Par Laurent Archambault et Valentine Genu, Selene Avocats

Défini comme un appareil capable de s’élever ou de circuler dans les airs, sans personne à bord, le drone fascine, intrigue et inquiète . 
Livraison de poches de sang dans des coins reculés du Rwanda, aide au sauvetage en milieu hostile, surveillance des voies ferrées en France, prises de vue aérienne… l’utilité des drones n’est plus à démontrer. La vente au grand public, le faible coût et l’utilisation facile ont permis à ce secteur de connaître un essor incroyable. Pas moins de 300.000 drones de loisir ont été vendus en France en 2015. Quant au marché des drones professionnels, il devrait connaître une croissance de 1.300% d’ici à 2020.

 

Drones et autres acteurs aériens

 

Les capacités de ces appareils ne finissent pas de nous surprendre. Certains peuvent voler à plusieurs milliers de mètres de hauteur. A défaut d’imposer un système de bridage technique limitant les capacités de vol, le droit encadre strictement les conditions de vol du drone : hauteur de vol limitée à 150 mètres, survol des aérodromes interdit…[1] Ainsi, avions et drones n’évoluent pas dans les mêmes zones aériennes.

Pourtant, plusieurs situations à risque ont été recensées. En 2016, à deux reprises, un drone est passé à quelques mètres d’un avion de ligne aux abords des aéroports de Paris Charles-de-Gaulle et de Roissy. Faute d’avoir identifié les télépilotes, leur intention n’a pas été sondée. S’agissait-il d’une méconnaissance de la réglementation, d’un acte délibéré ou d’une perte de contrôle ?

Si les collisions entre avions et oiseaux sont déjà envisagées, la vitesse, la taille et le poids des drones sont autrement plus conséquents et potentiellement dangereux que ceux d’un oiseau. Un élément supplémentaire est à prendre en compte : le comportement des batteries du drone lors d’un choc.

Le rôle des pilotes d’avions, dans cet objectif commun de réduction des risques de collision, est majeur. Les radars du contrôleur aérien ne pouvant pas détecter les drones légers, il est essentiel que les pilotes témoins d’un risque préviennent immédiatement le contrôleur, afin d’éviter l’effet de surprise sur les autres pilotes.

 

Vers une meilleure information du télépilote

 

Une nouvelle loi encadrant l’usage des drones civils, du 24 octobre 2016, tend à prévenir ces collisions[2].

Le fabricant devra fournir une notice d’information de l’appareil, jointe à chaque drone, à destination de l’utilisateur, et les télépilotes devront suivre une formation : ces deux mesures visent à contrer la méconnaissance de la réglementation en la matière[3]. En outre, la loi prévoit une obligation d’immatriculation pour les drones dont la masse excède 25 kg. Les appareils plus légers devront simplement être enregistrés[4]. Enfin, les drones devront être équipés d’un dispositif de signalement lumineux et électronique, afin d’être facilement repérables[5].

Notons toutefois que ces mesures, excepté la notice d’information, s’appliqueront uniquement pour les drones de plus de 800 grammes. Plusieurs drones à usage de loisir ne seront donc pas soumis à ces nouvelles obligations : ni enregistrement, ni formation, ni dispositif de signalement.

 

Le numérique à la rescousse 

 

Conscients du rôle qu’ils ont à jouer et des conséquences qu’aurait sur le marché un accident grave de drone, les fabricants innovent.

C’est notamment le cas de DJI, leader du marché des drones grand public, qui a équipé certains de ses drones d’un système de geo-fencing. Grâce à la liaison GPS, le fabricant peut interdire à un drone de pénétrer dans une zone prédéfinie. Outre les aéroports et les centrales nucléaires, dont le survol est systématiquement interdit, certaines zones sont inaccessibles temporairement : un stade de football lors d’une manifestation sportive par exemple.

Les télépilotes négligents remercieront cette barrière numérique. Quant aux télépilotes malveillants, ils risquent de désactiver le GPS…

 

Les drones, nouveaux outils de “Big Brother is watching you” ?

 

Si la problématique de protection de la vie privée et des données à caractère personnel n’est pas nouvelle, c’est le passage à l’échelle de masse qui inquiète. Discrets, silencieux, les drones peuvent facilement survoler une propriété privée. On est loin du paparazzi qui tente d’escalader le mur du jardin.

Les dispositions garantissant la protection de la vie privée et des données personnelles sont-elles finalement adaptées à cette nouvelle technologie ?

 

La protection de la vie privée

 

Le respect de la vie privée figure parmi les principes chers aux acteurs du milieu aérien (Direction Générale d’Aviation Civile (DGAC), fabricants, Fédération professionnelle du drone civil etc). A défaut de dispositions spécifiques aux drones, l’article 9 du Code civil est voué à régir les atteintes portées à la vie privée. Les biens de la personne sont également protégés, protection particulièrement adéquate dans le cadre de l’usage des drones.

Une peine d’emprisonnement et une amende sont prévues en cas de captation, enregistrement, ou transmission, sans le consentement de son auteur, de paroles prononcées à titre privé ou d’images de la personne se trouvant dans un lieu privé[6].

Si cette sanction est dissuasive, la pratique a montré qu’il était souvent difficile d’identifier le télépilote. L’obligation d’équiper le drone d’un dispositif lumineux et électronique, prévue par la nouvelle loi précitée, devrait permettre de combler cet écueil pratique. 

 

Le traitement des données personnelles

 

Tout drone équipé de capteur de données (caméra, lecteur de signal Wi-Fi, puce, géolocalisation etc) est susceptible de capter des données à caractère personnel.

Hors cadre privé, le traitement de ces données nécessite le consentement de la personne concernée, et une déclaration à la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés), sous peine de sanction pénale[7].

Ambitieux, le droit européen insuffle une nouvelle dynamique au traitement des données personnelles. A partir du 25 mai 2018, le concepteur de l’appareil devra assurer la protection des données, en amont de la commercialisation : on parle de privacy by design[8]. En outre, il devra s’assurer que seules les données personnelles nécessaires à l’objectif poursuivi seront traitées, en vertu du principe nouveau de privacy by default[9]. On peut alors imaginer un système de floutage systématique des visages.

Espérons que d’autres initiatives réglementaires adaptées aux particularités techniques des drones voient le jour, afin de parfaire l’encadrement de la captation d’informations, sans pour autant freiner l’essor de la filière.

 

Sur les auteurs :

 

Depuis quelques années, SELENE AVOCATS (composée notamment d’un avocat pilote IFR/VFR et d’un membre du Conseil pour les drones civils), intervient dans le domaine aéronautique (drones, avions et hélicoptères), ce qui en fait aujourd'hui un interlocuteur de référence pour les constructeurs aéronautiques, les compagnies aériennes, les équipementiers, les opérateurs de maintenance, ainsi que les assureurs aériens.  

 

[1] Articles 5, 7, 8 et 9 et annexe 1 de l’arrêté du 17 décembre 2015 DEVA1528469A.  

[2] Loi n°2016-1428.

[3] Articles 2 et 3 de la loi précitée.

[4] Article 1 de la loi précitée.

[5] Article 4 de la loi précitée.   

[6] Article 226-1 du Code pénal.

[7] Articles 7 et 25 de la loi n°78-17; article 226-16 du Code pénal.

[8] Article 25 §1 du règlement n°2016/679.

[9] Article 25 §2 du règlement précité.

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