Par Jean-Baptiste Allanic, avocat associé. Fromont Briens
Suppression de la provision pour investissement, hausse du forfait social, augmentation des cotisations sociales sur les attributions gratuites d’actions et les stock-options : les premières mesures du gouvernement introduites par la loi de finances rectificative pour 2012, adoptée le 31 juillet 2012, modifient en profondeur le régime de l’épargne salariale.

La campagne présidentielle de 2012 a notamment opposé deux modèles sur les thèmes du travail et de la rémunération. Alors que le quinquennat précédant s’achevait sur une logique de promotion du travail par des avantages en matière de rémunération et de contribution, l’opposition luttait contre les incitations fiscales et sociales au bénéfice d’une uniformisation des systèmes de rémunération. Au lendemain des élections, le gouvernement élu disposait d’un outil, la loi de finances rectificative, et d’un thème, l’épargne salariale, afin d’introduire ce nouveau modèle. Parmi les mesures du collectif budgétaire adopté le 31 juillet 2012, la suppression de la provision pour investissement, la hausse du forfait social et la hausse des cotisations sociales sur les attributions gratuites d’action et les stock-options modifient l’esprit de l’épargne salariale.

Suppression de la provision pour investissement
L’article 13 de la loi modifie l’article 237 bis A du Code général des impôts. Cette disposition permettait aux entreprises attribuant à leurs salariés une réserve spéciale de participation plus favorable que celle à laquelle ils avaient droit en application des dispositions légales, de déduire de leur résultat fiscal une partie de la fraction excédant la réserve spéciale de participation de droit commun. Cette provision devait être utilisée dans les deux ans à l’acquisition ou à la création d’immobilisations. À défaut, elle devait être réintégrée au bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés à l’expiration du délai. Étaient concernées par cette mesure les entreprises adoptant une formule dérogatoire de calcul de la réserve spéciale de participation, et les entreprises mettant volontairement en place un accord de participation malgré un effectif inférieur à 50 salariés. L’objectif de ce dispositif était d’inciter les entreprises à conclure des accords de participation sans y être légalement soumises, ou à verser une réserve spéciale de participation plus favorable en leur permettant de bénéficier d’une incitation fiscale et de favoriser leurs investissements.
Aux termes de la loi de finances rectificative pour 2012, la provision pour investissement cesse d’être déductible pour les exercices clos à compter du 1er août 2012. Les provisions précédemment constituées restent déductibles si elles sont utilisées dans le délai de deux ans à compter de leur constitution. L’exposé des motifs de la loi s’appuie sur un rapport rendu en 2011 par le Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales sévère à l’égard du dispositif considérant que la provision pour investissement était inefficace en termes d’incitation à l’investissement. Il n’en demeure pas moins qu’en supprimant cette incitation fiscale au bénéfice des entreprises, celles-ci s’interrogeront nécessairement sur l’intérêt de développer une épargne salariale plus favorable pour leurs salariés.

Hausse du forfait social
L’article 31 de la loi modifie l’article L. 137-16 du Code de la sécurité sociale. Cet article, introduit par la Loi de financement de la sécurité sociale pour 2009,
prévoit une contribution à la charge des employeurs, dite forfait social, assise sur les éléments de rémunération exclus de l’assiette des cotisations de sécurité sociale mais assujettis à la CSG. Parmi ces éléments, figurent les sommes versées au titre de l’épargne salariale (participation, intéressement, suppléments de participation et d’intéressement, PEE et Perco). Le taux du forfait social, initialement fixé à 2 %, a augmenté de deux points chaque année, jusqu’à atteindre 8 % en 2012. Néanmoins, l’augmentation introduite par la loi de finances rectificative pour 2012 est sans précédent puisque le taux du forfait social atteint désormais 20 %. Ce nouveau taux s’applique aux gains et rémunérations
versés à compter du 1er août 2012. L’objectif est ici encore d’éviter que l’épargne salariale ne concurrence le salaire par un régime social de faveur. L’exposé des motifs de la loi met d’autant plus cet objectif en avant que l’épargne salariale paraît concentrée dans les grandes entreprises et sur les salaires élevés, et s’oppose donc à la logique d’égalité et de justice sociale promue par le gouvernement. Ce nouveau taux, qui ne s’applique pas à la participation de l’employeur à la prévoyance complémentaire collective, demeure plus de deux fois inférieur au taux des cotisations patronales globales sur les rémunérations classiques. Néanmoins, les conséquences apparaissent inéluctables dans le contexte de crise actuelle : les entreprises réviseront à la baisse les mécanismes d’épargne salariale non obligatoires (intéressement, suppléments de participation et d’intéressement) sans pour autant augmenter les rémunérations des salariés afin de conserver une masse salariale globale équivalente.

Hausse du prélèvement sur les stock-options et les attributions gratuites d’actions
L’article 30 de la loi modifie les articles L. 137-13 et L. 137-14 du Code de la sécurité sociale. Ces derniers fixaient le taux des prélèvements sociaux patronaux sur les stocks options et les attributions gratuites d’actions à 14 %. La cotisation salariale, à laquelle les bénéficiaires étaient soumis à l’expiration de la période d’indisponibilité, était de 8 %. En outre, des taux spécifiques (respectivement de 10 % pour l’entreprise et 2,5 % pour les salariés) étaient applicables lorsque la valeur annuelle par salarié des attributions gratuites d’action était inférieure à la moitié du plafond annuel de la sécurité sociale. La loi augmente, sans distinction de la valeur des attributions, ces taux à 30 % pour la part patronale et 10 % pour la part salariale, dans un objectif d’égalité entre les salariés ayant accès à ces formes de rémunération, souvent les mieux payés, et les autres salariés. L’exposé des motifs souligne à cet égard la faible utilité de ces dispositifs en ce qu’ils n’auraient pas pour vocation de récompenser le travail et la production de valeurs, mais simplement d’accorder des avantages supplémentaires aux salariés les mieux lotis. Cette vision est déconnectée de la réalité des entreprises qui utilisent ces mécanismes de rémunération différée pour motiver et fidéliser leurs salariés. Ces mesures, dont le point commun est d’alourdir la taxation sur l’épargne salariale et de supprimer en partie son attractivité pour les entreprises et les salariés, sont le reflet d’une nouvelle logique. Au-delà même d’augmenter les recettes fiscales et sociales de l’État, ces mesures tendent à faire converger le régime social du salaire et celui des mécanismes d’épargne salariale.

Ces nouvelles mesures vont à l’encontre des incitations fiscales et sociales mises en œuvre par les gouvernements successifs depuis plus de quinze ans pour favoriser le développement des mécanismes d’épargne salariale dans les entreprises. Ces mécanismes seront nécessairement redéfinis dans les entreprises : si les grandes entreprises pourront absorber ces nouvelles mesures, la grande majorité des entreprises auront sûrement plus de difficultés à poursuivre leur politique de développement de l’épargne salariale… au risque d’accentuer encore plus les écarts existants entre les salariés des grandes entreprises et les autres.

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