Le nouveau managing director d'Ogilvy Africa confie à la rédaction du magazine Décideurs sa vision du marché publicitaire en Afrique.
Décideurs. Quel regard portez-vous sur le marché de la publicité en Afrique?

Mathieu Plassard.
Le marché de la communication et de la publicité en Afrique sub-saharienne est en plein bouleversement. J’aime d’abord rappeler que l’Afrique n’est pas un pays en soit mais un continent avec de grandes différences culturelles et linguistiques ainsi que des zones d’influences très diverses. Le retard sur les infrastructures est parfois important mais je constate qu’il tend à se combler rapidement. Il n’est pas rare de voir une zone non couverte par le réseau mobile passer directement à la 3G ou même à la 4G en sautant toutes les étapes précédentes. Les annonceurs récurrents sont essentiellement des multinationales représentant trois marchés clés : les opérateurs télécoms, les banques et services financiers et enfin l’alimentaire, avec notamment une présence très forte des brasseurs. En dehors, même de grandes multinationales qui essayent de s’implanter rencontrent des difficultés et n’ont pas toujours les moyens d’investir fortement.

Décideurs. Print, TV, Web, quels sont les canaux de communication les plus porteurs en Afrique ?

M. P.
Malgré un taux d’équipement qui n’a rien à voir avec les pays occidentaux, la télévision et la radio restent des canaux très efficaces pour toucher un grand nombre de personnes. Dans les villages, la télévision est souvent partagée pour l’intégralité des habitants mais le reach moyen est de 50 % à 60 % pour la télé et de près de 80 % pour la radio. Le digital se développe énormément, non pas au travers de l’ordinateur mais quasi exclusivement au travers du mobile. À l’image du mobile-banking, il y a un paradoxe entre un taux d’adoption très important et qui pousse très vite et des secteurs qui mettent du temps à évoluer. Les médias sociaux se développent également très rapidement, Twitter et Facebook en pointe. C’est une excellente source d’innovation pour les agences de communication en général. Enfin l’affichage est très prisé, pour des campagnes longues de plusieurs mois avec des surfaces très importantes.

Décideurs. Le secteur de la publicité est en pleine ébullition grâce au digital. Qu'en est-il en Afrique ?

M. P.
L’avantage d’une zone comme l’Afrique sub saharienne, c’est que l’innovation sur les points de contact est plus grande qu’en Europe où au États-Unis, le taux d’équipement en mobiles est quand même de 80 %. Nul besoin d’avoir un smartphone dernier cri pour se connecter à internet, le SMS est très utilisé et permet de faire des virements bancaires ou de consulter les cours par exemple. La frontière entre le digital et les autres médias est plus poreuse. J’ai en tête une campagne que nous avons réalisée l’année passée pour Sprite sur un panneau d’affichage digital interagissant avec son audience. L’impact a été vingt fois plus important qu’avec l’affichage statique traditionnel : le panneau a été prénomé Bill le Billboard et interagissait avec les passants en fonction de la météo, de l’actualité. Il y a eu un effet de buzz repris dans les médias traditionnels et sur les réseaux sociaux.

Décideurs. Afrique, terre d'opportunité ? Quelle est la stratégie d'Ogilvy sur le continent ?

M.P.
Ogilvy Africa est le premier réseau en Afrique avec vingt-sept agences sur le continent et trois hubs : Nairobi, Accra et Johannesburg. Nous avons comme stratégie de prouver que nous sommes les meilleurs. Notre ambition est surtout de nous développer avec l’Afrique et non à son détriment. Nous essayons au maximum de développer les talents locaux. Cela passe par des accords avec des écoles sur place et la mise en place de partenariats. Le second aspect, c’est les personnes de doubles nationalités qui reviennent au pays, les returnings. Ils ont un attachement important avec leur terre d’origine et dispose d’une double culture très intéressante pour nous. Enfin, cette diversité se traduit également par le choix de nos clients. Nous essayons autant que faire ce peut de travailler autant avec des clients locaux que des multinationales.


Propos receuillis par Élodie Sigaux & Hugo Weber (@hugo_weber)

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