A. Cohen-Jonathan (Tamaris) : "Créer un cabinet est un risque, mais surtout une aventure"
Décideurs. Qu’est-ce qui vous a motivée à créer votre propre structure ?
Alexandra Cohen-Jonathan. Pendant le premier confinement, j’ai constaté que je travaillais aussi efficacement, voire plus efficacement, en télétravail et que contre oute attente cela me rapprochait de mon équipe, puisque j’étais allégée ou en tout cas plus éloignée de la charge quotidienne inhérente à une grande structure. Cette période nous a permis de nous recentrer sur notre coeur de métier.
Je fais également partie de ces personnes pour qui le confinement a provoqué ou en tout cas rendu plus importante la recherche de sens. J’exerce un métier que j’adore depuis vingt-cinq ans, c’est une grande chance, et cet enthousiasme m’est essentiel pour l’exercer le mieux possible. Or, cet enthousiasme naît à la fois de l’attrait de la matière intellectuelle et technique, et des relations interpersonnelles que j’entretiens avec mes clients et avec mes collaborateurs ! Cette recherche de sens m’a donc amenée à la conclusion que l’humain est fondamental pour continuer à exercer avec plaisir et par conséquent, avec succès. Ce qui est plus facile dans une petite structure. Ce type de structure favorise en effet, selon moi, la transmission et la possibilité pour des collaborateurs de progresser afin – car c’est le but ultime de cette profession – de devenir les associés de demain.
Et puis, je crois tout simplement que le temps était enfin venu de fonder mon propre cabinet, non pas pour satisfaire un quelconque égo, mais pour être dans la « création » y compris avec sa part de risque qui fait partie intégrante de la nature humaine et qui rejoint d’ailleurs le coeur de métier de mes clients ! À 50 ans, j’ai compris que j’étais prête à le faire et que j’avais envie de le faire avec une équipe forte, soudée, compétente et qui partage avec moi les mêmes valeurs d’humanité. Mes clients ont d’ailleurs partagé mon enthousiasme pour cette nouvelle aventure.
Pourquoi avoir choisi ce nom de cabinet, Tamaris ?
Nous étions tous d’accord pour ne pas associer directement mon nom à celui du cabinet puisque cela n’aurait pas correspondu à la volonté qui a présidé à sa création. Nous cherchions donc un nom qui soit symbolique. En 2020, j’ai eu la chance de me confiner à la campagne, car comme plusieurs de mes collaborateurs, je partage un très grand amour de la nature, et c’est donc naturellement que nous nous sommes tournés, rapidement, vers des noms d’arbres en relation avec la notion de protection, inhérente au domaine des assurances dans lequel nous exerçons et, de manière plus accessoire, la signification grecque de mon prénom. Nous avons alors pensé au tamaris. C’est un arbre symbolique : outre la protection, il représente la capacité de pousser, de se développer et de survivre dans tous types de sols, y compris dans des conditions rigoureuses. Créer un cabinet est un risque, mais surtout une aventure qui mène à de nombreux horizons : ce nom nous allait donc parfaitement bien. C’est aussi un arbre qui symbolise l’immortalité et c’est tout ce que je souhaite à ce cabinet. C’est un bel arbre et j’espère qu’il nous représente bien.
Quelles sont vos ambitions ?
Je souhaite trouver toujours autant de plaisir à m’occuper de dossiers qui m’intéressent et à apporter à nos clients entière satisfaction, en d’autres termes être parmi les meilleurs dans notre domaine. Mon ambition à long terme est également de faire évoluer tous mes collaborateurs vers l’association, que ce cabinet devienne aussi le leur, et que nous grandissions ensemble en recrutant de nouveaux collaborateurs.
Qu’est-ce qui, selon vous, fait votre force ?
Professionnellement parlant, ce qui fait la force du cabinet est notre aptitude à traiter des dossiers complexes, grâce à notre parfaite connaissance du métier des assureurs et de celui de leurs assurés.
