Céline Lasek et Arthur Dethomas : leurs projets pour le conseil de l'ordre
Vous faites campagne pour intégrer le conseil de l’ordre des avocats de Paris dans un contexte bien particulier. Sentez-vous vos consœurs et confrères attentifs à votre profession de foi et si oui pourquoi ?
Arthur Dethomas. Beaucoup de confrères connaissent aujourd’hui une très forte activité, tant en contentieux, avec la reprise du fonctionnement des juridictions, qu’en conseil, particulièrement dans le sillage des fusions-acquisitions du fait de l’afflux massif de liquidités qui poussent les prix des actifs à la hausse. Paradoxalement, cette situation accroît les inégalités avec ceux du barreau qui étaient déjà à la peine et qu’il ne faut pas oublier. Par ailleurs, les relations avec les magistrats ont été particulièrement tendues ces derniers temps. À l’approche de l’élection présidentielle, il faudra être déterminé dans nos relations avec les pouvoirs publics. Dans ces circonstances, nous avons l’impression que la campagne intéresse les confrères, qui réalisent bien les nombreuses difficultés qui se posent à la profession. Nos échanges sont nourris, j’espère que cela se retrouvera dans les urnes, et notamment dans les chiffres de la participation.
Céline Lasek. Au premier janvier prochain, Julie Couturier et Vincent Nioré prendront leurs fonctions de bâtonnière et de vice-bâtonnier. Nous considérons que ce nouveau départ est une chance pour le barreau. Leur dynamisme et leur volonté de mettre un terme à la spirale dans laquelle nous nous trouvons avec nos juges guident notre engagement. Leur action trouve déjà un écho dans les propos très encourageants tenus à la fois par la nouvelle procureure de Paris et le nouveau président du tribunal judiciaire.
Quelles sont les valeurs qui guident votre engagement ?
C. L : Nous sommes avant tout candidats pour agir. Nous avons chacun un peu plus de vingt ans de barreau et souhaitons mettre notre expérience, notre engagement et notre force de travail au service de l’Ordre et de nos confrères. Cette décision, mûrement réfléchie, est le fruit d’une rencontre et d’aspirations partagées. Nous nous connaissons bien et exerçons avec la même passion, la même conviction et la même sincérité. C’est ce qui fonde notre engagement, partage de valeurs professionnelles, mais aussi humaines. Car nous aimons les avocats, et toutes nos rencontres depuis le début de la campagne nous ont renforcés dans ce sentiment. Notre engagement commun dans la formation des futurs avocats, et au-delà, a également nourri notre réflexion. Je suis membre de l’Association des avocats pénalistes (ADAP) et j’ai participé à la création du Club des femmes pénalistes. J’ai fait partie de l’équipe d’enseignement du parcours pénal à l’EFB et je participe régulièrement à des formations à destination des futurs magistrats à l’ENM. De son côté, Arthur est expert au Club des juristes et maître de conférences à Sciences Po Paris.
"Le dialogue que nous souhaitons doit être franc et exigeant, intransigeant sur notre secret professionnel que nous défendrons ardemment, mais toujours constructif".
A. D : Aujourd’hui, nous avons l’envie, l’énergie et la maturité pour nous présenter à ces élections et espérer apporter au conseil de l’Ordre le fruit de la diversité de nos parcours.
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
A.D : Par l’intermédiaire d’un ami commun il y a une quinzaine d’années. À l’époque nous étions tous les deux collaborateurs, Céline chez Olivier Metzner et moi en fusions-acquisitions chez Salans Hertzfeld & Heilbronn. Nous avons eu la chance de nous rencontrer dans un cadre amical, avant d’avoir l’opportunité de travailler ensemble sur plusieurs dossiers. À cette occasion, au-delà de ses qualités humaines, j’ai apprécié le grand professionnalisme de Céline. Même si nous exerçons aujourd’hui dans des structures très différentes, je crois que nous apprécions tous deux notre façon d’aborder la profession, l’engagement dans chaque dossier, l’exigence de qualité et d’excellence technique du travail. Pour être franc, ce binôme allait de soi et le plaisir que nous avons à faire campagne ensemble nous le confirme.
Qu’est-ce qui vous différencie et qui, au contraire, vous rassemble ?
