Les Galeries Lafayette se sont associées au célèbre accélérateur américain Plug and Play depuis 2016. Objectif : Accélérer chaque année une vingtaine de start-up de l’habillement, entre autres, pour que Paris reste la capitale de la mode.

Décideurs : Pourquoi les Galeries Lafayette se sont-elles associées à Plug and Play ?

Florent Detroy. L’idée de départ, c’était d’être un accélérateur multi-corporate. Toutes les entreprises partenaires de l'accélérateur, comme Kiabi ou Carrefour, viennent du e-commerce ou du retail. Le propos est de réunir les start-up les plus innovantes du secteur, afin de donner accès à l’innovation à nos partenaires.

Qu’apporte de spécifique l’accélérateur Plug and play ?

Nous nous adressons d’abord à des industries particulières. Dans le monde, Plug and Play a ouvert 23 accélérateurs. Chacun est centré sur un sujet précis, comme la mode et le RSE à Amsterdam, ou l’ingénierie à Stuttgart. L’autre point distinctif, c’est d’être multi-corporate.Un incubateur ou un accélérateur créé par une seule entreprise par exemple, nous savons désormais que ce modèle ne marche pas. Il demande souvent des exclusivités sur les innovations des start-up, ce qui freine leur développement. Et si l’incubation échoue, cela donne une très mauvaise indication aux marchés. Ces structures sont des broyeurs de start-up. Je crois à l’inverse au concept de l’open innovation, où plusieurs grands groupes travaillent ensemble au sein d’un même accélérateur. Leurs concurrents sont les mêmes, ce sont les plateformes de e-commerce. C’est dans leur intérêt de se regrouper.

Quel type de start-up accueillez-vous ?

Nous avons une société qui propose par exemple des technologies proches de celles d’Amazon Go. L’utilisateur s’identifie en entrant dans un magasin. Après avoir pris les articles qui lui conviennent, ils sont ensuite détectés automatiquement à sa sortie du magasin. Le client n’a plus besoin de passer par la caisse. C’est un parcours sans couture. Plusieurs start-up sont positionnées sur ce marché dans le monde, et la France compte une de ces start-up.

Comment le processus de sélection des start-up fonctionne-t-il ?

Deux fois par an, nous faisons un appel à candidature auprès de nos partenaires. Une équipe recueille leurs besoins, puis parcourt le monde pour identifier les start-up les plus intéressantes. Nous sélectionnons près de 200 start-up. Les partenaires nous font remonter ensuite leur intérêt pour telle ou telle d’entre elles, pour n’en retenir que 15 ou 20 au final. Elles nous rejoignent pour trois mois d’accélération.

Trois mois, les délais d'accélération sont courts…

C’est court si nous parlons d’incubation. Mais c’est long si nous parlons d’accélération. L’idée, c’est avant tout d’être une plateforme de rencontres de favoriser les interactions. Les grands groupes sont sollicités des centaines de fois par an par des start-up qui leur promettent la lune. Avec nous, ils rencontrent celles qui correspondent tout de suite à leurs besoins. Ils viennent aussi chercher de l’échange autour de leur métier. Pour les start-up, notre mission est de remplir leur pipe commercial, en leur ramenant des clients potentiels.

"Les grands groupes sont sollicités des centaines de fois par des start-up qui leur promettent la lune”

Quel bilan faites-vous après 2 ans d’existence ?

Coté start-up, 72 ont été accélérées. Une seule a fermé depuis son passage chez nous. En termes de business,188 rencontres ont été organisées, et 43 PoC (Proof of Concept) réalisées. Le point positif est que nous recevons de plus en plus de candidatures, dont la moitié proviennent de l’international. Côté corporate, nous avons une dizaine de partenaires. Le groupe Richemont nous a rejoint récemment.

Le secteur de la mode et du luxe est-il enfin à l’aise avec le numérique ?

Oui, il y a une prise de conscience. Ils étaient dans leur château fort auparavant, mais ils ont fini par admettre que les consommateurs commencent à changer. Les futurs clients sont les millennials d’aujourd’hui. Il faut savoir les faire rêver. Ces entreprises étaient jusque-là très centrées sur leur marque. Aujourd’hui, elles comprennent qu’elles doivent être customer-centric.

Comment digitalisent-elles leur stratégie ?

Plusieurs leviers possibles. Sur les produits développés d’abord, en les customisant, en modifiant la façon de les vendre, en travaillant sur le marketing… Il y a aussi la problématique de l’expérience client, avec le “retailtainment”. Il faut aussi s’adapter au changement des modes de consommation, qui touche aussi l’habillement. Même si nous nous appelons les Lafayette Plug and play, nous ne sommes pas positionnés uniquement sur l’habillement. Nous traitons également la seconde vie des produits par exemple.

Votre groupe a-t-il pour objectif de retenir les acteurs innovants de la mode, afin de renforcer le poids de Paris dans l’univers de la mode ?

Oui, nous adressons des sujets de e-commerce et de production, mais aussi des problématiques de relocalisation de la production en France.

Les start-up sélectionnées restent-elles à Paris à l’issue de leurs 3 mois d’accélération ?

Oui, la plupart ouvrent des bureaux à Paris à l’issue de leur passage chez nous.

 

Propos recueillis par Florent Detroy (@florentdetroy)

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