Par Philippe Veber, avocat. Veber Avocats
La robotique s’avance à une vitesse croissante dans toutes les composantes de notre société. Les technologies avancées s’apprêtent à modifier l’organisation sociale dans laquelle elles s’inscrivent. Robots traders, robots journalistes, robots chirurgiens et robots juristes illustrent ce changement. Il n’existe aucune raison pour que la robotique ne s’immisce pas dans les enceintes sportives.

La technologie a déjà frappé à la porte des terrains de sport. Après la Coupe du monde de football disputée en 2014 au Brésil, après certains championnats européens, la Goal-Line Technology est programmée en Ligue 1 pour la saison 2015-2016. Les «?stades connectés?» symbolisent l’avenir. Dans un autre style, la Korea e-Sports Association et le Comité olympique coréen semblent conjuguer leurs efforts pour que l’e-Sport soit reconnu comme sport olympique afin que le sport électronique soit au même niveau que les échecs.

Les échecs sont un sport olympique. Ils ont été l’occasion de confronter les capacités humaines aux technologies avancées. On peut toujours s’interroger sur le fait de savoir si les échecs sont véritablement un sport mais Deep Blue a, semble-t-il, battu Garry Kasparov, il y a déjà quelques années. Plus récemment, Timo Boll, champion allemand de tennis de table, a été défié par Kuka, le bras robot doté d’une dextérité impressionnante. Même si les confrontations Boll/Kuka procèdent d’une démarche plus marketing que sportive, elles confirment que l’homme aime se mesurer à la machine qu’il crée. L’être humain affectionne d’autant plus ce jeu plein d’enjeux qu’il semble toujours sortir vainqueur de ce face-à-face. S’il gagne le match, il prouve ses capacités naturelles. S’il le perd, il a défié la nature et confirme le génie humain, illustrant ainsi le Mythe du Golem qui décrit l’homme qui crée la machine à son image afin d’égaler le créateur. Dans tous les cas, la supériorité de l’homme est sauve.
Après le numérique et les jeux vidéo, après la confrontation homme-machine, est venu le temps de la confrontation robots-robots. Certains robots remplacent déjà l’homme. Ils peuvent remplacer le sportif, pour passer d’une humanité sportive à une autre, d’un monde sportif à un autre.

Vers une nouvelle catégorie de sports
Il existe des robots coach-sportifs, des robots d’entraînement, des robots spectateurs qui remplissent les tribunes, des robots pongistes, des robots footballeurs, etc. La robotique, vecteur parfois déroutant mais fascinant d’un monde qui change, invente de nouvelles façons de pratiquer le sport ou de le regarder. Nouvelle économie, nouveaux enjeux, nouveaux défis, nouveaux plaisirs, nouveau marketing. Dès 2012, la Robocup de football a été organisée. Des équipes de robots footballeurs s’affrontent désormais sur les terrains du monde entier. De nouvelles compétitions, de nouveaux clubs et de nouvelles fédérations vont voir le jour. Tout dépendra des capacités décisionnelles des robots mais on peut d’ores et déjà imaginer la création d’un championnat du monde des voitures sans conducteur. Le «?Driver Less Cars Championship?». Bientôt la «?DLC World Cup?» ou le «?DLC One?». Le championnat du monde FIA Formule?E pour les Formules?1 propulsées à l’énergie électrique existe déjà. Peu de monde a parié sur la création d’une telle manifestation sportive il y a seulement quinze ans.

Le déploiement technologique sans précédent qui s’annonce, conduira aussi, peut-être dans une logique toujours plus marketing que sportive, un renouveau dans le sport qui restera un support ou un tremplin de choix pour vérifier l’évolution des capacités techniques et technologiques créées par le génie humain et les multiples connexions qui peuvent lui être combinées.

Vers de nouvelles règles du jeu
Dans cet espace délimité de confrontation sportive d’un genre nouveau, dans ce champ spécifique d’actions et d’interactions, une grande partie des questions juridiques liées à la robotique se concentrent. Tout dépend du degré d’autonomie atteint ou plus précisément, des capacités décisionnelles des robots sportifs. Mais il suffit d’imaginer un match de robots footballeurs pour se remémorer les questions qui suscitent la réflexion actuelle sur le droit de la robotique. Le sport constitue une véritable occasion de s’interroger. Un terrain de football semble cristalliser la majeure partie des questions juridiques. Le statut particulier du robot, son éventuelle personnalité spécifique, composante de l’équipe, notamment quand il sera sanctionné par un carton rouge. Sa responsabilité en cas de tacle à l’origine de la mise hors-service d’un robot joueur. Le discernement de l’arbitre. Le traitement des données personnelles si certains éléments (statistiques) sont enregistrés. Le droit à l’image du robot. Sa marque. La marque de son créateur. La propriété du spectacle sportif. L’éthique sportive à l’occasion des déclarations d’après-match, etc. Et les paris sportifs… Connectés…

Parallèlement, voir naître une équipe de football «?mixte?», composée d’hommes ou de femmes et de robots n’est pas forcément une utopie. Au regard de la technologie actuelle, il semble difficile de remplacer un joueur de champ par un robot. Pas le goal. Le récent affrontement aux tirs au but entre Lionel Messi et «?RoboKeeper?» démontre la possible réalisation d’une telle association. Marquer contre ce gardien relève de l’exploit. Ce «?robogoal?», équipé de caméras qui analysent quatre-vingt-dix images à la seconde, réagit plus vite que l’homme, anticipe et est capable d’une accélération dix-sept fois supérieure à celle d’une Formule?1. De quoi donner de l’intérêt aux matches de football.
Quel que soit le concept, nécessairement, il faudra inventer de nouvelles lois du jeu ou adapter les anciennes.

Vers une nouvelle forme de dopage ?
Les combinaisons de natation en polyuréthane et les prothèses en carbone d’Oscar Pistorius ont fait couler beaucoup d’encre. La devise de l’olympisme invite à pousser les limites toujours plus loin. La robotique et plus largement, les technologies avancées, permettent d’améliorer la performance humaine. Aujourd’hui, il existe une compétition entre l’homme et la machine dotée de conscience. Les scientifiques s’inspirent du vivant pour le recréer, le programmer et élaborer les robots. Les bras bioniques, les prothèses guidées par la pensée, les tissus intelligents sont sources de progrès pour l’homme. Le «?Cybathlon?», premières olympiades pour athlètes bioniques, est programmé pour 2016.

Toute avancée scientifique comporte ses dérives. L’utilisation de stimulants technologiques adaptés et invisibles ne relève pas de la science-fiction. La tentation de mettre la technologie au service de la performance sportive artificielle est à redouter. Il faudra assurément créer des contrôles antidopage d’une nouvelle génération. Le génie humain aura encore gagné mais l’homme se sera une nouvelle fois piégé.

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