C. L : nous exerçons tous les deux dans des structures très différentes. Arthur est avocat aux barreaux de Paris et de New York et a commencé comme collaborateur en M&A. Après avoir été premier secrétaire de la Conférence en 2003, il a rejoint CVML dont il est devenu associé avant de s’installer à son tour et de fonder un cabinet dédié au contentieux des affaires. En janvier 2020, il a rejoint Hogan Lovells dont il dirige l’équipe contentieux. De mon côté, après avoir prêté serment j’ai rejoint le cabinet Metzner Associés où j’ai passé six années. Après m’être installée, j’exerce aujourd’hui en droit pénal des affaires et en droit pénal général en cabinet individuel avec une collaboratrice. Arthur le disait : nous avons la même passion pour la profession, la même sincérité et le même engagement dans nos dossiers. J’ai une grande admiration pour sa manière d’exercer, son exigence d’excellence et son humanité. Parce que ce qui nous rassemble est bien plus fort que ce qui nous différencie, cela fait de nous un binôme particulièrement complémentaire, à l’écoute des différentes formes d’exercice de cette profession.
Si vous êtes élus, dans quelle commission souhaiteriez-vous siéger ?
C. L : Par goût, la commission pénale naturellement. Mais nous aimerions également, l’un comme l’autre, nous engager pleinement dans l’amélioration des relations avec les magistrats. La confiance doit être restaurée. Il n’y a aucune fatalité à nos relations actuelles, à l’isolement auquel le tribunal nous a contraints, et nous devons œuvrer à renouer un dialogue apaisé avec nos juges. Le dialogue que nous souhaitons doit être franc et exigeant, intransigeant sur notre secret professionnel que nous défendrons ardemment, mais toujours constructif.
"L’Ordre de Paris est le plus puissant de France par le nombre de confrères qu’il regroupe et son poids économique dans la profession"
A.D : Oui, le dialogue doit être restauré, c’est capital. La prééminence de la place de Paris passe par une amélioration de nos relations avec les magistrats. On note que c’est plus simple dans les juridictions spécialisées, où l’intuitu personae est plus fort. Il faut œuvrer en ce sens. Nous pourrions également nous appuyer sur les bonnes relations que nous entretenons collectivement avec les juges au tribunal de commerce pour nous aider à renouer le dialogue. Par ailleurs, la commission internationale m’intéresserait, il reste beaucoup à faire pour contribuer à l’ancrage de Paris comme capitale juridique de rayonnement international.
Quel regard portez-vous sur des sujets aussi brûlants pour la profession que sont l’ouverture du capital des cabinets d’avocats aux investisseurs extérieurs, la rémunération de l’apporteur d’affaires ou encore le statut d’avocat en entreprise ?
A. D : Sous réserve des modalités pratiques de mise en œuvre de chacun de ces sujets, je suis pour les envisager sans tabou. Tout ce qui permettra de renforcer la profession et sa capacité à peser politiquement et à appréhender une part plus significative encore du marché des services juridiques doit être envisagé avec volontarisme. Sur ces sujets, évoqués désormais de longue date, au moins depuis le rapport de la commission Darrois pour l’ouverture des cabinets aux capitaux extérieurs, il me semble qu’il faut avoir une approche double : pragmatique et déontologique. Pragmatique parce que l’equity est une source de financement alternative à la dette qui devrait pouvoir être accessible à ceux qui le souhaitent, notamment pour permettre l’expansion des cabinets (ouverture de nouveaux bureaux, accueil d’équipes entières). Déontologique ensuite parce que, naturellement, ces sujets doivent être appréhendés avec la préservation de nos règles déontologiques comme exigence première. Ainsi, s’agissant de l’ouverture du capital des cabinets, cela passe par une ouverture minoritaire en capital et qui doit assurer contractuellement un contrôle effectif de la gouvernance aux avocats du cabinet, peu important le taux de détention par des extérieurs.
Un mot pour inciter les avocats parisiens à voter ?
A. D : Nous nous plaignons de ne pas être écoutés des pouvoirs publics. Le sujet est particulièrement prégnant aujourd’hui, avec la menace qui pèse sur notre secret. L’Ordre de Paris est le plus puissant de France par le nombre de confrères qu’il regroupe et son poids économique dans la profession. Pour être pleinement entendu, il est essentiel qu’il soit représentatif du plus grand nombre d’entre nous, et la participation aux élections est donc capitale. Notre avenir ne nous échappera que si l’on ne s’en empare pas. Tous au vote les 30 novembre et 1er décembre !
Propos reccueillis par Marine Calvo