Par Alexandre Gadot, avocat associé, et Geoffrey Donat, avocat. Delrue Boyer Gadot
Fabricant, action en garantie des vices cachés et stratégie procédurale
Dans le cadre d’une action en garantie des vices cachés, et outre le fond du dossier, le fabricant et son assureur doivent être particulièrement attentifs aux différents délais d’action et de prescription applicables ainsi qu’à leurs points de départ, lesquels peuvent différer selon l’auteur et le moment de la réclamation.
La production industrielle de biens tant à destination des professionnels que des particuliers expose, par nature, les fabricants aux recours susceptibles d’être intentés à leur encontre sur le fondement de la garantie des vices cachés. De tels vices peuvent affecter un seul et unique produit comme affecter tout un lot. Ils peuvent résulter tant d’une simple défaillance accidentelle de la ligne de production que d’une erreur conception. Dans tous les cas le fabricant expose sa responsabilité, et l’assureur sa garantie, tant à l’égard de l’acquéreur final qui est très souvent un consommateur, utilisateur du produit, qu’à l’égard des différents revendeurs intervenus dans une chaîne de distribution.
Lorsqu’il est allégué qu’un vice caché aurait affecté un produit, le courtier, l’assureur, l’expert de compagnie d’assurance et l’avocat deviennent alors des acteurs actifs, aux côtés de la direction juridique de l’industriel, afin de gérer ce risque qui se matérialise par une réclamation de l’acquéreur final et/ou des différents revendeurs, par la voie d’une demande d’expertise judiciaire puis, le cas échéant, par une procédure au fond engagée devant les tribunaux.
Fondement de l’action en garantie des vices cachés
La Cour de cassation rappelle régulièrement que, dès lors qu’est allégué le défaut d’un produit vendu qui le rendrait prétendument impropre à sa destination, quelle que soit la qualification employée par le requérant (« non-conformité », « vice », « défaut », « défaillance », « dysfonctionnement »), celui-ci ne peut agir que sur le seul et unique fondement des dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil, ceci, à l’exclusion de tout autre. Il est ainsi essentiel de restituer l’exacte qualification juridique de l’action intentée, quel que soit le fondement invoqué par le demandeur (vices du consentement, défaut de délivrance conforme, responsabilité contractuelle…), ce dernier essayant fréquemment d’échapper au régime de la preuve particulièrement strict imposé par les dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil.
Point de départ de l’action en garantie des vices cachés
Une fois l’action engagée, le fabricant devra porter une attention particulière aux différents délais procéduraux qui s’imposent à l’acquéreur final comme aux différents revendeurs, leurs points de départ n’étant pas identiques.
En effet, le point de départ du délai d’action prévu par les dispositions de l’article 1648 du Code civil diffère selon qu’il s’agit de l’action directe de l’acquéreur final à l’encontre de son propre vendeur ou du fabricant lui-même, ou selon qu’il s’agit de l’action du vendeur à l’encontre de son propre fournisseur ou du fabricant. Dans l’hypothèse d’une action directe de l’acquéreur final contre le fabricant, le point de départ du délai d’action sera constitué par la date de la découverte du vice qui n’est pas nécessairement constituée par la date de la première réclamation mais bien souvent par le dépôt du rapport d’expertise judiciaire, les juridictions considérant régulièrement que seul ce dernier permet de prendre connaissance de l’ampleur du vice et de ses caractéristiques. Il n’en n’ira pas de même dans l’hypothèse d’une action récursoire du vendeur contre le fabricant, le point de départ du délai d’action étant alors constitué par la date de l’assignation au fond lui ayant été délivrée (Civ. I, 4 janvier 1979, Bull. civ. I n° 8, Com 15 décembre 1986, Bull. civ. IV n° 240, Civ. III, 20 octobre. 2004, n° Pourvoi 02-21576). Le requérant devra néanmoins veiller à engager son action dans le délai de prescription de droit commun, dans lequel s’insère le délai d’action de deux ans. L’acquéreur qui découvrirait l’existence du vice après le délai de prescription serait alors privé de toute action contre son vendeur ou le fabricant. Il est donc essentiel de bien distinguer le délai d’action du délai de prescription.
