Par Richard Renaudier et Marine Nossereau, avocats associés. Cabinet Renaudier
Difficultés d’identification d’opérations relevant du contrôle des concentrations
Certaines opérations relèvent du contrôle des concentrations alors que tel ne semblerait pas être le cas à première vue. Il est important de pouvoir les identifier en amont de leur réalisation, de manière à éviter leur remise en cause et des sanctions, à un moment où l’Autorité de la concurrence a annoncé une plus grande vigilance en la matière et où elle applique des sanctions de plus en plus lourdes.
L’Autorité de la concurrence (ADLC) a récemment affiché son souhait de poursuivre les entreprises qui omettraient de notifier une concentration (opération entre entreprises dont le chiffre d’affaires (CA) global > 150 M€ et dont le CA individuel d’au moins deux d’entre elles > 50 M€ en France, voire 15 M€ s’il s’agit de commerce de détail, hors particularités dans les DOM).
Dans ce cadre, et dans la continuité du Ministre de l’économie qui avait prononcé trois sanctions1 pour défaut de notification d’une concentration, l’ADLC a elle-même prononcé trois sanctions2 qui révèlent une aggravation des sanctions. Ces précédents démontrent la capacité de l’ADLC à détecter les opérations non notifiées qui ne lui sont pas spontanément avouées, à l’occasion de sa revue de presse ou de tests de marché dans d’autres procédures (Castel) ou lors de la notification d’opérations ultérieures (SNCF, Réunica, Bigard). Ils révèlent par ailleurs que les entreprises n’ont que rarement cherché à éviter la notification, mais qu’elles ont plus souvent mal analysé la situation – parfois très complexe – et se sont mépris sur la contrôlabilité de l’opération projetée, leur bonne ou leur mauvaise foi influant sur le montant de la sanction. Enfin, l’ADLC a profité de la décision Colruyt pour fixer à cinq ans la prescription de l’infraction, non prévue par la loi.
Il apparaît donc important de citer quelques exemples d’opérations atypiques susceptibles de relever du contrôle des concentrations :
Particularités dans le calcul des seuils
Une première erreur peut porter sur le CA de la cible car le CA en droit des concentrations ne couvre pas exactement la même notion qu’en droit fiscal ou en droit des sociétés et les données sur la cible ne sont pas toujours, au moment de la préparation du dossier, accessibles à l’acquéreur. Ainsi Pan Fish a-t-il pu croire que le CA figurant dans les comptes annuels publiés de la cible était de 38 M€ en France, alors qu’une fois traité conformément à la réglementation concentration, il était de 57,7 M€. Pan Fish a néanmoins été sanctionné pour négligence, pour ne pas avoir vérifié le chiffre donné. Une seconde erreur peut résulter de la prise en compte du CA des derniers comptes annuels publiés, sans «?corriger?» ce CA en conséquence d’une modification plus récente du périmètre de l'entreprise concernée. Ainsi Pan Fish n’atteignait pas les seuils en France en 2005 mais l’acquisition d’une nouvelle participation en France, début 2006, lui a imposé de corriger son CA du dernier exercice clos, le faisant passer le seuil de 50 M€. Une troisième erreur peut porter sur le CA à prendre en compte pour la détermination des «?petits seuils?», notamment en matière de commerce de détail, sachant que seul le CA résultant des ventes au détail doit être pris en compte pour déterminer le seuil
de 15 M€.
Prise de contrôle d’une cible composée de plusieurs entreprises, dont aucune n’atteint les seuils
Castel a essayé de tirer argument du fait qu’aucune des filiales du groupe Patriarche acquises n’avait un CA supérieur à 50 M€ en France. L’ADLC a rappelé que dès lors que ces filiales appartenaient au même groupe, leur CA devait nécessairement s’additionner.
Prise de contrôle successive de deux filiales d’un même groupe, dont aucune n’atteint les seuils
Situation dans laquelle A acquiert le contrôle d’une entreprise X, qui n’atteint pas les seuils de contrôle, puis acquiert dans un délai de moins de 2 ans, auprès du même vendeur, une autre de ses filiales Y. Les deux opérations successives sont notifiables lors de la seconde opération dès lors que l’addition du CA de X et Y permet le dépassement des seuils.
Prise de contrôle par deux entreprises d’une cible en deçà des seuils
Situation dans laquelle A et B prennent le contrôle d’une cible, dont le CA est < 50 M€ en France. On retient souvent que « la cible doit faire plus de 50 M€ en France ». Or, en l’occurrence, A et B étant des entreprises qui acquièrent un contrôle commun, elles sont toutes deux des entreprises concernées et, dès lors, si à elles deux elles atteignent les seuils, l’opération doit être notifiée, même si la cible n’atteint pas les seuils.
