Par Guillaume Marchais, avocat associé. Marchais & Associés
Le 11?mars 2014 a été adoptée la très importante loi n°?2014-315 dite de lutte contre la contrefaçon. Promulguée au Journal officiel du 12?mars 2014, après engagement de la procédure accélérée, cette nouvelle loi fait suite à une proposition déposée en septembre?2013 et renforce considérablement l’arsenal juridique de la lutte contre ce véritable fléau que demeure la contrefaçon.

La contrefaçon fait l’objet d’une lutte de tous les instants de la part des titulaires de droits de propriété intellectuelle, bien aidés par les pouvoirs publics qui ont pris la mesure de l’importance et l’étendue des réseaux de contrefacteurs et se sont donné les moyens de renforcer la lutte contre ce fléau. Une évolution, une révolution même, a eu lieu ces dernières années tant au niveau national qu’au niveau communautaire, avec notamment l’apparition de textes français renforçant l’arsenal répressif, le dernier en date étant la loi du 29?octobre 2007 qui avait profondément modifié le Code de la propriété intellectuelle et innové. Cette loi péchait par certaines imprécisions ou une harmonisation incomplète des procédures pour les différents droits de propriété intellectuelle, nuisant ainsi à l’objectif d’une lutte sans merci. À la demande des professionnels une clarification de la loi du 29?octobre 2007 s’imposait et le sénateur Richard Yung déposait une proposition de loi qui, après une procédure accélérée, était adoptée le 11?mars dernier. La loi du 11?mars 2014, modifiant en particulier le Code de la propriété intellectuelle et le Code des douanes, vise à muscler la lutte contre la contrefaçon au travers du renforcement, de l’amélioration et de l’harmonisation des règles existantes et prévoit notamment des mesures phare sur les points suivants :

Le renforcement des dédommagements civils
Le législateur a voulu clarifier et simplifier la fixation et l’attribution de dommages et intérêts à la victime de la contrefaçon. Le texte adopté prévoit une clarification du mode de calcul, en indiquant que les juridictions devront prendre en compte «?distinctement?» divers critères : les conséquences économiques négatives, le préjudice moral de la victime et les bénéfices réalisés par le contrefacteur «?y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que (l’auteur de la contrefaçon) a retirées de la contrefaçon?». Ce dernier point est très important, la volonté du législateur est clairement de renforcer la lutte en permettant de confisquer l’indu, à savoir le bénéfice réalisé par le contrefacteur, ce qui est une grande avancée. Les juges devront également distinguer chaque grief et chaque motif d’indemnisation, ce qui conduira les plaideurs à être plus précis, et les condamnations, à divers chefs, à être plus lourdes. Par ailleurs, en cas d’option pour indemnisation forfaitaire du préjudice par la juridiction la loi du 11?mars 2014 dispose que dans une telle hypothèse cette somme doit être «?supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte?». En outre, cette indemnisation forfaitaire n’exclut pas des dommages et intérêts complémentaires au titre de l’atteinte au droit moral. Tout ceci devrait clarifier et donc alourdir les dédommagements civils de la contrefaçon et, souhaitons-le, dissuader davantage encore les contrefacteurs.

La clarification et l’harmonisation des moyens de preuve de la contrefaçon
La nouvelle loi apporte deux améliorations particulièrement bienvenues, que les professionnels appelaient de leurs vœux pour renforcer l’efficacité de la lutte.
En premier lieu, des clarifications sont apportées au droit à l’information, introduit en droit français par la loi du 29?octobre 2007 mais qui peinait à trouver son efficacité en raison d’ambiguïtés de la loi de 2007 et de divergences d’interprétation des tribunaux. Cette procédure peut désormais être mise en œuvre par la juridiction saisie au fond comme en référé et avant même que la contrefaçon soit jugée au fond. De plus, les documents concernés ne seront plus limités mais porteront sur tout élément considéré comme pertinent par le juge dès lors que les informations portent sur les «?produits argués de contrefaçon?», ce qui devrait être très efficace.
En second lieu la procédure bien connue de saisie-contrefaçon est elle aussi optimisée, en supprimant les différences qui subsistaient entre le droit d’auteur et les logiciels et bases de données, d’une part, et les autres droits de propriété industrielle d’autre part. Les procédures sont désormais alignées, de même que la sanction du non-engagement d’une action en justice après saisie en matière de droit d’auteur. Cette harmonisation à l’ensemble des droits doit être saluée. Enfin, signalons que la saisie réelle de tout document relatif aux objets, produits, procédés ou services prétendus contrefaisants pourra être autorisée même lorsqu’aucun objet contrefaisant n’est trouvé sur les lieux.

L’harmonisation du délai de prescription
Le délai de prescription des actions civiles en matière de contrefaçon est désormais de cinq ans et non plus trois, pour tous les droits de propriété intellectuelle et industrielle, ce qui permettra évidemment de poursuivre davantage d’actes de contrefaçon. Des décrets préciseront les modalités d’application sous forme de dispositions transitoires.

Le renforcement des moyens d’action des douanes
Cette nouvelle loi comprend un grand nombre de dispositions concernant le rôle et les pouvoirs des douanes, qui depuis des années luttent très efficacement contre la contrefaçon. Cette loi vient en outre après un nouveau Règlement communautaire du 12?juin 2013, entré en vigueur le 1er?janvier 2014, concernant le contrôle, par les autorités douanières, du respect des droits de propriété intellectuelle.
La loi du 11?mars 2014 étend les compétences des douanes en matière d’infiltration et de «?coups d’achat?» à l’ensemble des marchandises contrefaisantes. Les actions contre les actes de contrefaçon des différents droits de propriété intellectuelle sont uniformisées. Ainsi, le transbordement, l’importation, l’exportation, l’utilisation et/ou l’usage et la détention sont, à compter de cette loi, prohibés pour chaque droit de propriété intellectuelle. Et les contrefaçons en matière de propriété littéraire et artistique, de brevets, d’obtentions végétales et d’indications géographiques sont désormais des délits douaniers. La procédure de retenue en douanes est également améliorée par ce texte et s’aligne sur la procédure de droit communautaire. Signalons enfin l’obligation pour les prestataires de services postaux et les entreprises de fret express de transmettre aux douanes les données relatives à l’identification des marchandises transportées et aux moyens
de transport.

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