Rien ne prédestinait Antoine Brocas, féru de littérature, à une carrière juridique. D’abord en hypokhâgne, il se réoriente vers des études de droit et devient avocat. Il finit par intégrer le monde de l’entreprise et y découvre la compliance.

Un magistère en droit anglo- américain à la fac de Nanterre, un LLM à la Cornell Law School, l’obtention du barreau de New York… Antoine Brocas commence sa carrière début 2006 chez Rambaud Martel, tout juste devenu Orrick Rambaud Martel et rencontre un jeune associé de la structure, Saam Golshani, avec qui il tisse des liens très forts.

Après une année passée dans le cabinet d’avocats d’affaires, il décide de suivre celle qui deviendra son épouse, avocate également, à New York et intègre White & Case. Après trois années passées dans la Big Apple, la France lui manque : conscient du retard qu’il risquerait de prendre sur ses concurrents dans le développement de sa clientèle, Antoine Brocas comprend, courant 2009, qu’il est temps de rentrer.

Il sait où aller : avant de s’installer à New York, il avait promis à Saam Golshani qu’à son retour des États-Unis, il réintégrerait ses équipes. Promesse tenue. Jusqu’à cet appel en 2013 qui bouleverse sa carrière : celui d’un chasseur de têtes qui l’a repéré et lui propose un poste dans une entreprise de luxe. Antoine Brocas hésite : "Je n’avais pas d’appétence particulière pour le monde du luxe, que j’assimilais essentiellement à la mode." Un préjugé qu’il va vite dépasser quand il comprend qu’il s’agit en fait de la société Pernod Ricard, dont il a toujours admiré les valeurs, le rayonnement en M&A et le positionnement de l’équipe juridique au plus haut de la structure. L’année 2013 marque ainsi le début d’un nouveau chapitre de sa carrière au sein du département fusions-acquisitions du géant des spiritueux. Chapitre qui lui permettra de découvrir le monde de l’entreprise et la compliance. "À l’époque, la gestion des problématiques de compliance n’était pas aussi en vue qu’aujourd’hui. Toutefois, je continuais de m’appliquer les conseils de mes mentors chez White & Case, à savoir de ne jamais refuser un dossier, donc une occasion d’apprendre."

En 2015, Antoine Brocas s’envole pour Dublin avec sa femme et ses filles et se mue en directeur juridique d’une filiale de Pernod Ricard, Irish Distillers (producteur notamment du whiskey Jameson).

"Je considère que la valeur ajoutée de chaque juriste réside dans sa capacité à exploiter le cadre réglementaire, avec l’obsession de donner un avantage concurrentiel à son business"

Il retrouve Paris en 2018 et prend la tête de la direction des affaires corporate du groupe avant d’accéder à son poste actuel de secrétaire du conseil et de chief ethics & compliance officer où il est chargé, d’un côté, des problématiques relatives à la gestion de la gouvernance de la société, à l’organisation du conseil d’administration et la gestion de l’information sensible, et de l’autre, de diriger l’activité compliance, notamment les enjeux liés à la lutte contre la corruption, le blanchiment, les conflits d’intérêts et la gestion des données personnelles. Avec un objectif : "Rechercher en permanence l’équilibre entre la protection du business et la liberté des opérationnels." C’est ce qu’il appelle la "smart compliance".

Il cherche à établir "le même niveau d’exigence éthique et de conformité partout dans les 73 pays où le groupe est implanté". Pédagogue et à l’écoute, il l’affirme : "C’est grâce au grand professionnalisme de son équipe qu’il peut mener à bien les missions qui lui sont confiées." Selon lui, travailler en groupe c’est un "exercice des plus gratifiants intellectuellement et une source d’énergie positive". Ce passionné de football considère qu’être ouvert d’esprit est nécessaire : "J’ai avancé en me montrant ouvert à d’autres sujets que le M&A, pourtant le socle de ma formation. Je considère que la valeur ajoutée de chaque juriste réside dans sa capacité à exploiter le cadre réglementaire, avec l’obsession de donner un avantage concurrentiel à son business."

Ce qui n’empêche pas Antoine Brocas de franchir les frontières. Les prochaines ? Si ses trois filles étaient aux commandes, ce serait le Japon, les États-Unis ou Londres…

Judith Polycarpe 

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