Prise de participation minoritaire contrôlante
A peut également être surprise de constater qu’elle est obligée de notifier une opération par laquelle elle prend, dans le capital d’une entreprise B, une participation très minoritaire, voire une seule action, mais assortie de prérogatives particulières. Tel est le cas notamment lorsqu’un franchiseur prend dans le capital d’un franchisé une action et que, parmi d’autres contraintes, celle-ci lui permet de s’opposer, pendant une durée très longue, à toute sortie du réseau par changement d’enseigne du franchisé. Ce risque d’erreur est d’autant plus fort que dans le secteur du commerce de détail le petit seuil est de 15 M€.
Prise de contrôle résultant de modalités complexes ou purement contractuelles
Certaines opérations sont complexes et réalisent des intégrations alors qu’il ne s’agit pas de rachats de sociétés purs et simples. Ainsi par exemple, la fusion de mutuelles peut résulter de l’adhésion d’une mutuelle à l’association sommitale de l’autre. Bien que complexe, cette situation a été qualifiée par l’ADLC de courante dans le secteur et ne l’a pas incitée à plus de clémence (Réunica). Autre exemple, la conclusion d’un contrat de distribution exclusive pour une durée très longue peut à elle seule conférer au distributeur exclusif A le contrôle du producteur B3. Dès lors, c’est la conclusion d’un contrat qui peut déclencher l’obligation de notification si A et B franchissent les seuils.
Prise de contrôle par augmentation d’une participation minoritaire
Dans l’affaire SNCF, c’est l’augmentation du montant d’une participation minoritaire (de 38,63?% à 49,02?%) qui a été considérée comme entraînant une prise de contrôle notifiable, compte tenu de l’éparpillement du reste
du capital.
Particularité concernant les entreprises en redressement judiciaire
Lors du rachat d’actifs ou d’un fonds de commerce d’une entreprise en redressement judiciaire, la procédure impose aux candidats de déposer une offre ferme, qui ne soit pas conditionnée par l’autorisation de l’ADLC. Certains ont pu en déduire qu’ils pouvaient omettre de notifier (Bigard), alors que les textes prévoient la possibilité de demander une dérogation pour réaliser l’opération sans attendre la décision sur le fond de l’ADLC, mais pas une dispense de notification.
L’Autorité de la concurrence (ADLC) a récemment affiché son souhait de poursuivre les entreprises qui omettraient de notifier une concentration (opération entre entreprises dont le chiffre d’affaires (CA) global > 150 M€ et dont le CA individuel d’au moins deux d’entre elles > 50 M€ en France, voire 15 M€ s’il s’agit de commerce de détail, hors particularités dans les DOM).
Dans ce cadre, et dans la continuité du Ministre de l’économie qui avait prononcé trois sanctions1 pour défaut de notification d’une concentration, l’ADLC a elle-même prononcé trois sanctions2 qui révèlent une aggravation des sanctions. Ces précédents démontrent la capacité de l’ADLC à détecter les opérations non notifiées qui ne lui sont pas spontanément avouées, à l’occasion de sa revue de presse ou de tests de marché dans d’autres procédures (Castel) ou lors de la notification d’opérations ultérieures (SNCF, Réunica, Bigard). Ils révèlent par ailleurs que les entreprises n’ont que rarement cherché à éviter la notification, mais qu’elles ont plus souvent mal analysé la situation – parfois très complexe – et se sont mépris sur la contrôlabilité de l’opération projetée, leur bonne ou leur mauvaise foi influant sur le montant de la sanction. Enfin, l’ADLC a profité de la décision Colruyt pour fixer à cinq ans la prescription de l’infraction, non prévue par la loi.
