Isabelle Balestra, directrice juridique de Keolis, analyse les challenges rencontrés depuis sa récente prise de fonction. 
Décideurs. Vous êtes arrivée à la tête de la direction juridique de Keolis en juillet 2013. Quels challenges vous y attendaient ?
Isabelle Balestra. Les raisons qui m’ont décidée à prendre les fonctions de directrice juridique chez Keolis sont nombreuses. Outre la feuille de route à l’international que propose le groupe, présent dans quinze pays, j’ai également été séduite par les challenges concernant son développement, la diversité des sujets juridiques à appréhender et l’optimisation de l’organisation du département en découlant. L’équipe est composée de vingt juristes en France et dix à l’étranger. Mes priorités, pour lesquelles j’ai eu carte blanche, ont été d’écouter mes collaborateurs et les opérationnels, de comprendre leurs attentes puis de trouver un schéma pertinent pour les guider au sein d’un pôle d’activité performant.
Au-delà de l’organisation interne au service, les relations avec le reste de l’entreprise sont aussi primordiales. En particulier, être juriste au sein des métiers projets tels qu’en propose Keolis demande avant tout d’asseoir sa légitimité auprès des opérationnels. Après une phase d’observation de six mois, j’ai mis en place un dispositif permettant d’orienter mon équipe vers la réalisation de ces objectifs.

Décideurs. À quels outils avez-vous recours au quotidien dans l’organisation de votre département ?
I. B. Plusieurs leviers ont été mis en place pour optimiser le fonctionnement du département. Il faut capitaliser sur le savoir-faire juridique et mettre en valeur les compétences et la légitimité des équipes au regard des objectifs de l’entreprise. La communication est pour cela essentielle : je suis très attentive à l’entretenir en interne par l’instauration de plates-formes favorisant le travail en équipe, l’identification de bonnes pratiques et, en externe, par la constitution d’un réseau avec les différents partenaires tant en France qu’à l’international. L’amélioration du legal knowledge management est l’un de mes chantiers d’avenir ! Nous suivons également de près le secteur de l’innovation et des nouvelles technologies qui présente d’importants enjeux notamment juridiques et un environnement réglementaire évolutif.
Autre outil de travail chez Keolis, le suivi des réformes législatives qui sont très denses dans le secteur des transports. L’entreprise ayant d’énormes projets relevant des marchés publics et services publics, nous y sommes très attentifs. Par exemple, le modèle de la délégation de services publics mis en place par la loi Sapin de 1993, qui fonctionne très bien en France et que l’on promeut à l’international, risque d’être remis partiellement en cause avec la nouvelle directive «concessions». De manière générale, c’est au département juridique de s’adapter et de proposer des solutions contractuelles créatives.

Décideurs. De la profession d’avocat à la direction juridique, comment votre expérience a-t-elle influencé votre vision actuelle du métier ?
I. B. Après avoir exercé comme avocate pendant dix ans, j’ai choisi de rejoindre le monde de l’entreprise se développant à l’international pour mieux répondre à ses contraintes, d’abord chez Bouygues Offshore/Saipem puis Vinci Construction Grands Projets. Travailler en équipe avec des opérationnels en mode projet a façonné mon appréhension du métier de juriste.
Il est essentiel de ne pas considérer le juriste d’entreprise comme le bras armé de l’opérationnel au service de l’exécutif, d’éviter son isolement en le cantonnant à une seule matière trop spécialisée. Au contraire, il faut assurer son indépendance intellectuelle et lui permettre de comprendre de manière globale les objectifs poursuivis par l’entreprise. Mon expérience m’a conduite à percevoir la direction juridique comme un département devant d’une part accompagner les opérationnels dans l’identification et la gestion des risques associés à leurs métiers tout en répondant à leurs besoins, et d’autre part préserver les intérêts du groupe (et notamment de la maison mère). C’est le modèle que j’ambitionne de mettre en place.
Plus globalement un directeur juridique doit acquérir une vision lucide des enjeux de son entreprise en allant sur le terrain à la rencontre des équipes et des clients afin de comprendre leurs problématiques. S’il sait se remettre en question pour toujours se challenger, il doit de plus être capable de se positionner pour défendre ses convictions : le directeur juridique est le gardien du temple qui défend la cause de son entreprise.

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