"Le tamaris représente la capacité à pousser, à se développer et à survivre dans des conditions rigoureuses"
Pour ma part, je crois avoir la capacité à mettre en avant mes collaborateurs. Dans notre spécialité, l’ensemble des dossiers ne peut peser sur les épaules d’une seule personne, à défaut, le nombre de dossiers confiés au cabinet serait limité par le temps dont dispose cette seule personne ! Pour autant, je sais avoir une visibilité sur 100 % des dossiers du cabinet.
Pouvez-vous nous rappeler votre positionnement ?
Il est pour une grande partie clairement tourné vers le conseil et le contentieux en assurance. Mes principaux clients ont une confiance absolue en moi sur toutes les problématiques d’assurance. Nous comptons par ailleurs davantage nous développer en regulatory.
Notre positionnement est également centré sur les grands risques, qu’il s’agisse de risques industriels ou de la RC produits, mais nous n’avons pas de difficulté à intervenir sur des risques plus middle. Nous traitons également des dossiers de masse comme les accidents collectifs, les retraits et rappels de produits défectueux ou encore les sinistres sériels qui peuvent également relever de la faute professionnelle.
Nous sommes par ailleurs très sollicités pour des analyses juridiques et contractuelles pures, segment sur lequel nous sommes reconnus.
Quelles sont les grandes tendances du moment dans votre secteur ?
Le confinement et les mesures sanitaires ont eu pour conséquence une explosion des dossiers d’assurance des pertes d’exploitation, qui occupent encore bon nombre d’avocats. Les risques exceptionnels ont toujours constitué une part prégnante de l’activité des assureurs : le risque de catastrophes naturelles est l’un des sujets qui préoccupent régulièrement les assureurs. Il s’agit cependant d’un sujet sur lequel il y a rarement besoin d’un avocat, à la différence de cette crise sanitaire que nous subissons. Le risque technologique, notamment au regard de l’augmentation des attaques cyber, occupe aussi les assureurs.
On parle également beaucoup des captives. Quelle en est votre vision ?
Cela fait plus de vingt-cinq ans que je travaille avec des captives d’assurance. C’était quelque chose qu’on n’apprenait pas dans les livres, mais avec la pratique ! Je suis donc habituée à travailler sur des programmes qui incluent des captives depuis que j’exerce.
Je n’ai pas le sentiment qu’il y ait plus de captives aujourd’hui, mais elles interviennent sur des montants beaucoup plus importants qu’auparavant car les franchises sont de plus en plus élevées. Elles sont soit gérées par les assureurs soit par les service assurance des entreprises.
Vous êtes également arbitre… Pouvez-vous nous en dire plus sur cette activité ?
Cette activité est en marge de mon activité d’avocat d’assurances. J’ai été élevée dans le monde des céréaliers ! Or, ces derniers – négociants, agriculteurs, stockeurs… – utilisent des contrats de vente types appelés « incograins », qui renvoient en cas de litige à l’arbitrage de la Chambre internationale arbitrale de Paris qui était spécialisée dans les métiers du grain, des fruits et des légumes. Depuis, elle s’est ouverte à tous les domaines. Dès que je suis devenue avocate, je suis intervenue dans des contentieux céréaliers devant cette Chambre internationale d’arbitrage et, assez rapidement, on m’a proposé de m’inscrire sur la liste des arbitres. À l’époque où elle ne fonctionnait que dans le milieu des céréales, le tribunal arbitral était composé d’un professionnel du droit automatiquement président et de deux professionnels des céréales. J’ai donc été à de très nombreuses reprises nommée présidente, ce qui m’a donné la chance de rédiger un grand nombre de sentences arbitrales, exercice assez difficile. C’est cependant un domaine sur lequel j’interviens de moins en moins puisque les acteurs du milieu céréalier vont de moins en moins à l’arbitrage et règlent davantage leurs litiges à l’amiable. La Chambre internationale d’arbitrage de Paris connaît également une forte concurrence de son homologue de Londres. Cette expérience m’a permis de parfaitement comprendre les rouages de l’arbitrage tant du côté conseil que du côté du tribunal.