La crise sanitaire a mis en lumière forces et faiblesses de la production pharmaceutique mondiale. Les appels, légitimes, à sa relocalisation en France et en Europe ont été entendus par le gouvernement.

Le ministre de la Santé, Olivier Véran, et la secrétaire d’État au ministère de l’Économie, Agnès Pannier-Runacher, ont présenté hier, jeudi 18 juin, les premières mesures pour la relocalisation des industries de santé, à l’issue d’une réunion du Comité stratégique de filière (CSF). Une enveloppe de 120 millions d'euros sera ainsi consacrée au déploiement de nouvelles lignes de production dans l’Hexagone. Un "appel à manifestation d’intérêt" a également été lancé afin "d'identifier les projets d'investissements qui permettront de faire croître très rapidement la production de médicaments impliqués dans la prise en charge des patients atteints de la Covid-19".

Le paracétamol, une dépendance à risque

Le paracétamol, dont l'approvisionnement a connu d'inquiétantes tensions au plus haut de la pandémie, est la première molécule visée par le plan. Dès le début de l’épidémie, les autorités ont en effet recommandé aux malades de prendre le fameux antalgique en cas de fièvre. Doliprane, Efferalgan et Dafalgan ont rapidement été pris d'assaut dans les pharmacies, faisant craindre une pénurie générale. Un comble pour la France alors que le Doliprane, vendu par Sanofi, est fabriqué en France, tout comme l’Efferalgan et le Dafalgan par Upsa.

Les usines françaises dépendent exclusivement des approvisionnements étrangers de paracétamol, essentiellement chinois, pour assembler leurs médicaments.

Les usines ont d’ailleurs tourné à plein régime, malgré le confinement, démontrant la très forte capacité d’adaptation de l’industrie pharmaceutique. Cependant, elles dépendent aujourd’hui exclusivement des approvisionnements étrangers de paracétamol, essentiellement chinois, pour assembler leurs médicaments. La dernière unité de production française ayant fermé ses portes en 2008.

Corriger les erreurs du passé

C’est finalement une marche arrière que le gouvernement amorce aujourd’hui. "Des travaux sont engagés avec Seqens, Upsa et Sanofi pour que, d’ici à trois ans, la France soit en mesure de reproduire, conditionner et distribuer du paracétamol", annoncent Olivier Véran et Agnès Pannier-Runacher. Une opération qui pourrait bien être couronnée de succès. Des financements sont sur la table. Surtout, les industriels ont bien compris les enjeux de la souveraineté pharmaceutique et reconnaissent en même temps que le gain de compétitivité lié aux importations s’érode. Produire en Chine aujourd’hui ne coûte à l’industrie qu’un tiers moins cher qu’en France, contre 50 % il y a dix ans.

Produire en Chine aujourd’hui ne coûte à l’industrie qu’un tiers moins cher qu’en France, contre 50 % il y a dix ans.

Selon le gouvernement, le paracétamol n'est qu’un "premier exemple" de cette démarche de relocalisation. Le CSF, qui compte nombre d’industriels, a été chargé simultanément d’"élaborer un plan d’action qui reposera sur le recensement de projets industriels pouvant faire l’objet de relocalisations". Il devra notamment tenir compte "de leur faisabilité socioéconomique" et de leur impact environnemental et social. Le plan vise en outre à "renforcer les capacités de recherche de solutions thérapeutiques" contre le coronavirus, en France et dans le cadre d’une coopération européenne.

Les projets des laboratoires Abivax, Innate Pharma, Inotrem, Osivax, Xenothera et Genoscience ont été retenus, qu’il s’agisse de stratégies thérapeutiques ou d’approches technologiques. Ils bénéficieront d'un soutien à hauteur de 78 millions d'euros en 2020.

Une compétition internationale

Mais la France devra aussi jouer des coudes face aux autres pays européens, qui mènent aussi des politiques de relocalisation. L’Allemagne et l’Italie ont déjà présenté des plans ambitieux. Les États-Unis aussi sont bien décidés à réduire leur dépendance vis-à-vis de la Chine. "Nous ramènerons toute la chaîne d'approvisionnement. Personne n'a à me dire de le faire, j'en parle depuis des années", a assuré Donald Trump, lors d’une interview accordée à CNN. Tout en ajoutant : "Il ne s'agit pas seulement de la Chine. Regardez l'Irlande, ils fabriquent aussi nos médicaments. Tout le monde fait nos médicaments, sauf nous."

L’Allemagne et l’Italie ont déjà présenté des plans ambitieux.

Si elle est essentielle, la relocalisation de la production d’anciens médicaments en France ne doit par ailleurs pas faire oublier les défis pour l’avenir. En 2017, sur 97 nouveaux médicaments autorisés sur le marché européen, seuls six sont produits dans l’Hexagone, selon le principal syndicat du secteur (Leem). Et entre 2012 et 2017, seulement deux biomédicaments autorisés en Europe ont été fabriqués sur le territoire.

Fabien Nizon

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