Associé gérant du cabinet Granrut, Jean Castelain est Bâtonnier de Paris depuis le 1er janvier 2010. À l’heure où la justice fait débat, il revient sur la manière dont il souhaite moderniser l’ordre des avocats.

Associé gérant du cabinet Granrut, Jean Castelain est Bâtonnier de Paris depuis le 1er janvier 2010. À l’heure où la justice fait débat, il revient sur la manière dont il souhaite moderniser l’ordre des avocats.
 

Décideurs. Quelles sont les réformes que vous avez d’ores-et-déjà lancées, et celles à venir ?

Jean Castelain.
Les réformes que je porte sont destinées à améliorer la productivité des services de l’ordre des avocats. J’ai fait procéder à l’informatisation de tout le conseil de l’ordre. Le gain d’efficience est élevé, le travail en temps réel étant désormais possible. Par ailleurs, le vote par procuration a été introduit, le poste de chef de cabinet du bâtonnier créé, le passage des délais de décision de huit à quatre mois assuré.

Du point de vue de la documentation et de la communication, les services de l’ordre évoluent pour se situer en adéquation avec les besoins des avocats. C’est ce qu’illustre la création d’une newsletter avec la possibilité de télécharger des articles de doctrine. C’est désormais la bibliothèque qui va vers les avocats. Enfin, la publication d’une version Web du journal de l’ordre et le passage de six à cinq semaines de congés payés permettent de compléter ces mesures d’économie et d’amélioration des services.


Décideurs. Comment percevez-vous l’évolution du marché des cabinets d’avocats ?

J. C.
Les petits cabinets risquent de connaître des difficultés. À Paris, la tendance est au tassement de l’activité contentieuse et du chiffre d’affaires des cabinets individuels. Le marché recherche des compétences d’experts à des coûts maîtrisés. Cela implique une rationalisation autant qu’une mutualisation. Ma vision est que nous allons assister à un double mouvement. D’une part, les cabinets de niche d’experts, bâtis sur une ou deux personnalités, vont se développer. Leur défi sera de survivre à leurs créateurs. D’autre part, les cabinets pluridisciplinaires de cinquante à cent avocats vont progresser.


Décideurs. Que pensez-vous du dispositif du plaider-coupable ?

J. C.
L’intérêt, bien sûr, est d’accélérer la procédure. Toutefois, je préconise la prudence quant à son éventuelle extension. On peut considérer que la victime a droit à ce que l’affaire soit plaidée. C’est important pour nombre d’entre elles. Par ailleurs, le risque d’erreur judiciaire subsistera toujours.


Décideurs. En quoi l’offre internationale du barreau de Paris pourrait-elle évoluer ?

J. C.
Mille cinq cents avocats français sont établis à l’étranger ; huit cent quarante avocats étrangers le sont à Paris. Le barreau de Paris a donc une dimension internationale très forte. Il est d’ailleurs l’un des seuls à disposer d’élus étrangers au conseil de l’ordre. Afin de renforcer cette internationalisation, je propose de développer l’offre d’arbitrage ordinal éthique en langue anglaise. Aucun autre barreau au monde ne le peut. J’y vois une véritable cohérence avec la compétence historique tournée vers les droits de l’homme.


Décideurs. Estimez-vous que le droit anglo-saxon a pris le pas sur le droit d’origine romano-germanique ?

J. C.
L’anglais est la langue des affaires. C’est un fait. L’influence de notre système juridique peut cependant s’accroître car le droit anglo-saxon est coûteux en termes d’avocats. Le droit français, droit de concept, ne l’est pas autant. De ce point de vue, il dispose d’un avantage compétitif sur lequel il est possible de s’appuyer. Je pense notamment à la zone d’influence française en Afrique.


Décideurs. Concrètement, comment souhaitez-vous dynamiser l’influence du droit français ?

J. C.
Il nous faut d’abord nous appuyer sur les exportateurs du droit français. C’est le cas des avocats français établis à l’étranger, mais aussi des juristes d’entreprise. J’ai assisté à la conférence des présidents des grands barreaux européens à Vienne. Cent dix filiales d’entreprises françaises y sont établies. Savez-vous combien d’avocats français s’y sont installés ? Un seul. Il est nécessaire d’encourager la mobilité internationale, par exemple en s’appuyant sur le réseau diplomatique de la France.


Décideurs. Que pensez-vous de la création de l’acte d’avocat proposé par la commission Darrois (rapport sur les professions du droit) ?

J. C.
L’acte d’avocat sera un progrès. Il permettra d’améliorer l’accès au droit des citoyens et des entreprises. Il concilie simplicité et flexibilité. Il recevra une traduction juridique concrète en temps voulu.


Décideurs. Avez-vous d’autres propositions permettant d’améliorer l’accès au droit ?

J. C.
Comme pour l’aide juridictionnelle, le problème est celui de son financement. On sait que les citoyens souscrivent simultanément à plusieurs contrats de protection juridique, souvent sans le savoir, par le biais d’autres contrats d’assurance. Cela représente 700 millions d’euros pour soixante mille dossiers annuels, sommes dont les assurés ne bénéficient pas en totalité. En comparaison, les fonds publics alloués à l’aide juridictionnelle sont de 315?millions d’euros pour sept cent mille dossiers par an. Je propose la mutualisation de l’ensemble de ces fonds, d’origine privée et publique. Par ailleurs, il serait possible d’envisager que les frais d’avocat soient éligibles à la déductibilité fiscale au titre des services à la personne.

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