs, Google, HSBC Bank, Jefferies Group, Lakestar, Maverick Capital, Merill Lynch, Merus Capital, Morgan Stanley, Natixis, Nomura, Société générale, UBS, Wells Fargo & Co.
- Valorisation de 750 millions de dollars
- Chiffre d’affaires de 5,5 millions de dollars (septembre-novembre 2015)
- Plus de 50 000 utilisateurs
80 % d’utilisateurs payants

 

Décideurs. Le développement d'une technologie en open source ne vous fragilise-t-il pas ?

 

D. G. Au contraire, c’est une garantie pour nos clients. Ouvrir notre code est la meilleure manière de démontrer qu’il n’y a pas de back door, de failles dans lesquelles Symphony ou bien une entité malveillante pourraient s’infiltrer. Les seules choses qui restent inaccessibles sont les clés de chiffrage.

 

Décideurs. Cette transparence technologique impacte-t-elle votre business model ?

 

D. G. Nous sommes extrêmement compétitifs, ce qui nous autorise à opérer sur un modèle freemium. Certaines fonctionnalités sont accessibles gratuitement et nous proposons l’intégralité de nos services pour quinze dollars par utilisateur par mois. Cela n’est pas prêt de changer. Notre objectif est de démocratiser la communication sécurisée. Elle n’est pas réservée à une élite.

 

Décideurs. Un grand nombre de vos soutiens sont des institutions financières, quelles sont vos relations avec elles ? En quoi est-ce différent d’un venture capitalist ?

 

D. G. Ce sont des partenaires effectivement très différents des investisseurs en capital-risque classique. Avec les banques, nous avons un engagement très « serré ». Elles sont très proches de nous et très exigeantes mais elles connaissent parfaitement notre marché car ce sont nos premiers clients. Grâce à elles, nous n’avons pas eu besoin de passer par l’étape de la proof of concept. Leur intérêt certifiait qu’il existait un marché pour une offre de communication intégrée et sécurisée. C’est un risque énorme en moins. Cela nous a permis d’aller beaucoup plus vite que la plupart des start-up et de nous concentrer exclusivement sur le développement de notre produit.

 

Décideurs. Votre image de challenger de Bloomberg vous colle à la peau. Correspond-elle vraiment à vos ambitions ?

 

D. G. Nous nous sommes initialement intéressés au secteur financier car c’est celui qui définit la norme sur notre marché. C’est là que les exigences tant réglementaires que sécuritaires sont les plus élevées. Convaincre les banques et les fonds nous assurent d’être pertinents sur d’autres marchés. Notre objectif est d'offrir un nouveau standard de communication en entreprise. Nous discutons d'ailleurs avec des acteurs de la santé, de l’audit, du conseil et même avec certains organismes gouvernementaux.

 

Décideurs. Quels sont vos objectifs pour 2016 ? 

 

D. G. L’année 2016 sera bien remplie. Nous allons investir massivement dans notre technologie et notre développement commercial. Nous visons en priorité la région Asie-Pacifique où nous avons déjà deux bureaux à Hongkong et Singapour. Des ouvertures auront lieu rapidement au Japon et en Australie. L’Amérique du Sud et le Moyen-Orient devraient suivre au second semestre. Le projet de création d’un centre de R&D en France me tient également à cœur. Pour l’instant, nous étudions encore les détails pratiques et commençons à discuter avec les autorités. Notre décision sera arrêtée mi-2016. En ce qui concerne notre chiffre d’affaires – 5,5 millions de dollars depuis septembre –, nous devrions le multiplier par deux au moins. Côté ressources humaines, nous recherchons des talents. Nous serons bientôt 150 et espérons compter 250 collaborateurs à la fin de l’année prochaine.

 

JHF

 

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