Un nouveau décret royal publié au Journal officiel espagnol la semaine dernière modifie la réglementation du statut général de la profession d’avocat. Grande première : le texte prévoit un article spécifique concernant le statut de l'avocat en entreprise dont le secret professionnel est pour la première fois reconnu. Un pas de plus vers la protection des avis juridiques tant attendue par les juristes d’entreprise français.

Le mercredi 24 mars, le Journal officiel espagnol publiait le décret royal 135/2021 portant approbation du statut général de la profession d'avocat en Espagne. C’est la présidente du Conseil général des avocats espagnols, Victoria Ortega, qui avait annoncé la nouvelle le 2 mars dernier : l'approbation par le Conseil des ministres de la nouvelle réglementation de la profession. "Ce nouveau statut place notre réglementation de la profession juridique à l'avant-garde européenne", a-t-elle déclaré. Et pour cause, ce texte protège pour la première fois le secret professionnel en entreprise, longtemps revendiqué par le barreau espagnol. L’instance représentative des avocats consacrait le chapitre IV de son règlement intérieur au secret professionnel, principe directeur de la profession. Le nouveau statut le mentionne dans son article 1 de la façon suivante : "L'indépendance, la liberté, la dignité et l'intégrité sont des principes directeurs et des valeurs supérieures de l'exercice de la profession d'avocat, au même titre que le respect du secret professionnel." Dès son entrée en vigueur le 1er juillet prochain, le texte régira le fonctionnement interne de la profession en remplaçant l'actuel statut de 2001 qui était en attente de révision depuis 2013.

L’avocat en entreprise reconnu

Le nouveau statut général de la profession d'avocat apporte davantage de clarté en mentionnant expressément que "la profession d'avocat peut être exercée en tant qu’activité salariée dans le cadre d'une relation individuelle ou collective (…) dans laquelle les libertés fondamentales, l'indépendance et le secret professionnel doivent être respectés". Le statut d’avocat en entreprise est désormais consacré, alors qu’aucune distinction n’existait réellement auparavant au sein de la fonction juridique. Désormais, les entreprises espagnoles devront garantir à leurs juristes liberté, indépendance et secret professionnel dans l’exercice de leurs fonctions, au même titre que les avocats.

Ces dernières années, la reconnaissance du secret professionnel des juristes en entreprise a été écartée de nombreuses fois, dans le cadre d’enquêtes internationales notamment. La Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt controversé de l'affaire Akzo Nobel Chemicals Ltd en 2010 avait d’ailleurs jugé qu'il n'existait pas de secret professionnel pour les juristes d'entreprise, lesquels étaient donc tenus de déclarer tous les faits dont ils avaient connaissance, au seul motif qu'ils étaient soumis à une relation de travail empêchant leur indépendance. Les tribunaux espagnols, à l’instar d’autres juridictions européennes, rejetaient ainsi la possibilité pour les juristes d’entreprise d’invoquer le secret de la relation professionnelle. Le secret professionnel prévu dans le texte de 2001, en vigueur jusqu'à présent, ne permettait par ailleurs pas de clarifier les interrogations sur la portée de l'obligation de secret professionnel en entreprise. Le texte se contentait en effet de prévoir, parmi les droits et devoirs généraux des avocats, "de garder le secret sur tous les faits ou informations qu'ils connaissent dans le cadre de leur exercice professionnel, et ils ne peuvent être contraints de les déclarer". Avec l’adoption du nouveau statut général de la profession, un réel legal privilege, qui réglemente l’application du secret professionnel de l’avocat en entreprise, est pour la première fois reconnu.

Quid des juristes fiscalistes ?

Comme l'a souligné José María Alonso, vice-président du Conseil général des avocats en Espagne, le respect de cette valeur essentielle de la profession a subi de nombreuses menaces ces dernières années, notamment de la part des institutions européennes. La directive DAC 6, transposée l'année dernière en droit espagnol, a établi l'obligation pour les intermédiaires fiscaux (conseillers, avocats ou institutions financières) de déclarer certaines opérations fiscales pouvant être considérées comme suspectes. Sa transposition en France est d’ailleurs toujours contestée devant les tribunaux administratifs par les instances représentatives des avocats français. En pratique, selon les experts de la matière fiscale, il sera difficile de se prévaloir de la dérogation à cette obligation d'information au titre du secret professionnel. Le sort des avocats fiscalistes en entreprise demeure donc encore entouré de questions.

Côté français, la filière juridique reste encore divisée sur la question. Au mois de février dernier, la Chancellerie avait proposé d’expérimenter le statut d’avocat en entreprise et par là même la confidentialité des avis des juristes au travers du legal privilege. Le premier pas de l’Espagne en ce sens entraînera peut-être des évolutions similaires chez ses voisins européens.

Marine Calvo

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