À la mémoire de Carl Salans, 1933-2021
Né Carl Fredric Salans le 13 mars 1933 à Chicago Heights, Illinois, il a développé un intérêt pour les affaires internationales dès son plus jeune âge. Formé à Harvard, Cambridge et à l'université de Chicago, Carl Salans a commencé sa carrière au bureau du conseiller juridique du Département d'État américain en 1959. Au cours des quinze années suivantes, il est devenu conseiller juridique adjoint du Département d’Etat, le poste le plus élevé non « politique » au sein du département et a été impliqué dans certaines des questions géopolitiques les plus sensibles de l'époque, l'affaire des Pentagon Papers, la Conférence de Genève sur la neutralité du Laos ou encore les pourparlers de paix au Vietnam. Il a également participé à de nombreuses négociations de traités internationaux, notamment en tant que chef de la délégation américaine à la conférence de l'UNESCO qui a établi la Convention du patrimoine mondial.
De Salans Hertzfeld & Heilbronn à Dentons
Après avoir quitté le département d'État en 1972, en désaccord avec la position de sa propre délégation dans le cadre des pourparlers visant à mettre fin à la guerre du Vietnam, Carl Salans rejoint le cabinet d'avocats de Samuel Pisar à Paris. Il y rencontre Eliane Heilbronn et Jeffrey Hertzfeld, avec lesquels il fonde le cabinet d'avocats international Salans, Hertzfeld & Heilbronn en 1978. Il crée la pratique arbitrage international du cabinet et y encadre des générations de jeunes avocats. Quelques années plus tard, le cabinet deviendra Salans avant de s’associer, en 2013, à Fraser Milner Casgrain et SNR Denton pour former le cabinet Dentons.
Carl Salans a été arbitre au sein du Tribunal des réclamations Iran-États-Unis à La Haye. Il a été pendant plusieurs années membre américain de la Cour internationale d'arbitrage de la CCI, puis vice-président, avant de présider la Cour en 2008 après le départ de Pierre Tercier et avant la présidence de John Beechey, dont il a préparé l’arrivée.
Humaniste reconnu et "soft power"
Carl Salans laisse le souvenir non seulement d’un grand professionnel mais aussi d'un homme de valeurs, profondément attaché aux personnes. Croyant fermement au pouvoir des relations, il prenait le temps d'apprendre à connaître ses clients et collègues sur un plan personnel et était toujours disponible pour écouter et offrir des conseils.
Theodore Matheny, ancien associé de Dentons, se souvient de Carl Salans comme d'un homme très soucieux du bien-être de chacun au travail et dans sa vie familiale : "Comme tant d'autres chez Dentons Paris, je rencontrais Carl dans son bureau. Assis ensemble à sa petite table ronde, il orientait rapidement la conversation sur mes intérêts personnels, ma situation familiale et ce qui m'avait amené en France. En effet, pour lui, le côté humain de la profession était tout aussi important, sinon plus, que le côté technique. Il était comme cela avec tous les membres du cabinet, quelle que soit leur fonction. Je n'oublierai jamais les propos de Carl lors de la célébration du 40ème anniversaire de la création du cabinet en 2018. Après avoir chaleureusement remercié les associés, il a évoqué une partie de notre vie si souvent négligée ou méconnue : le dévouement et le travail acharné de tous, et derrière eux, le soutien des conjoints et des familles qui contribuent à rendre leur dévouement et leur travail possible. Les mots qui définissent Carl sont pour moi : excellence professionnelle et intégrité, humilité et humanité."
"Pour lui, le côté humain de la profession était tout aussi important, sinon plus, que le côté technique. Il était comme cela avec tous les membres du cabinet, quelle que soit leur fonction."
Pascal Chadenet, associé du groupe Corporate M&A de Dentons, se souvient de sa simplicité, de sa lucidité, de sa loyauté et de ses étonnantes capacités d'écriture. "Je n'ai pas beaucoup travaillé avec Carl - il s'occupait surtout d'arbitrage et moi de fusions-acquisitions. Nous avons tout de même eu quelques dossiers ensemble. J'ai souvent été frappé par son immense qualité de rédaction. Ses phrases étaient incroyablement concises et claires. Il écrivait en quelques lignes ce que d'autres avocats auraient écrit en trois pages.Lorsqu'il était encore un associé actif du cabinet, il envoyait tous les trois mois un message à tous les collaborateurs et collaboratrices qui venaient de rejoindre le cabinet, les invitant à venir le voir. Ces jeunes avocats passaient une demi-heure avec lui et repartaient toujours enthousiastes, fiers de l'avoir rencontré et de l'avoir entendu partager sa vision du cabinet. L’héritage que Carl laisse à Dentons est celui d’avoir été - et d’être toujours - parmi les premiers cabinets multinationaux mondiaux. C’était la vision des fondateurs de Salans, à l’échelle de l’Europe, et c’est toujours la nôtre, désormais à l’échelle du monde."
Jean-Christophe Honlet, ancien associé responsable du groupe d’arbitrage international de Dentons, se rappelle de Carl Salans comme celui dont il a le plus appris en arbitrage : " Il était consulté par certains des plus grands noms en arbitrage. Il émanait de lui une autorité naturelle et sans la moindre pompe – il n’a d’ailleurs jamais cherché la lumière. Il savait naturellement se faire écouter et respecter en tant que conseil, arbitre ou au sein de la Cour d’arbitrage de la CCI, ce à quoi John Beechey a justement rendu hommage en tant que "soft power" ".