« La faiblesse structurelle des PME françaises c’est leur trésorerie »
Entretien avec Pierre Pelouzet, Médiateur national des relations inter-entreprises
Décideurs. Quel diagnostic faites-vous de la situation actuelle en matière de retard de paiement ?
Pierre Pelouzet. Un diagnostic nuancé. Deux tendances s’opposent : d’un côté une prise de conscience des grands comptes de leur impact et de leur responsabilité vis-à-vis de leurs fournisseurs – prise de conscience à laquelle nous travaillons activement – et de l’autre côté un faux effet de crise qui encourage les mauvaises pratiques. Cela se traduit par une aggravation des retards de paiement. Il y a six mois, le retard moyen était 9 jours. Aujourd’hui ce retard est 12 jours. Et il ne s’agit que d’une moyenne : toutes les entreprises ne sont pas égales et les écarts varient énormément entre EDF, payée à l’heure, et une petite PME, payée avec bien plus de 12 jours de retard. On atteint ici la cote d’alerte.
Décideurs. Quels sont vos chantiers pour l’avenir ?
P. P. Je compte suivre deux axes. Premier axe : améliorer la relation entre les entreprises. Beaucoup trop de temps et d’énergie sont gaspillés à se battre sur les paiements et que les acteurs économiques ne passent pas à développer leur activité. Or nous pouvons agir efficacement, il suffit que les entreprises nous connaissent. Je compte beaucoup me déplacer sur le terrain pour aller à la rencontre des PME qui, plus que toutes, ont besoin de nous. Nous bénéficions de plusieurs outils préventifs ou curatifs. Préventifs : la Charte des relations inter-entreprises, avec plus de 300 grandes entreprises signataires, et le label Relations fournisseurs responsables que nous venons de créer. Curatif : la médiation elle-même, avec trois voies de saisine possibles : individuelle, collective ou par branches d’activités. Nous obtenons 80 % de succès, sans représailles, grâce au suivi des dossiers par nos médiateurs sur le terrain. C’est un mode de résolution alternatif des conflits confidentiel, gratuit et rapide. Second axe : le développement des PME en soutenant l’excellence et l’innovation, notamment via la Charte PME Innovantes.
Décideurs. Quelle est pour vous la cause de l’aggravation des retards de paiement ?
P. P. La crise est bien sûr une des causes, mais il ne faut pas s’y tromper : pour beaucoup d’entreprises il s’agit d’une excuse pour justifier leurs pratiques inacceptables. C’est encore pire quand on se rend compte que nombre d’entre elles ne sont pas touchées par la crise. Elles profitent juste de leurs fournisseurs pour se garantir un matelas de liquidité. C’est une attitude irresponsable et qui a pour seule conséquence d’aggraver la crise. La faiblesse structurelle des PME françaises n’est pas la qualité de leur production, ou leur positionnement sur le marché, c’est leur trésorerie. Un retard de paiement insignifiant pour un grand compte peut très bien être le coup de grâce pour une PME. Les entreprises ne doivent pas jouer les unes contre les autres : les grandes entreprises mourront le jour où leurs fournisseurs auront déposé le bilan ou préféreront travailler pour d’autres. En jouant ensemble, elles ont les moyens de sortir par le haut de la conjoncture actuelle.
Décideurs. Pensez-vous que l’État doit adopter une démarche plus volontaire sur ce problème ?
P. P. L’État a déjà une activité importante. Il a de plus réussi un exploit grâce au rapport Gallois : attirer l’attention des citoyens sur le monde de l’entreprise et ses difficultés, un monde méconnu de la plupart des Français. Sur le reste, la loi existe et elle est suffisante. La difficulté est son application. Les sanctions sont déjà lourdes, avant de songer à les alourdir, il faut commencer par les appliquer, ce qui est rarement le cas, car les fournisseurs ne veulent pas aller au conflit. D’où l’intérêt de la Médiation inter-entreprises où l’on sort « bons amis » avec une solution satisfaisante pour tous. Je ne crois pas à la répression ou au contrôle. Je crois à la sensibilisation et à la conviction des acteurs, au travail en commun pour « co-construire » un milieu économique sain et performant.