Il apparaît donc important de citer quelques exemples d’opérations atypiques susceptibles de relever du contrôle des concentrations :
Particularités dans le calcul des seuils
Une première erreur peut porter sur le CA de la cible car le CA en droit des concentrations ne couvre pas exactement la même notion qu’en droit fiscal ou en droit des sociétés et les données sur la cible ne sont pas toujours, au moment de la préparation du dossier, accessibles à l’acquéreur. Ainsi Pan Fish a-t-il pu croire que le CA figurant dans les comptes annuels publiés de la cible était de 38 M€ en France, alors qu’une fois traité conformément à la réglementation concentration, il était de 57,7 M€. Pan Fish a néanmoins été sanctionné pour négligence, pour ne pas avoir vérifié le chiffre donné. Une seconde erreur peut résulter de la prise en compte du CA des derniers comptes annuels publiés, sans «?corriger?» ce CA en conséquence d’une modification plus récente du périmètre de l'entreprise concernée. Ainsi Pan Fish n’atteignait pas les seuils en France en 2005 mais l’acquisition d’une nouvelle participation en France, début 2006, lui a imposé de corriger son CA du dernier exercice clos, le faisant passer le seuil de 50 M€. Une troisième erreur peut porter sur le CA à prendre en compte pour la détermination des «?petits seuils?», notamment en matière de commerce de détail, sachant que seul le CA résultant des ventes au détail doit être pris en compte pour déterminer le seuil
de 15 M€.
Prise de contrôle d’une cible composée de plusieurs entreprises, dont aucune n’atteint les seuils
Castel a essayé de tirer argument du fait qu’aucune des filiales du groupe Patriarche acquises n’avait un CA supérieur à 50 M€ en France. L’ADLC a rappelé que dès lors que ces filiales appartenaient au même groupe, leur CA devait nécessairement s’additionner.
Prise de contrôle successive de deux filiales d’un même groupe, dont aucune n’atteint les seuils
Situation dans laquelle A acquiert le contrôle d’une entreprise X, qui n’atteint pas les seuils de contrôle, puis acquiert dans un délai de moins de 2 ans, auprès du même vendeur, une autre de ses filiales Y. Les deux opérations successives sont notifiables lors de la seconde opération dès lors que l’addition du CA de X et Y permet le dépassement des seuils.
Prise de contrôle par deux entreprises d’une cible en deçà des seuils
Situation dans laquelle A et B prennent le contrôle d’une cible, dont le CA est < 50 M€ en France. On retient souvent que « la cible doit faire plus de 50 M€ en France ». Or, en l’occurrence, A et B étant des entreprises qui acquièrent un contrôle commun, elles sont toutes deux des entreprises concernées et, dès lors, si à elles deux elles atteignent les seuils, l’opération doit être notifiée, même si la cible n’atteint pas les seuils.
Prise de participation minoritaire contrôlante
A peut également être surprise de constater qu’elle est obligée de notifier une opération par laquelle elle prend, dans le capital d’une entreprise B, une participation très minoritaire, voire une seule action, mais assortie de prérogatives particulières. Tel est le cas notamment lorsqu’un franchiseur prend dans le capital d’un franchisé une action et que, parmi d’autres contraintes, celle-ci lui permet de s’opposer, pendant une durée très longue, à toute sortie du réseau par changement d’enseigne du franchisé. Ce risque d’erreur est d’autant plus fort que dans le secteur du commerce de détail le petit seuil est de 15 M€.
Prise de contrôle résultant de modalités complexes ou purement contractuelles
Certaines opérations sont complexes et réalisent des intégrations alors qu’il ne s’agit pas de rachats de sociétés purs et simples. Ainsi par exemple, la fusion de mutuelles peut résulter de l’adhésion d’une mutuelle à l’association sommitale de l’autre. Bien que complexe, cette situation a été qualifiée par l’ADLC de courante dans le secteur et ne l’a pas incitée à plus de clémence (Réunica). Autre exemple, la conclusion d’un contrat de distribution exclusive pour une durée très longue peut à elle seule conférer au distributeur exclusif A le contrôle du producteur B3. Dès lors, c’est la conclusion d’un contrat qui peut déclencher l’obligation de notification si A et B franchissent les seuils.
Prise de contrôle par augmentation d’une participation minoritaire
Dans l’affaire SNCF, c’est l’augmentation du montant d’une participation minoritaire (de 38,63?% à 49,02?%) qui a été considérée comme entraînant une prise de contrôle notifiable, compte tenu de l’éparpillement du reste
du capital.
Particularité concernant les entreprises en redressement judiciaire
Lors du rachat d’actifs ou d’un fonds de commerce d’une entreprise en redressement judiciaire, la procédure impose aux candidats de déposer une offre ferme, qui ne soit pas conditionnée par l’autorisation de l’ADLC. Certains ont pu en déduire qu’ils pouvaient omettre de notifier (Bigard), alors que les textes prévoient la possibilité de demander une dérogation pour réaliser l’opération sans attendre la décision sur le fond de l’ADLC, mais pas une dispense de notification.