Dévoilé par Mario Draghi le 22 janvier dernier, le programme de rachats d’actifs visant à lutter contre la déflation en Europe a débuté le 9 mars.
C’était la principale annonce de la réunion de la BCE de jeudi 5 mars qui s’est tenue à Nicosi : le quantitative easing (QE ou assouplissement quantitatif en français) européen commencera le 9 mars. Au menu, les proportions et les ingrédients annoncés en janvier restent les mêmes : un taux directeur à 0,05 % auquel s'ajoutent des achats mensuels de titres souverains et de dettes privées, respectivement à hauteur de cinquante milliards d’euros et dix milliards d’euros. Au total, 1 140 milliards d’euros seront injectés d’ici à septembre 2016.

Si cette nouvelle étape de la politique monétaire était très attendue par le marché européen, elle a néanmoins été rapidement anticipée par les acteurs. Pour Thibault Prébay, directeur de la gestion des taux chez Quilvest Gestion : « L’annonce du QE plusieurs mois à l’avance a eu plus d’effets que sa mise en place effective. Une menace est toujours plus forte que son exécution », concède-t-il. La forward guidance, qui donne en avance les futures évolutions de la politique monétaire, a porté ses fruits. « L’euro a baissé et les investisseurs sont déjà tournés vers des actifs plus risqués. La réallocation vers le risque n’ira vraisemblablement pas beaucoup plus loin », estime le gestionnaire.

« Le marché des titres souverains reste profond »

Les dés sont-ils déjà jetés ? Rien n'est moins sûr. Selon certains analystes, la BCE pourrait en effet ne pas trouver autant de titre qu’elle le souhaite. « Le marché de la dette est bloqué. Les taux ont trop baissé et les assureurs ne peuvent pas vendre. Les banques, elles, se retrouvent dans l'obligation de se conformer à la réglementation prudentielle en conservant des actifs de qualité, comme les titres souverains », explique Thibault Prébay. Un tableau nuancé par l’économiste Nathalie Janson : « Le marché des titres souverains reste profond et les banques nationales garderont la main sur la maturité lors des achats. Je ne vois pas pourquoi il y aurait une pénurie de dette publique, sauf peut-être dans le cas de l’Allemagne dont les titres sont très prisés. »

Plus que l'atonie de l'offre de dette souveraine, l’économiste met en garde contre un effet bulle spéculative. « Ce risque est le plus fatal et il est mal pris en compte. Nous sommes dans l’expérimentation la plus totale. » Des secteurs comme ceux des nouvelles technologies, dont les valorisations sont souvent incertaines, ou de l’immobilier, qui dépend immédiatement des taux d’intérêt, pourraient être concernés. Un effondrement ou une crise soudaine sont néanmoins peu vraisemblables. « Il n’y a pas aujourd’hui d’innovation financière mal maîtrisée comme en 2008. L'impact le plus probable est celui d'un long ralentissement de l'économie européenne », conclut Nathalie Janson.

J.H.F.

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