Beaux livres, romans, essais, BD... La Rédaction de Décideurs vous présente ses coups de cœur littéraires du mois. Des ouvrages qui peuvent trouver leur place au pied du sapin...

Tesson au Tibet

« Tesson, je poursuis une bête depuis six ans, elle se cache sur les plateaux du Tibet » « Qui est-ce ? » « La panthère des neiges, une ombre magique » « Je pensais qu’elle avait disparu » « C’est ce qu’elle fait croire ». Immédiatement après ce dialogue avec son ami Vincent Munier, célèbre photographe animalier, Sylvain Tesson fait ses bagages et suit un petit groupe composé de l’artiste, de sa compagne et d’un philosophe. Attendre, tapi dans le froid, l’apparition d’un animal d’une grande beauté et en voie d’extinction inspire l’écrivain voyageur qui nous livre son meilleur ouvrage, très justement couronné du prix Renaudot. Philosophe lorsqu’il s’interroge sur le « progrès destructeur », contemplatif lorsqu’il se ­remémore son passé amoureux, enchanteur lorsqu’il nous décrit la faune sauvage, l’auteur nous fait surtout rêver. On le suit dans les bivouacs, sur les crêtes et dans les steppes. Et l’on se prend d’envie de faire partie de l’équipée. Du grand Tesson.

La Panthère des neiges, de Sylvain Tesson, Gallimard, 176 pages 18 euros

Corto Maltese, naissance d’un mythe

En 1967, Corto Maltese apparaît pour la première fois, crucifié et flottant dans le Pacifique. Comment celui qui se définit comme un gentilhomme de fortune s’est-il retrouvé en si fâcheuse posture ? Réponse dans cette aventure qui nous emmène de Tasmanie aux îles indonésiennes. On y retrouve l’ambiance poétique et indolente propre à l’univers d’Hugo Pratt. Bien entendu, Raspoutine est de la partie et côtoie des personnages mystérieux : un rajah blanc, des moines étranges, des contrebandiers et des indigènes, un peu pirates sur les bords. Une réussite.

Corto Maltese, Le jour de Tarowean, de Juan Diaz Canales et Anne-Marie Ruiz, Casterman, 75 pages, 16 euros

Invitation au voyage

Du quartier du Palais-Royal à celui des Halles, des grands boulevards à Montmartre, ce livre est une promenade. Une invitation à musarder à travers les époques et les quartiers, à la découverte d’un Paris gourmand et historique avec, comme points d’étape, une immersion dans ces lieux mythiques que sont les vieux restaurants de la ville. Il y a ainsi Le Grand Véfour et Lapérouse avec ses boiseries foncées et ses cabinets particuliers ; Le Train Bleu, sa grande salle dorée et ses ornements en acajou sculpté et la brasserie Mollard, à l’extraordinaire verrière et aux piliers de marbre ornés d’émaux et de mosaïques. Changement d’ambiance lorsqu’au détour d’une page, on quitte la haute pour une ambiance plus canaille. Nous y attendent Le Cochon à l’Oreille avec sa salle Belle époque et ses ­panneaux en carreaux de céramique aux intitulés qui font ­rêver – « Les halles après le coup de cloche », « Les Halles le matin devant l’église St Eustache » –, les cabarets bohèmes de Montmartre et le Bouillon Chartier du boulevard avec ses meubles de métier numérotés et ses serviettes d’habitués… Au fil des pages et des photos – toutes sublimes… –, c’est tout un Paris disparu qui ressurgit, gouailleur ou raffiné selon les quartiers, chargé d’histoire et plein de vie. Une merveille.

