Les méthodes classiques d’optimisation de production ont atteint leurs limites. La digitalisation complète de l’industrie permet de tester de nouvelles approches dans le virtuel, simuler des hypothèses disruptives avant de les appliquer dans le réel. Cela permet de renverser la table sans faire de casse. Nos industriels peuvent ainsi revoir l’ensemble de leurs pratiques dans une période où la résilience, l’impact carbone et la concurrence poussent inéluctablement à une réindustrialisation locale. Il faut profiter de ce momentum pour tirer toute la puissance des nouvelles technologies et de la smart industrie dont le métavers industriel est un levier.

 Le digital twin ou jumeau numérique est la première brique du métavers industriel. Lorsqu’il est connecté en temps réel à la chaîne de production ou au produit physique. Lorsqu’on y adjoint la collaboration des différents métiers, la puissance de l’intelligence artificielle et de l’IA Générative, cet outil accélère la conception des produits, permet de simuler différentes configurations, d’anticiper des changements dans les chaînes de fabrication ou de raccourcir les cycles de production. Sa visualisation photo réaliste (High Quality Rendering) en réalité augmentée ou virtuelle rend désormais tangible la simulation dans le virtuel. On dispose dès lors d’une machine à voyager dans le temps qui permet de trouver la cause racine d’un incident dans le passé, de simuler une évolution dans le futur ou encore de prendre le rôle de control tower dans le présent. Dépasser les limites de l’organisation et des cycles pour maximiser l’efficience opérationnelle ne se résume pas à mettre en place une control tower.

Pour cela, il est impératif d’adopter une approche collaborative et interopérable en l’ouvrant à toutes les parties prenantes de l’entreprise – sous-traitants, fournisseurs, partenaires voire clients – mais également aux différents métiers en interne même si cela impose de casser de nombreux silos.

Les gains potentiels sur ce segment en pleine évolution sont considérables 

Cette collaboration interfonctions va permettre de réduire les cycles de conception, de manufacturing des produits, d’après-vente et même de marketing afin d’accélérer le time to market. Cette complémentarité permet dans un même outil d’analyser les différentes composantes du système industriel :
- Simuler le comportement et l’évolution de l’outil de production : corrosion, vétusté, évolution des conditions environnementales, etc. ;
- Planifier des grands chantiers pour prolonger la durée d’exploitation des installations ou travailler les processus pour gagner en efficience opérationnelle ;
- Mais aussi prévoir et mesurer l’impact du premier sur le second et inversement. Cela revient à "agiliser" les processus pour collaborer en temps réel entre les différents métiers comme cela a déjà été fait dans l’IT en créant les outils nécessaires. Le métavers industriel devient maintenant la plateforme DevOps de l’industrie.

Traçabilité, partage de valeur et maîtrise du patrimoine numérique

La vision écosystémique du métavers industriel permet de partager de manière sécurisée et traçable les données de l’entreprise pour faciliter la conception, la production et la maintenance des produits. Pour les industriels, le développement du métavers offre une véritable plateforme d’échanges et de collaboration pour améliorer l’efficacité opérationnelle. Cet espace collaboratif répond également aux enjeux de traçabilité et de partage de la valeur entre les parties prenantes en valorisant, voire en monétisant, l’utilisation des actifs et des contenus numériques de chacun. Un sous-traitant ou un fournisseur peut, par exemple, intégrer les modèles 3D de ses pièces détachées dans le référentiel de son client et être rétribué pour chaque utilisation.

Servir la circularité et la sustainability en capitalisant sur l’existant

À l’heure ou 78 % des Français se mobilisent en faveur d’une consommation plus responsable, optimiser le réemploi et le retrofit pour la conception de nouveaux produits ou la rationalisation du catalogue est facilité par l’utilisation des IA et des IA génératives nourries par le patrimoine de l’entreprise (modèles 3D de produits existants, études de design et prototypes). Agréger les données collectées grâce à la connectivité OT/IT des chaînes de production avec les données 3D des produits et environnements de production va nourrir les modèles de simulation boostés par l’IA. La finalité est de réduire la consommation énergétique et de matières en :
- Entraînant les robots pour limiter les gestes et les déplacements ;
- Reconfigurant l’usine pour la rendre plus efficiente ;
- Offrant des postures de travail et des activités plus soutenables pour les opérateurs.

