Par Georges Morisson-Couderc, responsable de l’activité Private Client, et Stéphanie Chartier, avocat. Landwell
 Le temps des hésitations est révolu pour la régularisation des avoirs financiers détenus à l’étranger, l’évolution réglementaire française et internationale ne laisse plus d’alternatives aux contribuables et le temps presse pour se mettre en conformité. Le choix d’une fiscalité allégée nécessitera un changement de cadre de vie et une mobilité des personnes physiques et de leurs capitaux.

La lutte contre la fraude fiscale s’intensifie fortement à l’instigation de l’OCDE et du G20. Les rapports et auditions fustigeant les méfaits de la fraude et de l’évasion fiscale se multiplient de façon exponentielle au plan national et international (1). Certains entrepreneurs, HNWI (2) ou simples anonymes se font prendre dans ce mouvement international et il est aujourd’hui utopique de penser que ce mouvement n’est qu’une mode passagère. Le constat d’une certaine inefficacité des dispositifs en place et la faiblesse des actions punitives de nombre d’États rendent inéluctable la mise en place de procédures plus efficaces. L’échange automatique d’informations bancaires deviendra ainsi la règle pour un grand nombre de pays.

Dispositifs d’échange d’informations
L’OCDE, avec la convention multilatérale d’échange de renseignements, entend faciliter la coopération internationale pour l’application des législations fiscales. Cette coopération va ainsi de l’échange de renseignements au recouvrement des créances fiscales étrangères. Cette convention peut également prévoir un échange automatique d’informations. À ce jour, soixante-quatre pays ont signé la convention relative à l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale. De Singapour à la Colombie, en passant par la Chine et la Suisse, jusqu’à Montserrat, par l’extension territoriale du Royaume-Uni, le maillage se densifie fortement.
L’Europe est également très active et la Commission a proposé d’élargir l’échange automatique d’informations (3) entre les administrations fiscales. Cet échange concernerait, à compter de 2015, les revenus professionnels, jetons de présence, assurance-vie, pensions et revenus immobiliers. Il est proposé d’étendre l’échange automatique d’information aux dividendes, plus-values, et de façon générale, à tous les revenus financiers. La Commission propose également une approche internationale unifiée pour l’ensemble des pays de la zone en adoptant des normes communes en matière de partage d’informations. En France, la loi contre le blanchiment et la fraude fiscale adoptée le 5 novembre 2013 (4) accentue fortement les moyens mis à disposition de l’administration fiscale et vient compléter un arsenal de mesures des plus dissuasives (5).
La nouvelle loi vise à encore renforcer les pouvoirs d’investigation et de sanction de l’administration fiscale française. Il prévoit un durcissement des sanctions pénales en matière de fraude fiscale qui sont portées à 2 000 000?euros et 7 ans d’emprisonnement, le recours à des comptes bancaires ou des entités détenus à l’étranger constituant une circonstance aggravante. La loi permettra également à l’administration fiscale d’exploiter des informations d’origine illicite portées à sa connaissance en application des différents droits de communication dont elle dispose. Face à la surenchère de nouveaux dispositifs de lutte contre la fraude, certains pourront regretter le manque d’exploitation des outils existants. En effet, pour les années 2011 et 2012, ce sont 1 057 demandes d’informations qui ont été envoyées à près de vingt pays par les autorités françaises. Ce nombre peut sembler faible compte tenu des transactions effectuées avec les territoires considérés comme présentant une fiscalité privilégiée (1). Cependant, ce ne sont que 475 réponses qui ont été obtenues.

Droit de suite
Au plan international, les États se mettent au diapason et la situation de la Suisse est très significative de la rapidité de ces évolutions. En effet, après avoir annoncé le passage à une politique d’échange de renseignements en avril 2009, la Suisse s’est vue contrainte d’élargir ses règles de coopération en 2011 avant d’accepter d’appliquer le contenu des nouveaux commentaires OCDE en juillet 2012 et de signer, le 15 octobre 2013, la Convention multilatérale sur l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale. Ceci sans oublier la signature des accords FATCA avec les États-Unis qui est intervenue le 14 février 2013. Dans le même temps, l’instabilité fiscale chronique et l’augmentation permanente de la pression fiscale française créent, pour nombre de personnes physiques, une envie d’ailleurs certes regrettable mais incontestable. Des mesures spécifiques sont annoncées pour prévenir ces départs, et notamment à l’image de l’Allemagne, la création d’un droit de suite fondé sur la nationalité (6). En revanche, l’imposition mondiale basée sur la nationalité semble partiellement abandonnée, certains préconisent une imposition selon la nationalité associée à une renégociation des conventions fiscales pour les pays de destination les plus courus. Ces mesures qui suivraient l’Exit Tax semblent cependant insuffisantes pour limiter la liberté individuelle et ne constituent pas une réponse appropriée aux problématiques fiscales actuelles. Ces tentations sont d’autant plus importantes que l’offre fiscale internationale reste abondante. La concurrence fiscale entre États, pour les personnes physiques, n’a jamais été aussi présente. En effet, nombre de pays ont compris l’intérêt économique global d’accorder des privilèges spécifiques sur la fiscalité du patrimoine ou des hauts revenus à des catégories ciblées de contribuables. Il est, dans ce contexte, indispensable de trouver les bonnes mesures pour garder durablement les entrepreneurs et les créateurs de valeurs sur notre territoire.


1-Rapport d’information n° 1423 – Assemblée nationale du 9 octobre 2013 – Lutte contre les paradis fiscaux : si l’on passait des paroles aux actes
2-High Net Worth Individuals - OCDE : Enquête publique sur les HNWI – 2008
3-Communication de la Commission au Parlement européen et au et Conseil – Plan d’action pour renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale – 6 décembre 2012
4-Loi n° 2013- 1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière
5- Loi de finances rectificative décembre 2012 – Taxation
à 60?% des avoirs à l’étranger non déclarés, extension des délais de reprise, renforcement des moyens de contrôle…
6 -Rapport d’informations n° 1423 – Assemblée nationale
du 9 octobre 2013 – Proposition n° 41


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