Restaurants historiques de Paris, de Denis Saillard et Françoise Hache-Bissette, éditions Citadelles & Mazenot, 251 pages, 79 euros

Zombies sur Seine

Un an après une épidémie zombie, une base militaire isolée est encore active dans le Val d’Oise. Seul vestige de l’humanité ? Pas sûr. Des images satellites détectent des survivants dans Paris. Le capitaine Franck Masson est largué sur la capitale pour prendre contact avec eux. Montmartre, Buttes-Chaumont, Ile de la Cité. Trois communautés parfois hostiles que tout oppose. Si les romans post-apocalyptiques sont nombreux, celui-ci se distingue par son style proche de la Robinsonnade et sa description précise de la Ville-Lumière. Le lecteur observateur pourra également reconnaître quelques personnalités connues. Si Jean-Luc Reichmann et Michou en prennent pour leur grade, Yann Tiersen et Pierre Rabhi sont présentés sous un jour plus favorable…

Nécropolitains, de Rodolphe Casso, Critic, 879 pages, 25 euros

Les dessous du pouvoir 

Il y eut d’abord le comte d’Évreux qui y installa sa maîtresse, puis La Pompadour qui y approvisionna Louis XV en « jeunes créatures ». Il y eut les « petites impératrices » de Napoléon III, les cocottes des ministres, les liaisons des présidents… C’est cette double vie du Palais de l’Élysée, de tout temps à la fois lieu de pouvoir politique et de passions libertines, que l’historien Jean ­Garrigues raconte dans Une histoire érotique de l’Élysée. Un ­récit passionnant où se mêlent anecdotes savoureuses et fresque historique, dans lequel l’auteur déroule, sur trois siècles, les « plaisirs incomparables de l’amour au sommet de l’État ».

Une histoire érotique de l’Élysée, de la Pompadour aux paparazzi, de Jean Garrigues, éditions Payot, 202 pages, 18,90 euros

Nouvelle vague

À l’approche des années 1920, un courant artistique d’un genre inédit déferle sur l’Europe et les États-Unis. Lignes épurées et courbes élégantes, l’Art Déco vient bousculer les ­codes de l’esthétisme dans tous les ­domaines de la vie : de la peinture à l’architecture en passant par la mode, la sculpture, la joaillerie, le mobilier et même le graphisme industriel… C’est un panorama de cette influence aux multiples expressions que cet ouvrage, richement illustré, invite à découvrir. À feuilleter sans modération

Art Déco, de Markus Hattstein, éditions Place des Victoires, 479 pages, 39,95 euros

L’homme et le peintre

C’est un ouvrage exceptionnel. Signé du spécialiste du maître, Martin Kemp, ­publié chez Citadelles & Mazenot, le pape du Beau-Livre, et somptueusement illustré, Léonard de Vinci retrace la vie du peintre dans une démarche à la fois artistique et scientifique destinée à n’omettre aucun des nombreux domaines pour ­lesquels ce touche-à-tout de génie se ­passionna au cours de sa vie : sciences de la vie et de la terre, mais aussi architecture, mécanique, ­mathématiques… De cette ­curiosité sans limites témoignent une multitude de croquis tels que celui de la machine ­volante« avec levier pour actionner les ailes », du « dispositif hydrotechnique » imaginé comme un moyen de transporter l’eau, ou encore du « projet d’un canal de dérivation de ­l’Arno ». Et c’est ce foisonnement de schémas et d’études qui, rassemblés aux côtés de ses œuvres les plus célèbres, comme La Dame à l’hermine, La Vierge aux rochers ou La Belle Ferronnière, fait la richesse de l’ouvrage en ce qu’il révèle de l’homme autant que de l’artiste. À ­demander à Noël, en croisant les doigts.

Léonard de Vinci, de Martin Kemp, éditions Citadelles & Mazenod, 517 pages, 199 euros

Le temps des mutations

L’Empire romain a péri sous les coups de boutoir des Barbares. Cette vision connue du grand public est de plus en plus contestée par certains historiens qui privilégient le terme de mutation. Celle-ci aurait commencé sous le règne de Caracalla qui a accordé la citoyenneté à tous les habitants libres de l’Empire et aurait pris fin sous le règne du roi goth Théodoric qui régnait comme un Romain sur l’Italie. Art, politique, culture, urbanisme : cet ouvrage de référence s’oppose de manière ­érudite mais pédagogique à la vision du « déclin ». Éclairant. 

Rome la fin d’un Empire, de Caracalla à Théodoric, de Catherine Virlouvet (dir) Claire Sotinel, Joel Cornette, Belin, 688 pages, 49 euros

Caroline Castets, Lucas Jakubowicz

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