R. Bourgeon (Alderan) : "L’immobilier logistique est un lieu à la fois d’emploi, de mécanisation et de globalisation"
Décideurs. La crise sanitaire a stimulé le e-commerce. Quel a été l’impact sur le secteur de la logistique ?
Les entrepôts, hangars ou plateformes logistiques ne sonnent pas très « glamour », et évoquent souvent des locaux aux cartons entassés avec peu de personnel. Et pourtant, avec l’essor du e-commerce, la crise sanitaire a mis en lumière la pertinence de l’immobilier logistique comme classe d’actifs à part entière. Elle a permis de mettre en avant ces lieux fourmillant d’activités - le picking ou le cross docking par exemple - et d’acteurs, à savoir les chargeurs - des industriels, producteurs ou grands distributeurs - et les logisticiens qui organisent les flux de transport d’une plateforme à un magasin. Ainsi, ce secteur est un lieu à la fois d’emplois, beaucoup plus qu’auparavant, mais aussi de mécanisation et de globalisation. Cette prise de conscience a entraîné une appétence nouvelle chez de nombreux investisseurs, y compris du grand public. Alderan, par sa longue expérience de ce secteur, l’avait anticipée.
Qu’en est-il des principales contraintes ?
L’urgence sanitaire a repoussé tous les délais administratifs, ce qui a ralenti les constructions. Les permis de construire, mais aussi l’étude des DIA (déclaration d’intention d’aliéner) par la collectivité locale ont été suspendus. A cela s’ajoute la nécessité, pour la plupart des plateformes logistiques de bénéficier d’une autorisation d’exploiter au titre d’Installation Classée pour la Protection de l’Environnement (ICPE), tant au regard de l’artificialisation des sols que l’État souhaite maîtriser que de la défense sécuritaire. Les Dreal (directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement) sont donc très vigilantes lors de l’instruction de nouveaux dossiers. Elles seront probablement un frein à la future dissémination des grandes plateformes, même en ruralité. Cela représente une chance pour les plateformes déjà créées ou les parcs logistiques déjà identifiés comme tels.
« Le commerce physique doit se renouveler pour rester attractif »
Quels sont les critères de sélection des locaux les plus importants ?
Les grands entrepôts servent à massifier les flux provenant du monde entier. On peut citer comme exemples évidemment Amazon mais également l’enseigne française Maisons du monde, qui possède un entrepôt de près de 150 000 m² près de Marseille ou bien sûr les grandes plateformes des grands distributeurs. Ces implantations ne sont jamais au cœur des villes, mais doivent être reliées efficacement à des plus petites plateformes en bordure voire au cœur de ces villes. Le critère de l’accessibilité, avec la présence d’un nœud autoroutier et de liaisons vers les principales métropoles régionales est donc essentiel, tout comme la qualité des bâtiments. L’autre critère fondamental est celui de la logistique urbaine. Il s’agit de lieux de dépôt déjà situés dans les bassins de consommation. On y trouve les quais de messagerie, dans lesquels les camions provenant de gros entrepôts vident leurs remorques, qui livrent dans les magasins ou les points de dépôts finaux.
Quel est selon vous l’avenir du commerce physique ?
Le e-commerce a certes mis en avant l’importance de la logistique, mais il représente encore moins de 20% du commerce en France. Avec, il est vrai, une forte croissance chaque année qui se réalise naturellement par l’amoindrissement du commerce physique. Ce dernier doit se renouveler pour rester attractif. Les « retail park » en périphérie des villes moyennes ont un avenir probablement limité et leurs utilisations seront transformées ; les bâtiments obsolètes deviendront des centres de dépôt et participeront à l’essor de la logistique urbaine. S’agissant des petits commerces, il faut consommer chez eux par solidarité, mais surtout les aider à s’adapter aux nouvelles habitudes d’achat, notamment le fameux « click and collect ».
Propos recueillis par Emilie Zana