Un cartel du sandwich sanctionné à hauteur de 24,5 millions d’euros
Les sociétés Roland Monterrat, La Toque Angevine et Snacking Services (connue pour sa marque Daunat) se sont entendues entre septembre 2010 et septembre 2016 pour se répartir les volumes de sandwichs et les clients, et pour s’accorder sur le niveau des prix. Représentant 90 % du marché des ventes de sandwichs sous marque de distributeurs, ces entreprises normalement rivales avaient conclu un pacte de non-agression et ainsi porté une grave atteinte au libre jeu de la concurrence. L’Autorité de la concurrence a jugé anticoncurrentielles la nature et la finalité de cet accord par son objet, tel qu’il est prévu et prohibé par l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et l’article L420-1 du Code de commerce.
Dans le cadre d’appels d’offres lancés par les grandes surfaces alimentaires et les stations-service pour s’approvisionner en sandwichs industriels, les trois entreprises composant le cartel ont défini une stratégie commune afin de désigner par avance laquelle remporterait tel ou tel marché. Elles ont aussi coordonné leurs négociations respectives avec les enseignes de distribution dans le but de faire augmenter les prix tout au long de l’exécution des accords. Cette entente, secrète et très élaborée, aura duré de manière ininterrompue durant six ans. C’est à la suite de la sollicitation du bénéfice de la clémence par l’une des parties que les pratiques anticoncurrentielles ont été révélées.
Une organisation sophistiquée
Grâce à la procédure de clémence, une entreprise impliquée dans l’entente peut en dévoiler l’existence à l’Autorité de la concurrence pour tenter de bénéficier d’une exonération totale ou partielle de sanction pécuniaire. Ici, c’est Roland Monterrat qui a sollicité l’indulgence de l’institution régulatrice, en mai 2016. Après avoir fait l’objet de visites et de saisies dans leurs locaux, La Toque Angevine et Daunat ont, par la force des choses, également demandé le bénéfice d’une clémence dite de deuxième rang. Alors bien obligées de coopérer à l’instruction pour bénéficier d’une réduction du montant de leur sanction, les sociétés ont fourni les preuves permettant d’établir les éléments de faits caractérisant l’entente. La tenue de rencontres "secrètes et informelles", l’existence d’appels téléphoniques, de sms, de mails et de diaporamas organisant un échange sur les prix et les clients, ainsi que l’utilisation de termes destinés à "maquiller au mieux la terminologie utilisée pour éviter tout risque de découverte des pratiques" ont été révélées.
En sa qualité de premier demandeur de clémence ayant porté à la connaissance de l’Autorité de la concurrence l’existence de l’entente, la société Roland Monterrat a bénéficié d’une exonération totale de sanction. La Toque Angevine deuxième demanderesse, s’est vu infliger une sanction réduite de 35 %, s’élevant à 15 574 000 euros. L’entreprise Daunat, troisième à avoir sollicité la clémence, a bénéficié du dispositif de "clémence plus" lui accordant une exonération supplémentaire pour avoir fourni des preuves incontestables permettant d’établir des éléments de fait supplémentaires ayant une incidence directe sur la détermination du montant des sanctions pécuniaires. Avec une réduction de 30 %, le montant de la sanction qui lui a été infligée atteint les 9 millions d’euros.
Léna Fernandes