Durée des délais d’action et de prescription
Si antérieurement à l’ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005, l’action en garantie des vices cachés, quel que soit son auteur, devait initialement être intentée « à bref délai », celle-ci doit dorénavant être engagée dans un délai maximum de deux ans au titre des contrats conclus postérieurement à l’ordonnance précitée. Une fois ce délai biennal interrompu, la question se pose de la durée du nouveau délai de prescription qui s’engage, notamment lorsqu’un expert judiciaire a été désigné sur le fondement des dispositions de l’article 145 du Code de procédure civile. Avant l’entrée en vigueur de l’Ordonnance du 17 février 2005, il était considéré par la jurisprudence que, lorsque l’acheteur avait satisfait aux dispositions de l’article 1648 du Code civil en assignant son vendeur à « bref délai », c’était alors la prescription de droit commun qui avait, par la suite, vocation à courir (Civ I, 19 octobre. 1999, n° Pourvoi 97-14067). Depuis l’entrée en vigueur de la réforme des délais de prescription opérée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, la question se pose de la durée et du point départ de ce nouveau délai. Sur ce point, si les dispositions de l’article 2241 du Code civil prévoient que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription, les dispositions du nouvel article 2231 du même Code précisent désormais que cette interruption efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai « de même durée que l’ancien ». Il appartiendra à la jurisprudence de se prononcer sur la question de savoir si le nouveau délai qui s’ouvre est un nouveau délai d’action de deux ans ou bien un nouveau délai de prescription de cinq ans.
Suspension de la prescription
Concernant le point de départ de ce nouveau délai, les dispositions du nouvel article 2239 du Code civil prévoient désormais que la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès, ledit délai de prescription recommençant à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée. Il résulte de ces dispositions que, l’action engagée sur le fondement des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile produit un double effet. D’une part, cette action interrompt la prescription qui avait commencé à courir à compter de la livraison du produit. D’autre part, cette action suspend ce même délai, ceci, jusqu’au dépôt du rapport d’expertise date à laquelle un nouveau délai commence à courir. En ce sens, l’espoir de l’acquisition d’une éventuelle prescription, parallèlement à la poursuite des opérations d’expertise, est désormais vain.
La production industrielle de biens tant à destination des professionnels que des particuliers expose, par nature, les fabricants aux recours susceptibles d’être intentés à leur encontre sur le fondement de la garantie des vices cachés. De tels vices peuvent affecter un seul et unique produit comme affecter tout un lot. Ils peuvent résulter tant d’une simple défaillance accidentelle de la ligne de production que d’une erreur conception. Dans tous les cas le fabricant expose sa responsabilité, et l’assureur sa garantie, tant à l’égard de l’acquéreur final qui est très souvent un consommateur, utilisateur du produit, qu’à l’égard des différents revendeurs intervenus dans une chaîne de distribution.
Lorsqu’il est allégué qu’un vice caché aurait affecté un produit, le courtier, l’assureur, l’expert de compagnie d’assurance et l’avocat deviennent alors des acteurs actifs, aux côtés de la direction juridique de l’industriel, afin de gérer ce risque qui se matérialise par une réclamation de l’acquéreur final et/ou des différents revendeurs, par la voie d’une demande d’expertise judiciaire puis, le cas échéant, par une procédure au fond engagée devant les tribunaux.
Fondement de l’action en garantie des vices cachés
La Cour de cassation rappelle régulièrement que, dès lors qu’est allégué le défaut d’un produit vendu qui le rendrait prétendument impropre à sa destination, quelle que soit la qualification employée par le requérant (« non-conformité », « vice », « défaut », « défaillance », « dysfonctionnement »), celui-ci ne peut agir que sur le seul et unique fondement des dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil, ceci, à l’exclusion de tout autre. Il est ainsi essentiel de restituer l’exacte qualification juridique de l’action intentée, quel que soit le fondement invoqué par le demandeur (vices du consentement, défaut de délivrance conforme, responsabilité contractuelle…), ce dernier essayant fréquemment d’échapper au régime de la preuve particulièrement strict imposé par les dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil.
