Les impacts environnementaux et sociaux ont pris une place de plus en plus importante lors des décisions de placement des épargnants et dans la décision d’investissement des actionnaires. De nouveaux risques voient le jour et nécessitent un encadrement du secteur financier de la part des autorités.

La finance durable vise à aligner les intérêts financiers des investisseurs avec les objectifs de développement durable adoptés par l’ONU et l’accord de Paris sur le changement climatique. Les engagements clés pris par l’Union européenne comprennent la promotion du financement responsable, la transparence et le dialogue entre actionnaires, une gestion active des risques liés au climat ainsi que la mise en place d’un cadre réglementaire favorable à long terme pour encourager ces activités. De ce cadre, la finance durable s’appuie sur l’utilisation d’instruments financiers et de stratégies qui ont besoin de critères économiques, sociaux et environnementaux (ESG) pour leur pilotage et leur ­reporting.


Quelle prise en compte de la dimension ESG dans les démarches de risk ­management ?
Les entreprises financières sont de plus en plus conscientes des risques liés à la prise en compte des facteurs ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans leur gestion des risques. La prise en compte intégrée de ces facteurs leur permet d’identifier les risques potentiels et d’adopter une approche proactive pour y faire face. Elle peut également améliorer l’efficacité du processus grâce à un meilleur contrôle et une meilleure visibilité sur les impacts possibles sur le long terme de leur portefeuille d’investissement. De plus, intégrer un cadre ESG aux processus de risk management leur permet d’amplifier leur responsabilité sociétale vis-à-vis du public et contribue ainsi à renforcer la confiance entretenue par eux avec leurs ­parties ­prenantes.
Une approche est d’intégrer ces risques dans le dispositif risque opérationnel déployé au sein des établissements financiers à l’occasion de Bâle 2 en faisant évoluer la taxonomie pour prendre en compte ces facteurs de risques ESG.
In fine, cette approche par les risques de l’ESG permet une évaluation de la RSE d’un établissement de ses différentes composantes et de sa démarche d’ensemble, cela pouvant constituer le socle dans le cadre des Investissements Socialement Responsables (ISR).
Pour rappel, L’Autorité Bancaire Européenne (ABE) a publié sa version finale d’ITS visant à imposer aux banques des obligations de reporting ESG sur le Pilier 3. Entrée en application en juin 2022, les banques doivent publier leur première publication dès ce premier trimestre 2023 sur les données au 31 décembre 2022. Ces informations sont autant quantitatives que qualitatives et basées sur la Taxonomie Verte Européenne. La mise en œuvre du reporting Pilier 3 exige une discipline et un investissement conséquents pour collecter les données nécessaires, qui seront directement dépendantes des contreparties ou des ­fournisseurs tiers.

Quels sont les moyens d’évaluer la maturité des établissements financiers face aux enjeux réglementaires sur le volet ESG ?
Le régulateur a conscience de ces enjeux et fait évoluer la réglementation en ce sens. Avec l’application à venir des nouvelles règles et exigences de Bâle 4, il est notamment demandé aux établissements de prendre en compte les risques climatiques sur leurs activités.
Cette meilleure gestion des risques climatiques sera le garant de la maîtrise et de la réduction des impacts sur l’environnement.

 

Maîtriser les facteurs ESG : un avantage concurrentiel pour les établissements 
vis-à-vis des investisseurs et des épargnants

 

Les stress tests
Afin d’éprouver le niveau de résistance des établissements aux risques climatiques, la Banque Centrale Européenne a lancé un exercice de stress tests. Ce test de résilience a permis d’évaluer le niveau d’avancement de préparation des établissements face aux chocs financiers et économiques que les risques climatiques sont en mesure de provoquer afin de mieux appréhender les nouveaux défis qui les attendent.
Les résultats démontrent que la plupart des établissements :
- n’ont pas de dispositif solide de tests de résistance en matière de risques climatiques ;
- n’intègrent pas suffisamment les risques climatiques dans leurs modèles de risques actuels ;
- à défaut de données pertinentes sur cette thématique, ont recours à des approximations.