Pierre Pelouzet. Un diagnostic nuancé. Deux tendances s’opposent : d’un côté une prise de conscience des grands comptes de leur impact et de leur responsabilité vis-à-vis de leurs fournisseurs – prise de conscience à laquelle nous travaillons activement – et de l’autre côté un faux effet de crise qui encourage les mauvaises pratiques. Cela se traduit par une aggravation des retards de paiement. Il y a six mois, le retard moyen était 9 jours. Aujourd’hui ce retard est 12 jours. Et il ne s’agit que d’une moyenne : toutes les entreprises ne sont pas égales et les écarts varient énormément entre EDF, payée à l’heure, et une petite PME, payée avec bien plus de 12 jours de retard. On atteint ici la cote d’alerte.
Décideurs. Quels sont vos chantiers pour l’avenir ?
P. P. Je compte suivre deux axes. Premier axe : améliorer la relation entre les entreprises. Beaucoup trop de temps et d’énergie sont gaspillés à se battre sur les paiements et que les acteurs économiques ne passent pas à développer leur activité. Or nous pouvons agir efficacement, il suffit que les entreprises nous connaissent. Je compte beaucoup me déplacer sur le terrain pour aller à la rencontre des PME qui, plus que toutes, ont besoin de nous. Nous bénéficions de plusieurs outils préventifs ou curatifs. Préventifs : la Charte des relations inter-entreprises, avec plus de 300 grandes entreprises signataires, et le label Relations fournisseurs responsables que nous venons de créer. Curatif : la médiation elle-même, avec trois voies de saisine possibles : individuelle, collective ou par branches d’activités. Nous obtenons 80 % de succès, sans représailles, grâce au suivi des dossiers par nos médiateurs sur le terrain. C’est un mode de résolution alternatif des conflits confidentiel, gratuit et rapide. Second axe : le développement des PME en soutenant l’excellence et l’innovation, notamment via la Charte PME Innovantes.
Décideurs. Quelle est pour vous la cause de l’aggravation des retards de paiement ?
P. P. La crise est bien sûr une des causes, mais il ne faut pas s’y tromper : pour beaucoup d’entreprises il s’agit d’une excuse pour justifier leurs pratiques inacceptables. C’est encore pire quand on se rend compte que nombre d’entre elles ne sont pas touchées par la crise. Elles profitent juste de leurs fournisseurs pour se garantir un matelas de liquidité. C’est une attitude irresponsable et qui a pour seule conséquence d’aggraver la crise. La faiblesse structurelle des PME françaises n’est pas la qualité de leur production, ou leur positionnement sur le marché, c’est leur trésorerie. Un retard de paiement insignifiant pour un grand compte peut très bien être le coup de grâce pour une PME. Les entreprises ne doivent pas jouer les unes contre les autres : les grandes entreprises mourront le jour où leurs fournisseurs auront déposé le bilan ou préféreront travailler pour d’autres. En jouant ensemble, elles ont les moyens de sortir par le haut de la conjoncture actuelle.
Décideurs. Pensez-vous que l’État doit adopter une démarche plus volontaire sur ce problème ?
P. P. L’État a déjà une activité importante. Il a de plus réussi un exploit grâce au rapport Gallois : attirer l’attention des citoyens sur le monde de l’entreprise et ses difficultés, un monde méconnu de la plupart des Français. Sur le reste, la loi existe et elle est suffisante. La difficulté est son application. Les sanctions sont déjà lourdes, avant de songer à les alourdir, il faut commencer par les appliquer, ce qui est rarement le cas, car les fournisseurs ne veulent pas aller au conflit. D’où l’intérêt de la Médiation inter-entreprises où l’on sort « bons amis » avec une solution satisfaisante pour tous. Je ne crois pas à la répression ou au contrôle. Je crois à la sensibilisation et à la conviction des acteurs, au travail en commun pour « co-construire » un milieu économique sain et performant.