Le Conseil national des barreaux (CNB) a adopté en assemblée générale, le 3 juillet 2023, sa résolution sur la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise. Une fois encore, l’organe représentatif des avocats exprime son hostilité au projet de loi.
Le CNB renouvelle son désaccord avec la consécration d’un legal privilege à la française
Non c’est non. Le CNB s’arcboute contre le projet d’instauration d’un legal privilege au profit des juristes français. À l’occasion d’une assemblée générale du 3 juillet dernier, les membres du CNB ont réaffirmé leur opposition au nouvel article 58-1 inséré dans la loi de 1971 porté par un amendement du sénateur Hervé Marseille et adopté le 6 juin au Sénat. L’argument reste inchangé : la volonté de préserver la profession d’avocat. Pour le CNB, la confidentialité des consultations délivrées par les juristes d’entreprise s’apparenterait à la création d'une nouvelle profession réglementée et à l'affaiblissement du secret professionnel de l'avocat au détriment des entreprises et des particuliers.
La résolution du 3 juillet 2023 explique que le périmètre de la confidentialité des avis et le dispositif de levée de cette confidentialité sont porteurs “d’incertitude juridique de nature à nuire aux intérêts des entreprises” et de “complexification de leurs droits.” Tout en affirmant son attachement à la protection des entreprises françaises et à leur attractivité, le CNB considère le secret professionnel comme l’“indispensable corollaire des multiples normes qui leur sont imposées dans toutes les matières”. Une position déjà tenue à l’occasion d’une assemblée générale fin 30 mai 2015.
Risque pour l’attractivité et la compétitivité des entreprises françaises
À l’opposé, pour Jean-Philippe Gille, président de l’AFJE, la confidentialité des avis des juristes d’entreprises est “vitale”. Martial Houlle, président du Cercle Montesquieu, estime que le legal privilege relève de d'intérêt général et “participe pleinement de la protection de la souveraineté économique de nos entreprises”. Une opinion partagée par le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, qui se dit favorable à la création d’un legal privilege à la française notamment pour répondre aux impératifs de concurrence internationale et au besoin de protection des entreprises françaises. L’inflation des obligations de conformité des entreprises en matière de gouvernance, de droits humains, de droits sociaux, de devoir de vigilance, de protection des données, de respect des règles déontologiques, de responsabilité sociale et environnementale, de lutte contre le blanchiment de capitaux, a un impact sur l’activité des juristes d’entreprise. Ils doivent “pouvoir alerter les cadres dirigeants sur les risques juridiques tout en n’incriminant pas leur entreprise”. Et puis les entreprises risquent de se tourner vers des avocats anglo-saxons pour bénéficier de la confidentialité des avis que ne leur offre pas la loi française. Le garde des Sceaux avait rassuré son auditoire lors d’une intervention devant l’assemblée générale du CNB le 9 juin 2023 : “Les choses ne se feraient pas derrière leur dos.“
Le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 berceau de l’amendement, doit encore être débattu à l’Assemblée nationale. Affaire à suivre.
Anne-Laure Blouin