Point de départ de l’action en garantie des vices cachés
Une fois l’action engagée, le fabricant devra porter une attention particulière aux différents délais procéduraux qui s’imposent à l’acquéreur final comme aux différents revendeurs, leurs points de départ n’étant pas identiques.
En effet, le point de départ du délai d’action prévu par les dispositions de l’article 1648 du Code civil diffère selon qu’il s’agit de l’action directe de l’acquéreur final à l’encontre de son propre vendeur ou du fabricant lui-même, ou selon qu’il s’agit de l’action du vendeur à l’encontre de son propre fournisseur ou du fabricant. Dans l’hypothèse d’une action directe de l’acquéreur final contre le fabricant, le point de départ du délai d’action sera constitué par la date de la découverte du vice qui n’est pas nécessairement constituée par la date de la première réclamation mais bien souvent par le dépôt du rapport d’expertise judiciaire, les juridictions considérant régulièrement que seul ce dernier permet de prendre connaissance de l’ampleur du vice et de ses caractéristiques. Il n’en n’ira pas de même dans l’hypothèse d’une action récursoire du vendeur contre le fabricant, le point de départ du délai d’action étant alors constitué par la date de l’assignation au fond lui ayant été délivrée (Civ. I, 4 janvier 1979, Bull. civ. I n° 8, Com 15 décembre 1986, Bull. civ. IV n° 240, Civ. III, 20 octobre. 2004, n° Pourvoi 02-21576). Le requérant devra néanmoins veiller à engager son action dans le délai de prescription de droit commun, dans lequel s’insère le délai d’action de deux ans. L’acquéreur qui découvrirait l’existence du vice après le délai de prescription serait alors privé de toute action contre son vendeur ou le fabricant. Il est donc essentiel de bien distinguer le délai d’action du délai de prescription.
Durée des délais d’action et de prescription
Si antérieurement à l’ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005, l’action en garantie des vices cachés, quel que soit son auteur, devait initialement être intentée « à bref délai », celle-ci doit dorénavant être engagée dans un délai maximum de deux ans au titre des contrats conclus postérieurement à l’ordonnance précitée. Une fois ce délai biennal interrompu, la question se pose de la durée du nouveau délai de prescription qui s’engage, notamment lorsqu’un expert judiciaire a été désigné sur le fondement des dispositions de l’article 145 du Code de procédure civile. Avant l’entrée en vigueur de l’Ordonnance du 17 février 2005, il était considéré par la jurisprudence que, lorsque l’acheteur avait satisfait aux dispositions de l’article 1648 du Code civil en assignant son vendeur à « bref délai », c’était alors la prescription de droit commun qui avait, par la suite, vocation à courir (Civ I, 19 octobre. 1999, n° Pourvoi 97-14067). Depuis l’entrée en vigueur de la réforme des délais de prescription opérée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, la question se pose de la durée et du point départ de ce nouveau délai. Sur ce point, si les dispositions de l’article 2241 du Code civil prévoient que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription, les dispositions du nouvel article 2231 du même Code précisent désormais que cette interruption efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai « de même durée que l’ancien ». Il appartiendra à la jurisprudence de se prononcer sur la question de savoir si le nouveau délai qui s’ouvre est un nouveau délai d’action de deux ans ou bien un nouveau délai de prescription de cinq ans.
Suspension de la prescription
Concernant le point de départ de ce nouveau délai, les dispositions du nouvel article 2239 du Code civil prévoient désormais que la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès, ledit délai de prescription recommençant à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée. Il résulte de ces dispositions que, l’action engagée sur le fondement des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile produit un double effet. D’une part, cette action interrompt la prescription qui avait commencé à courir à compter de la livraison du produit. D’autre part, cette action suspend ce même délai, ceci, jusqu’au dépôt du rapport d’expertise date à laquelle un nouveau délai commence à courir. En ce sens, l’espoir de l’acquisition d’une éventuelle prescription, parallèlement à la poursuite des opérations d’expertise, est désormais vain.