Dans cette continuité, en octobre 2022, elle a commencé à orienter ses avoirs en obligations d’entreprises vers des émetteurs affichant une meilleure performance climatique.
Et dernièrement, le 24 janvier 2023, elle a publié une première série d’indicateurs statistiques liés au climat pour mi eux évaluer l’impact des risques climatiques sur le secteur financier et suivre le développement d’une finance durable, remplissant un autre des engagements de son plan d’action pour le climat.
Avec ces publications les établissements financiers sont ainsi en mesure de recenser les vulnérabilités et les meilleures pratiques afin de leur permettre de consolider leur processus de contrôle et d’évaluation prudentiels (Supervisory Review and Evaluation Process, SREP) au titre du pilier 2.

Qu’en est-il du secteur de l’assurance ?
Dans le prolongement de l’évolution de la réglementation bancaire, comme MiFID 2, des modifications sont à prévoir concernant la­ ­Directive sur la Distribution d’Assurance (DDA), sa refonte devrait intervenir courant 2023 au mieux.
Toutefois, pour compléter la Directive en l’état, le règlement délégué UE 2021/1257, modifiant les règlements délégués (UE) 2017/2358 et (UE) 2017/2359, a introduit des facteurs de durabilité, des risques en matière de durabilité et des "préférences en matière de durabilité". Les modifications de ce règlement s’appliquent uniquement aux produits d’investissement fondés sur l’assurance (PIA). Il est entré en vigueur et application depuis le 2 août 2022.

Autrement dit, afin de mieux comprendre les attentes des clients et aux habituelles questions relatives à la situation financière, le conseiller financier doit leur demander leur sensibilité en matière de préférences ESG. Ces dernières doivent être incluses dans le processus de sélection des produits afin d’être alignées avec les stratégies patrimoniales et les objectifs financiers du client. Il faut souligner l’importance, pour les professionnels conseillers en patrimoine, de bien interpréter cette nouvelle donne et d’adapter leurs services à ce besoin grandissant chez leurs clients, sous peine de réclamations de leur part ou de sanctions des autorités de ­supervision.

Quelles sont les prochaines étapes ?
L’ABE a publié le 24 octobre 2022 un rapport sur la manière d’intégrer les risques ESG dans la surveillance des entreprises d’investissement. Le rapport fournit également une première évaluation de la manière dont les facteurs ESG et les risques ESG pourraient être inclus dans l’évaluation prudentielle des entreprises d’investissement.
Un prochain enjeu lié aux critères ESG porte sur l’évolution du reporting extra-financier à un rapport de durabilité encadré par la réglementation SFDR applicable depuis le 10 mars 2021, la Taxonomie européenne et l’application de la Directive CSRD à partir du 1er janvier 2024.
Ces éléments apportent la méthodologie nécessaire pour encadrer la finance durable et permettront une meilleure identification des investissements durables, grâce notamment, à une classification des produits ayant une caractéristique ESG.

Après deux ans, la mise en place du règlement SFDR et l’entrée en vigueur de son niveau 2 depuis le 1er janvier 2023, le secteur financier continue de s’adapter comme l’a révélé ­Morningstar dans une étude fin d’année 2022 : plus de 40 fonds ont été reclassifiés de fonds labellisés jusqu’alors dans la catégorie la plus exigeante, l’article 9, vers la classification article 8 (ces derniers, promeuvent, entre autres choses, des caractéristiques environnementales et/ou sociales, tandis que les fonds articles 9, doivent, en outre, poursuivre un objectif d’investissement durable).

 

LES POINTS CLÉS
Un pilotage holistique des risques nécessité par une pression réglementaire de plus en plus importante autour de la mise en œuvre des critères ESG :
- prendre en compte la dimension ESG dans les démarches de risk management ;
- tirer les enseignements du premier exercice de stress tests sur les risques climatiques ;
- engager les établissements financiers à atteindre la neutralité carbone en 2050 ;
- harmoniser les attentes des différentes autorités afin de rendre plus lisible la mise en œuvre.

 

SUR LES AUTEURS
Nicolas Vetriak,
président fondateur de Novaminds, est ingénieur et titulaire d’un MBA en finance internationale, diplômé de l’ENPC. Il dispose d’une longue expérience, d’abord dans des fonctions à responsabilités opérationnelles en risk management puis dans le conseil en stratégie et organisation, avec la donnée au cœur de ses interventions.
Christine Wrucka,
directeur de division chez Novaminds, est de formation informatique. Après un parcours de responsable de projets informatiques au sein d’un grand compte bancaire, Christine intervient depuis plus de vingt ans dans le conseil pour le secteur financier, en conformité réglementaire, gestion des risques et contrôle interne.

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