Il est toujours intéressant d’observer le marché des avocats d’affaires à travers l’œil des acteurs de l’ombre qui font le mercato. Fort de ses dix ans d’expérience, DHC fait partie de ceux qui comptent pour les cabinets d’affaires soucieux de leur stratégie de croissance. Un entretien avec Roland Dana, associé fondateur du cabinet DHC, permet d’en percevoir les rouages.

Avocat stratège ou expert, avocat « golfeur » ou avocat « rameur », avocat chasseur ou farmer"Ils sont protéiformes et les adjectifs ne manquent pas lorsqu’il s’agit de les qualifier…  En termes de gestion de carrière, la principale qualité d’un avocat est finalement de savoir faire preuve de lucidité envers lui-même, afin d’évoluer dans un environnement adéquat." Roland Dana en sait quelque chose. Depuis 2011, cet ancien conseiller en cabinet ministériel et avocat en financement et M&A a bâti un solide réseau de cabinets et de professionnels qu’il accompagne dans leurs recrutements et leurs mouvements.

De la crise sanitaire à une crise de confiance 

En cette période de crise sanitaire, l’intuition et la perception des personnalités sont d’autant plus cruciales pour un recruteur. Depuis mars 2020, le mercato des avocats, freiné quelques semaines seulement, n’a jamais été aussi intense. Aux raisons classiques de changement de maison (souhait de développer sa clientèle, recherche d’interactions avec d’autres spécialités, besoin d’un réseau international ou divergence de stratégie au sein du partnership) s’ajoute aujourd’hui le rejet de certains comportements mis en lumière par la gestion – parfois dans l’urgence – des difficultés nées du contexte économique actuel. Les avocats fuient ceux de leurs associés qui se sont montrés individualistes ou échappant à leurs obligations. Les mesures d’ajustement des rémunérations, parfois arbitraires, ont souvent été mal comprises, ou mal expliquées. Les avocats sont donc nombreux à chercher une structure en accord avec leurs valeurs. "Tout le monde parle de synergies et cross-selling, mais aujourd’hui, ce n’est plus uniquement un souhait, c’est une réalité dans de nombreuses structures qui veillent à chaque arrivée de nouvel associé à préserver l’enthousiaste collectif d’un projet commun", un état d’esprit que l’on ne trouvait pas il y a dix ou quinze ans. Les jeunes cabinets construits par des quadragénaires à la fois performants et dotés de valeurs de solidarité et d’un réel affectio societatis sont les grands gagnants de ce marché en mutation.

De "nice to have" à "must have"

Pourtant, la concurrence est rude. Ceux qui pensaient pouvoir bénéficier d’une arrivée exceptionnelle sur le marché d’avocats de talents disponibles sont dans l’erreur. La crise économique liée au coronavirus est structurellement différente de la crise financière de 2008, ses conséquences sur le marché de la prestation juridique sont elles aussi incomparables. Là où, après la chute de Lehman Brothers, nous avions assisté à des "charrettes" de collaborateurs dans les principaux cabinets d’affaires, la situation est totalement différente aujourd’hui. Les leçons de 2008 ont été tirées : ceux qui s’étaient séparés de leurs avocats spécialistes des fusions-acquisitions en raison de la diminution du nombre de deals sur la place financière française l’ont regretté lorsque l’activité économique a redémarré et que les demandes des entreprises se sont à nouveau tournées vers ces savoir-faire. Les cabinets dépourvus de professionnels capables de répondre à ses sollicitations se sont retrouvés freinés dans leur développement. Aujourd’hui, la stratégie en matière de ressources humaines est sans conteste celle du maintien, voire de la croissance des effectifs, quitte à faire jouer la solidarité entre associés pour équilibrer les baisses d’activité de certains face à l’augmentation de celle des autres.

Par ailleurs, un autre paramètre fondamental entre en ligne de compte dans l’élaboration de toute stratégie de recrutement : la montée en puissance des spécialités qui étaient, encore il y a peu, jugées périphériques. C’est incontestable : le droit social, le contentieux et l’arbitrage, l’immobilier, le fiscal… sans oublier le restructuring bien sûr, se révèlent aujourd’hui autant essentiels dans un groupe d’avocats que le corporate/M&A. "Les matières qui étaient jusque-là des “nice to have” sont aujourd’hui des “must have” dans la plupart des cabinets, observe Roland Dana. Il suffit de regarder le nombre d’associés en restructuring qui ont changé de maison ces huit derniers mois…" La diversité des missions de chasse d’associés qui lui sont confiées le confirme. « La particularité de notre métier est qu’il épouse les cycles économiques de son marché. » Le business model des cabinets d’avocats reposant sur une dynamique de croissance, qu’elle soit puisée dans des activités cycliques ou contracycliques, cela laisse présager de beaux jours pour ce secteur.

Pascale D'Amore

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