Contraction des marges, pression réglementaire, digitalisation forcée... autant de raisons pour les banques privées d'envisager des rapprochements
Diminution des marges
Avec des encours sous gestion qui ont progressé de 5 % par rapport à l’année passée, les banques privées ont vécu une année 2014 plutôt correcte. Cependant, l’effet marché y est pour beaucoup et contribue à hauteur de 60 % à cette belle performance. La collecte nette est, elle, beaucoup plus faible (de l’ordre de 2 %) et se situe dans la moyenne des cinq dernières années, très loin des performances de la période pré-Lehman où elle était comprise entre 6 % et 8 %. Pour faire face à la contraction de leurs revenus, les banques privées s’adaptent. Sébastien Lacroix, associé chez McKinsey & Company en charge de la practice banque privée, confirme que « les banques privées ont réalisé des efforts significatifs pour contenir, voire réduire, leurs coûts d’exploitation au travers de programmes d’amélioration de la performance des systèmes d’information et grâce à la densification des portefeuilles ».

Digitalisation à marche forcée
Les plus réfractaires prétendront que le digital est l’antithèse de la banque privée, car il introduit un écran (au sens propre comme au figuré) dans la relation entre le client et son conseiller. Il n’en demeure pas moins que son développement paraît aujourd’hui inéluctable car plus de 65 % des HNWI (High Net Worth Individuals) souhaitent d’ici à cinq ans réaliser la majorité, voire l’intégralité de leurs transactions sous la forme numérique. Pour Sophie Breuil, directrice du conseil chez Neuflize OBC, « cette adaptation au digital est incontournable, tant pour réduire le coût de traitement des opérations clients que pour développer des canaux de communication complémentaires avec des clients sujets à une plus grande mobilité». Sébastien Lacroix corrobore : « Les banques privées s’appuyant sur un réseau de distribution Retail sont favorisées par l’apport naturel d'affaires et la mutualisation des systèmes d’information. À l’inverse, celles disposant d’encours inférieurs à cinq milliards d’euros ont en moyenne des coûts d’exploitation importants qui limitent la création de valeur ».

Consolidation en vue
Devant la pression réglementaire, l’augmentation des coûts d’exploitation des banques privées, la contraction des marges sur les dépôts, la circulation internationale des HNWI ou encore la difficulté à entrer en relation avec ses clients, le seuil de rentabilité des banques privées s’est déplacé de manière hétérogène en fonction de l’encours sous gestion de celles-ci. Ainsi, le seuil de rentabilité a été revu à la hausse de près de 10 % pour les banques privées européennes ayant moins de dix milliards d’encours sous gestion. À l’inverse les plus grandes banques privées ont constaté une diminution de leurs coûts d’exploitation consécutive entre autres à une mutualisation des systèmes d’information avec l’activité de banque de détail. Le marché est donc devenu un écosystème à deux vitesses. L’objectif pour les plus petits est désormais de compenser l’augmentation des coûts de fonctionnement par une mutualisation des back-offices ou par un recentrage de leur activité sur des zones géographiques à plus forte croissance. Pour preuve, le rachat par Julius Baer de l’activité banque privée mondiale de Bank of America Merrill Lynch en 2013 ou la disparition de l’activité française d’EFG Banque privée. « Les petits acteurs, ceux disposant de moins de dix milliards d’encours, n’auront d’autre choix que de se regrouper ou d'ajuster leur modèle opérationnel, au risque de devoir abandonner leur activité », conclut Sébastien Lacroix.

L’offshoring pour règle ?
Avec la liberté de circulation des capitaux en Europe, se pose la question du transfert des activités de tenue de comptes vers des places financières fiscalement plus attractives, comme le Luxembourg. Un certain nombre de banques étrangères installées, de longue date, en France réfléchiraient à la conversion de leur filiale française en simple succursale, perdant ainsi la licence bancaire dans l’Hexagone. Objectif assumé, se rapprocher de la marge bénéficiaire des banques privées françaises indépendantes ou adossées à un réseau (respectivement 10 points de base contre 28 pour les indépendantes et 36 pour celles adossées).

H.W.
@hugo_weber

Voir également : Vincent Taupin (E. de Rothschild) : « Le nombre de banques indépendantes s’est largement réduit »

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