Jérôme Margulici, avocat, Capstan Avocats

Depuis leur création en 1982 dans le cadre des lois Auroux, les obligations de négocier se sont considérablement enrichies. En dernier lieu, une dizaine de thèmes devait obligatoirement faire l’objet, selon des périodicités différentes (annuelle ou triennale), d’une négociation entre l’employeur et les délégués syndicaux.

 

Leur accumulation progressive, leur encadrement très rigide, la diversité et la complexité de leur régime ont conduit à ce que ces négociations soient vécues par les entreprises comme des contraintes administratives alors même qu’elles sont censées favoriser le dialogue social et la culture de la régulation conventionnelle.

 

Sans remettre en cause aucun des thèmes de négociation obligatoire déjà existants, la loi du 17 août 2015 dite « Rebsamen » (loi n°2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi), dont les dispositions sur ce point seront applicables à compter du 1er janvier 2016, vise à rationaliser et à assouplir ces dispositifs.

 

À cet effet, elle a tout d’abord procédé au regroupement des obligations de négocier en trois grands blocs.

 

Le premier bloc (C. trav., art. L.2242-5) concerne la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée. Il doit faire l’objet d’une négociation annuelle. Y sont inclus les thèmes des salaires effectifs, de la durée effective et de l’organisation du temps de travail – notamment la mise en place du temps partiel –, de l’intéressement, la participation et l’épargne salariale et, enfin, du suivi de la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes. Autre nouveauté introduite par la loi Rebsamen, il est désormais expressément prévu que cette négociation peut avoir lieu au niveau des établissements ou des groupes d’établissements distincts.

 

Le deuxième bloc (C. trav., art. L.2242-8), également soumis à une négociation annuelle, porte sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail. Il comprend les thèmes de l’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle pour les salariés, des objectifs et des mesures permettant d’atteindre l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, des mesures permettant de lutter contre toute discrimination en matière de recrutement, d’emploi et d’accès à la formation professionnelle et des mesures relatives à l’insertion professionnelle et au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés. Ce bloc est également consacré à la négociation sur l’exercice du droit d’expression directe et collective des salariés et, à défaut de couverture par un accord de branche ou un accord d’entreprise, sur les modalités de définition d’un régime de prévoyance et d’un régime de remboursements complémentaires des frais de santé.

 

Le troisième bloc (C. trav., art. L.2242-13) est dédié à la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels. À l’instar de celle portant, antérieurement à la loi Rebsamen, sur la gestion des emplois et la prévention des conséquences des mutations économiques, dont elle reprend la périodicité triennale et les thèmes (ceux obligatoires et ceux, facultatifs, avec lesquels des regroupements étaient déjà possibles), cette négociation ne concerne que les entreprises et les groupes d’au moins 300 salariés.

 

 

Par ailleurs, la loi permet désormais d’adapter conventionnellement les règles de négociation (C. trav., art. L.2242-20). Cette possibilité est subordonnée à la conclusion d’un accord majoritaire et n’est offerte qu’aux entreprises satisfaisant à l’obligation d’accord ou, à défaut, de plan d’actions, relatifs à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

 

Le cas échéant, cet accord majoritaire peut modifier la périodicité de chacune des négociations obligatoires pour tout ou partie des thèmes, dans la limite de trois ans pour les deux négociations annuelles et de cinq ans pour la négociation triennale. Cette souplesse est toutefois largement tempérée s’agissant de la négociation sur les salaires effectifs puisque lorsque sa périodicité a été modifiée par accord majoritaire, une organisation syndicale signataire peut, au cours de la période fixée par l’accord, formuler la demande que cette négociation soit engagée. L’employeur doit alors y faire droit sans délai.

 

La conclusion d’un accord majoritaire permet également d’adapter le nombre de négociations au sein de l’entreprise ou de prévoir un regroupement différent des thèmes de négociations, à condition dans l’un comme dans l’autre cas de ne supprimer aucun des thèmes obligatoires.

 

Quelles que soient les interprétations et les hésitations auxquelles elle ne manquera pas de donner lieu, on ne peut que se réjouir de cette réforme et de la volonté de simplification dont elle procède. Gageons que les partenaires sociaux sauront se l’approprier rapidement et qu’elle permettra de fluidifier la négociation d’entreprise à laquelle l’évolution prévisible du droit du travail tend à conférer une place prééminente dans la construction de la norme sociale.

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