Réalisme du virtuel et usage de l’IA/GenAI pour rationaliser les coûts

Le réalisme de l’univers virtuel permet d’engager l’ensemble des interlocuteurs. Les opérateurs peuvent accéder à leur futur environnement de travail en virtuel avant même qu’il n’existe pour se former, s’entraîner et maximiser ainsi leur productivité. Ce réalisme permet également l´entraînement de l'IA à des situations hypothétiques simulées par la génération de données synthétiques aidant notamment à l'amélioration de la robotique, la conduite autonome (pas uniquement pour les voitures), la supervision des usines et leur sécurité. La maîtrise de ce patrimoine numérique alliée aux progrès des modèles d’IA ou d'IA génératives permet aussi d’envisager l’industrialisation des chaînes de production de contenus. Il est maintenant possible de générer directement, à partir des modèles 3D de conception, les médias marketing et d’en adapter la composition en fonction de la segmentation client, de la marque et de la localisation.

Réduire les risques par la simulation sur l’ensemble de la chaîne de valeur

La machine à voyager dans le temps et l’usage des "What-If scénarios" sont utilisés pour construire une supply chain plus durable et résiliente en intégrant l’analyse des signaux faibles exogènes pour répondre aux évolutions du contexte géopolitique. Mais ces scénarios doivent engager toute la chaîne de valeur :
- Travailler sur une évolution du design d’un produit en remplaçant un composant en rupture ;
- Simuler l’impact de cette évolution sur le manufacturing pour s’assurer de la capacité à produire en limitant l’impact sur la chaîne de production ;
- Étudier également l’impact sur la soutenabilité du produit ;
- Consolider les métriques de production de ces différentes variantes de design pour les benchmarkers ;
- Et, enfin, stocker la variante dans le jumeau numérique de l’article pour en assurer la traçabilité et la maintenance, si ce scénario est retenu et appliqué dans le réel.
Ces démarches de test & learn dans le virtuel vont contribuer à l’amélioration continue du monde réel. On cherche ici à maximiser le temps passé dans le virtuel pour atteindre l’objectif dès la première tentative dans le réel. Ainsi certains industriels appliquent déjà ces principes en validant et optimisant l’ensemble des processus d’une usine dans le virtuel avant même d’en lancer sa construction.

On cherche à maximiser le temps passé dans le virtuel pour atteindre l’objectif dès la première tentative dans le réel

En conclusion, les opportunités qu’offre le métavers industriel sont nombreuses. Dans un contexte économique et géopolitique en tension, il apporte de nouvelles réponses et complète les approches déjà engagées. Chaque étape du parcours priorisé doit répondre aux enjeux stratégiques de l’entreprise si elle veut en tirer des bénéfices tangibles. La mise en œuvre des premières briques technologiques doit être initialisée maintenant pour ensuite permettre d’affiner les cas d’usage, engager pleinement la transformation industrielle et constituer le patrimoine numérique pour nourrir les futurs modèles d’IA, euxmêmes générateurs de nouvelles opportunités. Les premières étapes du voyage vers le métavers industriel doivent commencer maintenant pour transformer notre industrie en smart industrie

 SUR L’AUTEUR
Avec vingt-deux ans d’expérience sur les technologies du Web et du mobile puis de la 3D et des nouvelles réalités, David Maurange a mené de nombreux projets dans l’industrie, la maintenance, l’énergie, le transport. Fort de cette expertise, il co-dirige aujourd’hui la vision du groupe Sopra Steria sur l’interaction digitale et le métavers. En tant que référent et Tech champion, il anime également les experts internationaux du groupe dans ce domaine et est en relation avec l’ensemble de l’écosystème sur ces sujets. David intervient en conseil et expertise auprès de nos clients pour porter ses convictions et les retours d’expérience dans une approche de cross-fertilisation.

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