À la tête de Transparency International France depuis le 28 septembre 2020, Patrick Lefas revient pour Décideurs sur le bilan de sa première année de mandat et expose les grandes lignes de sa feuille de route.

Décideurs. Vous avez été élu président de Transparency International France le 28 septembre 2020. Quel bilan tirez-vous de vos premiers mois à la tête de cette organisation ?

Patrick Lefas. Mes premières actions s’inscrivent dans la continuité du travail efficace réalisé par mon prédécesseur. Nous multiplions les actions en faveur de la transparence et de la lutte contre la corruption. Transparency France est la seule association anticorruption à utiliser tous les modes d’action contre la corruption : le contentieux, le plaidoyer et l’accompagnement des acteurs. En tant qu’organisation agréée par le ministère de la Justice pour exercer des droits reconnus à la partie civile, nous sommes intervenus dans des procès politico-financiers à forts enjeux, comme les "biens mal acquis", mais aussi l’affaire Guérini à Marseille. Nous contribuons à l’élaboration des lois, comme quand nous participons aux débats sur la transposition de la directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte. Auprès des pouvoirs publics et des entreprises, nous oeuvrons pour la promotion d’une culture de l’éthique et de l’intégrité. Nous contribuons enfin à informer et sensibiliser nos adhérents, donateurs, sympathisants et le grand public à l’importance de l’intégrité.

Quelle est votre feuille de route pour vos deux prochaines années ?

Nous sommes à un an des prochaines élections présidentielles et l’enjeu pour nous est de voir portées plus haut nos valeurs de transparence de la vie publique et de lutte contre la corruption. La loi Sapin 2 est certes une avancée en la matière, mais la volonté politique semble aujourd’hui s’essouffler. C’est la raison pour laquelle nous suivons avec une attention particulière, l’évolution du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire - adopté en première lecture à l’Assemblée le 25 mai 2021 - qui prévoit de réduire la faculté du parquet national financier en réduisant les délais d’enquête préliminaire et en étendant la protection du secret des avocats à leurs activités de conseil. 

"Le problème de la France, c'est qu'elle réagit postérieurement à des scandales"

Autre sujet important : le renforcement de notre capacité à rester en justice. Dans des procès de type Bygmalion par exemple notre agrément ne nous autorise pas à nous constituer partie civile. Notre champ d’action ne couvre pas certaines infractions comme le financement illégal des campagnes. De plus, la loi nous paraît peu sévère sur ce point. Elle ne prévoit qu’un an ferme et 3 750 euros d’amende.

Enfin, nous espérons obtenir dans les prochaines semaines, après quatorze ans de procédures et de plaidoyer, la création d’un mécanisme de restitution des avoirs issus de la corruption ainsi qu’une première condamnation définitive dans une affaire de biens mal acquis avec l’affaire Teodorin Obiang. Nous allons intensifier nos actions de coopération avec les autres sections de notre mouvement à travers le monde pour partager notre expérience et nos ressources dans ce domaine.

En 2020, la France reste 23e du classement concernant la perception de la corruption dans le monde. Comment peut-elle espérer progresser ?

Il s’agit d’un choix politique avant tout. Il appartient aux décideurs publics d’inscrire la lutte contre la corruption à l’agenda politique afin que des moyens conséquents soient engagés pour améliorer le niveau de transparence dans les affaires et dans la vie publique. Si on a connu des avancées notables depuis 2013 avec la création la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, le Parquet national financier ou l’Agence française anticorruption, des efforts restent encore à faire. Il faut anticiper les risques de corruption, mettre davantage l’accent sur la bonne gouvernance. Le problème de la France, c’est qu’elle réagit a posteriori, une fois que le scandale a éclaté, et non en prévention. De plus, très peu de sanctions exemplaires sont prononcées. Or, des sanctions comme les peines d’inéligibilité peuvent dissuader des élus notamment tentés par la corruption. Enfin d’autres pistes d’amélioration restent possibles : réduire l’exigence de la preuve en matière de corruption, accorder une place plus importante aux victimes, améliorer l’accès aux données de corruption ou faire du PNF une autorité judiciaire parfaitement indépendante du pouvoir public.

Propos recueillis par Yannick Tayoro

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