Le marché de la santé est un terrain de jeu propice aux investisseurs dans un écosystème en mutation : le numérique impulse de nouveaux usages et métiers, la R&D en produits de santé est en accélération (DM & Pharma, E-santé, biotech), le tout porté par les attentes fortes des patients (être soignés mieux, plus vite et à moindre coût). Investir dans la santé requiert une approche experte en regard des "drivers" réglementaires au cœur de la valeur et de l’accès au marché.

Les opérations d’acquisition, d’investissement ou de création d’activité sont traditionnellement structurées à partir des "clés corporate" et de financement. Acheter, investir, prendre le contrôle, ou créer une structure dans le domaine de la santé, et ce s’agissant tant de la chaîne de mise sur le marché des  produits  de  santé (fabrication, distribution), que des métiers (soins, prévention, pharmacie, prestations à  domicile…),  via  les canaux digitaux (commerce électronique, télésanté, dispositifs médicaux logiciels) ou en mode  "moléculaire" (structures d’exercice…)    reposent sur des clés réglementaires déterminantes de l’accès au marché et de la valorisation/protection des investissements.

Les enjeux

Intégrer le coût et le tempo de la conformité.  La mise sur le marché de produits de santé ou d’une activité de santé,  repose  nécessairement sur un cahier des charges réglementaire et dans un grand nombre de cas sur des guichets d’accès au marché. Dans tous les cas, cela implique des coûts et des délais spécifiques, déterminants du business model et du business plan. À cet égard, la maîtrise  du  cadre réglementaire permettra une approche ajustée de l’investissement et le pilotage réaliste de l'accès au marché.

Atteindre la cible de faisabilité. Afin que le cadre réglementaire ne constitue pas un frein à l’investissement, et mécaniquement  à  l’innovation,  les opérations corporate doivent intégrer le design réglementaire et  le modèle légal  de  l’activité  cible. Concrètement, certains métiers sont monopolisés et peu, ou pas, ouverts au financement tiers (hors professionnels de santé réglementés), la commercialisation de certains produits requièrent des structures juridiques exploitantes dites exclusives ou dédiées, ou encore certaines activités ne sont pas compatibles pour être déployées par une même structure juridique (soigner et vendre des produits de santé), et enfin certains flux financiers peuvent être interdits. À l’heure de la verticalisation et  de la consolidation,  seule  une  fine analyse, en amont des "composants" réglementaires en présence, permettra d’atteinte la cible de faisabilité par une structuration juridique et financière agile. La maîtrise du cadre réglementaire est ici une barrière à l’entrée.

Répartir la valeur.  Là  encore  en  regard des règles en présence au secteur de la santé, les "retours sur investissements" peuvent être contraints dans un cadre d’actionnariat complexe (structures financières, structures commerciales, structures à but non lucratif…) où les personnes physiques (professionnels de santé) peuvent avoir des rôles imposés. Autant de défis à une gouvernance  "traditionnelle".  D’emblée, il y a lieu d’intégrer ces spécificités afin de répartir la valeur de manière cohérente et de protéger les investissements : parmi les clés figurent évidemment la centralisation de la propriété des actifs innovants, le cadre d’exploitation des données (valeur en soi), les modèles de contractualisation.

La méthodologie. Afin  d’intégrer  les  drivers  réglementaires d’une opération d’investissement en santé "au bon  endroit et  au bon moment", trois niveaux d’intervention peuvent être articulés.

Design réglementaire et modèle légal de la structuration juridique et financière

Avant  toute  phase  d’opération  d’investissement, il est indispensable de passer par une étape de  qualification  [création] ou de requalification légale et réglementaire  [financement, acquisition] de la cible. Il s’agit ici, de définir au regard des contraintes en présence le design réglementaire et le modèle légal correspondant au  positionnement des activités –  produits, services, technologies  – et leur    articulation, à travers la structuration juridique de l’opération. La structuration financière sera, quant à elle, calée sur la structuration juridique, tenant compte (i) des coûts d’accès au marché, (ii) du calendrier des guichets réglementaires (financement d’une étude clinique  préalable  par  exemple…),  (iii) du  modèle  de  prix  (remboursement/pas de remboursement par exemple…), (iv) des canaux de commercialisation et des coûts de marketing associés.

Les due diligences

Dans  le  cadre  d’une  opération  de  financement ou d’acquisition, la phase des due diligences doit comprendre un double module réglementaire : d’une part (i) le cadre de conformité aux règles de protection des données (la valeur est directement liée à l’exploitabilité juridique des données en fonction du niveau de conformité ayant présidé au déploiement de l’activité concernée) ; d’autre part, (ii) l’analyse du positionnement légal et réglementaire de l’activité tel que retenu initialement : la valeur ici est directement corrélée aux écarts  éventuels  de  conformité,  nécessitant potentiellement des actions de "redressement" du modèle, plus ou moins longues et/ou coûteuses. La documentation juridique En fonction des étapes précédentes, la documentation juridique doit intégrer les  résultats : -  la définition du design de structuration juridique afin d’articuler une ou plusieurs structures juridiques et de définir les liens entre elles et la détermination du référentiel de gouvernance (juridique et contractuel) ;-  la  définition  de  conditions suspensives liées à des mises en conformité ou  le  franchissement  d’étapes  réglementaires (marque CE par exemple) ;-    la définition de garanties spécifiques au sein des actes de cession en cas de risques particuliers devant être périmétrés et déclenchables par survenance du risque. Au fond, la "puissance réglementaire" de l’opération permettra aux investisseurs de moins  subir la contrainte,    d’accélérer et de sécuriser l’investissement, voire de transformer les    spécificités légales en opportunité  de  marché  et en tout  cas  d’installer une barrière à  l’entrée.

LES POINTS CLÉS

- Toutes les innovations en santé percutent un cadre réglementaire contraint et hétérogène : produits, services, métiers, structures juridiques, technologies sont touchés par la réglementation

- La conformité de l’innovation santé a un coût et un rythme déterminant de la valorisation de l’investissement

- L’accès au marché sur la base d’une équation vertueuse ‘conformité + rapidité + protection de la valeur’ requiert   une maîtrise des  drivers  réglementaires dans la structuration juridique et financière

- Investir en innovation santé requiert de dompter la contrainte par un design et un pilotage réglementaire inclusif dès le stade de la conception en phase de création ou en redressement du modèle légal en phase de financement/acquisition

SUR L’AUTEUR. Nathalie  Beslay  a  créé  le  cabinet  +  Avocats,  pionnier  sur  les  sujets d’innovation  en  santé,  et  intervient  en  accompagnement  et  en  défense   des  intérêts  des  acteurs  et  opérateurs  du  système  de  santé,  à  tous  les  stades de  la  transformation  des  métiers,  de  l’émergence  de  nouvelles  organisations, et  de  l’accès  au  marché  des  produits,  des  services  et  des  technologies.   Les  deux  dernières  années  sont  marquées  par  des  interventions  de  plus   en  plus  fréquentes  lors  d’opérations  d’acquisition,  d’investissement  ou   de  création  d’activités  dans  le  domaine  de  la  santé.

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