Derrière cette expression anglo-saxonne - « say on pay » -, se cache une idée simple et qui tend à séduire de plus en plus d’actionnaires en cette période où la question de la rémunération des « grands patro du CAC 40 » est devenue un suj

Derrière cette expression anglo-saxonne - « say on pay » -, se cache une idée simple et qui tend à séduire de plus en plus d’actionnaires en cette période où la question de la rémunération des « grands patrons du CAC 40 » est devenue un sujet politique : soumettre au vote des actionnaires, lors de l’assemblée générale annuelle, la rémunération des dirigeants des sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé.

Le « say on pay » de plus en plus populaire.

Adopté en 2002 au Royaume-Uni, le régime du « say on pay » a depuis gagné du terrain et des dispositifs similaires ont été introduits en Australie, aux Pays-Bas, en Norvège, en Afrique du Sud ou encore en Suède. Les États-Unis sont en passe d’adopter un texte imposant un vote consultatif des actionnaires sur la rémunération des dirigeants et ce, bien qu’il existe de nombreux opposants à ce type de mesure parmi les parlementaires qui y voient une forme d’ingérence du Congrès dans le fonctionnement des sociétés privées. Cependant l’un des promoteurs de cette idée aux États-Unis n’est autre que le président Barack Obama qui avait soutenu une proposition de loi en ce sens lorsqu’il n’était encore que sénateur de l’Illinois. Un premier pas a d’ailleurs été franchi l’an dernier puisque sont d’ores et déjà soumis au principe du « say on pay » les rémunérations des dirigeants d’entreprises ayant reçu une aide du Trésor américain dans le cadre du programme TARP (Troubled Asset Relief Program). Cette mesure pourrait bientôt être étendue à l’ensemble des sociétés cotées, comme le souhaite le président des États-Unis, puisqu’une loi modifiant en ce sens le Securities

Exchange Act of 1934 est en cours de discussion devant le Sénat après avoir été adoptée par la Chambre des Représentants. Par ailleurs un certain nombre de sociétés américaines, telles que Apple, Motorola, Microsoft ou encore Pfizer, appliquent déjà volontairement le principe du « say on pay ».

Un simple vote consultatif à la portée encore flou.

Les dispositifs de « say on pay » ne sont pas exactement les mêmes dans les pays qui l’ont adopté. Le vote peut ainsi être annuel, semestriel ou même trimestriel ; il peut porter sur une résolution générale ou beaucoup plus précise et dans certains cas mêmes, nominative. Mais partout, le principe du « say on pay » se traduit par un vote consultatif, ce qui ne manque pas de soulever un certain nombre de questions quant aux conséquences juridiques d’un vote qui n’est, en fait, que d’orientation. S’il est indéniable qu’un vote négatif affecte l’image de la société en cause, il n’oblige pas pour autant ses organes de gestion à modifier les rémunérations des dirigeants ou à consulter les actionnaires sur les aménagements apportés, le cas échéant, en conséquence à ces rémunérations.

En l’absence de véritable sanction (même si, par exemple, le législateur australien semble examiner l’éventuelle obligation, pour les membres du conseil, de présenter leur démission en cas de deux votes négatifs successifs), l’absence de caractère contraignant du vote fait dire à certains que ce système est démagogique et peu utile. Une autre critique a trait au fait que les actionnaires n’ont souvent pas en leur possession tous les éléments nécessaires pour apprécier les rémunérations en cause. Pour autant, le principe du « say on pay » permettrait de renforcer le dialogue avec les actionnaires sur le sujet sensible des rémunérations des dirigeants, d’améliorer la communication sur ce thème en conduisant à fournir plus d’explications aux actionnaires mais également d’accroître le sens des responsabilités des membres des conseils d’administration qui, davantage contrôlés par les actionnaires, auraient moins tendance à tolérer certaines pratiques. Le rôle des comités de rémunération et leur indépendance vis-à-vis des dirigeants sortiraient également renforcés de l’application du « say on pay ».

La France ou le risque d’aller trop loin…

En France, la question de la publicité des rémunérations accordées aux dirigeants a connu ces dernières années de nombreuses modifications, la dernière en date étant liée aux recommandations d’octobre 2008 de l’Afep et du Medef portant sur les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux de sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé. Ainsi le rapport de gestion et surtout le rapport du président du conseil doivent présenter de façon détaillée la rémunération individuelle de chaque mandataire comparée à celle de l’exercice précédent et ventilée par masses entre parties fixes et variables ainsi que rendre public tous les éléments de rémunération des dirigeants, potentiels ou acquis, immédiatement après la réunion du conseil les ayant arrêtés. Bien que « facultative », ces recommandations ont désormais quasi force obligatoire puisque les sociétés cotées doivent déclarer dans le rapport de gestion, dont le contenu est contrôlé par l’Autorité des marchés financiers, si elles se réfèrent au code de gouvernement d’entreprise et aux recommandations. Dans le cas contraire, elles doivent notamment s’expliquer sur les raisons pour lesquelles elles n’appliquent pas ces recommandations (comply or explain).

On peut donc considérer que les actionnaires des sociétés françaises disposent d’ores et déjà des moyens d’être bien informés des rémunérations octroyées aux dirigeants, même s’ils n’ont pas à se prononcer à leur sujet, contrairement à la logique du « say on pay ». On peut dès lors s’interroger sur l’opportunité de la proposition de loi déposée le 13 mai 2009, qui ne vise pas, en fait, à instaurer un dispositif de « say on pay » comme on a pu le lire, mais bien à modifier la répartition des pouvoirs entre les organes sociaux, en octroyant à l’assemblée générale des actionnaires seule le pouvoir de fixer la rémunération du président, du directeur général et des membres du directoire sur proposition du conseil d’administration ou du conseil de surveillance. La rémunération ne serait ainsi fixée par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance qu’à titre provisoire, dans l’attente de la plus proche réunion de l’assemblée générale. Cette proposition va donc bien au-delà du système de « say on pay » anglo-saxon, car elle prétend organiser la fixation même de la rémunération des dirigeants par l’ensemble des actionnaires dans le cadre d’un débat public, sans qu’on voie d’ailleurs clairement comment un pareil environnement pourrait favoriser, sur ce type de sujet, un échange constructif et l’émergence de solutions pragmatiques. Plutôt que de porter atteinte aux principes fondamentaux de notre droit sur les compétences des organes sociaux, il semble plus conforme à nos traditions juridiques et plus efficace de renforcer l’indépendance des conseils d’administration, le rôle des comités des rémunérations et de tendre vers une plus grande clarté dans le cadre des rapports existants.

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